FMI, France, Grèce : la vie après DSK…

 

Depuis bientôt une semaine, on ne parle quasiment que d’un même et seul sujet, qui occupe au moins la moitié des journaux télévisés, monopolise une bonne partie des sites internet d’information et dope le tirage des quotidiens nationaux. S’agit-il de la crise grecque ? De la guerre en Libye ? Des émeutes en Syrie ou au Yemen ? Des éventuelles représailles à la suite de la mort de Ben Laden ? Pas du tout. Comme par enchantement, tous ces sujets qui faisaient craindre le pire il y a encore quelques jours ont presque disparu du paysage médiatique.

Ce dernier est donc désormais focalisé sur une seule affaire : l’arrestation de Dominique Strauss Kahn. Bien entendu, compte tenu du poste occupé par celui-ci au moment des faits, en l’occurrence Directeur Général du Fonds Monétaire International, l’information est importante. Et ce d’autant qu’il était également pressenti comme candidat, voire comme vainqueur potentiel, des élections présidentielles françaises de 2012. De là à en faire la préoccupation principale des Français pendant au moins une semaine et certainement encore beaucoup plus, il y a peut-être une « légère » exagération.

Certes, les symboles sont forts. En quelques heures, celui qui était perçu comme l’un des « maîtres » du monde économique et financier se retrouve accusé, humilié et incarcéré dans une cellule de 12 mètres carrés. A l’évidence, cela a de quoi calmer l’arrogance et le sentiment d’impunité qui prévalent souvent au sein des élites, notamment françaises. Bien que très difficiles à acquérir, l’humilité et le self control sont certainement les principales qualités que l’on attend d’un dirigeant, quel qu’il soit.

Pourtant, au lieu de relativiser et de prendre du recul, de nombreuses personnalités politiques et économiques sont montées au créneau en passionnant le débat et en dramatisant les conséquences économiques et financières de l’arrestation de DSK. Certains ont crié au complot, d’autres ont indiqué que ces évènements les empêchaient de dormir. Enfin, une grande majorité de ces passionnés n’a pas hésité à avancer que, sans DSK, le FMI allait perdre sa crédibilité, que la crise grecque allait redoubler d’intensité, voire que la zone euro exploserait…

Et pourquoi pas le déclenchement d’une guerre entre la France et les Etats-Unis ? Vraiment, il serait bon de garder son sang froid. Certes, on peut comprendre que les amis de DSK, voire une partie des Français, qui ne sont pas habitués à voir une personnalité politique menottes aux poings, soient choqués par ce qui arrive à l’ancien Ministre de l’Economie de Lionel Jospin. Pour autant, il paraît vraiment déplacé de plonger dans un catastrophisme planétaire pour un seul homme, quand bien même serait-il le Directeur Général du FMI. Comme le rappelait régulièrement Georges Clémenceau « les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, qui ont tous été remplacés ». En d’autres termes, il est clair que si les Européens veulent sauver la Grèce et globalement la zone euro, ils le feront avec ou sans DSK. Le FMI est déjà parvenu à résoudre de nombreuses crises financières avec d’autres Directeurs Généraux.

En ce qui concerne son remplaçant, il est vrai que le poste était implicitement promis à une personnalité du monde émergent. Néanmoins, cette promesse à demi-mot date de 2007-2008. Et, à l’époque, le FMI et son conseil d’Administration étaient loin d’imaginer qu’un pays de la zone euro aurait besoin de leur soutien. Aujourd’hui, compte tenu de cette crise et des circonstances du départ de DSK, il paraît clair qu’une certaine continuité dans la Direction Générale du FMI devient indispensable. D’où la probable nomination à ce poste d’un Européen et pourquoi par de Madame Christine Lagarde. Celle-ci présente effectivement de nombreux avantages : elle connaît bien les dossiers en cours, dispose d’une culture à la fois française et anglo-saxonne et, enfin, apparaît « compatible » avec les intérêts du monde émergent. En outre, il sera également possible de confier le poste de numéro deux du FMI (qui se libère à l’automne prochain) à un représentant du monde émergent. Histoire de faire plaisir à tout le monde. Que l’on soit donc rassuré : le monde ne va pas s’écrouler avec le remplacement de DSK à la tête du FMI.

De même, il ne faut pas exagérer l’impact que l’affaire du Sofitel de New York pourrait avoir sur l’image de la France à l’international. Déjà, comme aiment le souligner les commentateurs des chaînes américaines, la réputation des Français en matière charnelle n’est plus à faire. De là à imaginer que la France serait jetée au banc des Nations pour les dérapages éventuels d’un seul homme, il y a un pas qu’il serait incongru de franchir.

Pour autant, l’éviction de DSK de la présidentielle française aura des conséquences dans l’Hexagone. En effet, même si ce dernier n’était pas assuré de passer les primaires socialistes, puis d’être élu Président, il paraissait susceptible de garantir une certaine crédibilité de la France à l’échelle internationale. Ainsi, de nombreux dirigeants socialistes espéraient qu’en cas de victoire en 2012, ils pourraient, grâce à lui, augmenter les dépenses publiques sans risque de dégradation de la note de la dette publique.

Si cet espoir n’était évidemment pas garanti, il a désormais complètement disparu. En d’autres termes, si Martine Aubry ou François Hollande sont élus Président(e) de la République Française en 2012 et qu’ils n’engagent pas de politique de réduction des dépenses publiques, il est fort probable que la France perdra son AAA en quelques mois, voire en quelques semaines. Les taux d’intérêt flamberont alors, la croissance s’effondrera et la dette publique augmentera de nouveau. D’où une nouvelle crise de la zone euro, qui pourrait alors bien sonner le glas de cette dernière. Le cas échéant, c’est donc seulement à ce moment là que l’on pourra juger de l’impact des déboires actuels de DSK…

Marc Touatii