Humeur :
Qu’est-ce qui fait courir les bourses ?
Les marchés boursiers conserveront toujours une part de mystère. Certes, certaines de leurs évolutions sont facilement compréhensibles. Par exemple, après la faillite de Lehman Brothers et la récession internationale qui a suivi, l’effondrement des grands indices boursiers de la planète apparaissait tout à fait logique. De même, dans le sillage de la crise grecque, la rechute de certaines places, notamment en Europe, devenait inévitable. Inversement, leur remontée à partir de la mi-2009 ou encore fin 2010 était largement justifiée par le redémarrage de la croissance mondiale.
Pour autant, à côté de ces mouvements « normaux », les bourses internationales enregistrent parfois des évolutions incohérentes, du moins en apparence. Et ce, en particulier depuis le début 2011. Ainsi en janvier, alors que tous les indicateurs économiques étaient au vert, la plupart des indices actions ont subi une prise de bénéfice massive. Ensuite, alors que les des crises dans certains pays arabes faisaient craindre le pire, ces indices ont commencé à se stabiliser, voire à se redresser. De même, le drame japonais n’a pas entamé l’optimisme des investisseurs boursiers. Pis, ou plutôt mieux, la flambée des cours du baril et de l’ensemble des matières premières, qui finira forcément par déprimer la croissance mondiale, n’a pas réussi à relancer durablement le « Bear Market ». Et ce, y compris dans l’UEM, où l’appréciation excessive de l’euro et le prolongement des crises de la dette publique dans de nombreux pays de la zone n’ont pas ému les boursiers outre mesure. A l’inverse, alors que l’événement était attendu depuis dix ans, la mort de Ben Laden n’a quasiment pas eu d’impact positif sur les marchés actions. Ces derniers ont même légèrement reculé moins de deux jours après l’annonce de l’élimination de l’instigateur des attentats du World Trade Center.
D’où une question : qu’est-ce qui fait courir les bourses aujourd’hui ? La réponse n’est évidemment pas facile, mais il est possible d’avancer quelques explications. Tout d’abord, il faut souligner que, depuis le 11 septembre 2001, puis les guerres en Afghanistan et en Irak, les investisseurs ont pris l’habitude d’augmenter la prime de risque naturelle qui pèse sur les marchés boursiers. Celle-ci limite ainsi de facto l’élasticité de ces derniers aux soubresauts géopolitiques. Et ce, tant à la hausse qu’à
Mais si les marchés actions ont récemment réussi à relativiser en partie les évolutions géopolitiques, ce n’est pas seulement parce qu’ils sont plus raisonnables, c’est aussi parce qu’ils bénéficient depuis bientôt deux ans d’une croissance économique mondiale forte. En effet, alors que cette dernière avoisinait les 3,3 % en moyenne depuis 1980, elle a atteint 5 % en 2010 et s’est stabilisée autour des 4 % cette année. Dans ce cadre, les entreprises, notamment celles cotées en bourse, peuvent réaliser des bénéfices conséquents et distribuer par là même des dividendes confortables. Et ce, aussi bien en 2011, grâce aux résultats exceptionnels de 2010, qu’en 2012. En dépit d’un inévitable ralentissement à partir de l’automne et grâce à un fort acquis de croissance, le PIB mondial et les profits des entreprises devraient effectivement rester très appréciables cette année et assurer par là même le versement de dividendes conséquents en 2012.
Compte tenu de ces profits passés, actuels et surtout à venir, les actions représentent ainsi un placement particulièrement rémunérateur, puisqu’elles bénéficieront à la fois d’un effet « cours » et d’un effet « dividende ». Les marchés boursiers deviennent encore plus attractifs lorsqu’on les compare aux placements alternatifs. Et pour cause : ils constituent l’un des rares marchés qui ne fait pas (encore !) l’objet d’une bulle, c’est-à-dire d’un écart cumulatif et auto-entretenu entre la valeur financière de l’actif et sa valeur réelle. En effet, les bulles sont partout : matières premières en tous genres, y compris l’or, obligations d’Etat, immobilier (en particulier en France : cf. Le Weekly de la semaine dernière)… En d’autres termes, le risque de moins-value enregistrée sur ces marchés est particulièrement élevé. Bien entendu, investir sur les marchés boursiers demeure également risqué. Néanmoins, compte tenu du fait que les cours des actions apparaissent relativement peu élevés par rapport à leur potentiel de hausse et surtout aux dividendes à venir, les bourses continuent de présenter le meilleur couple « rendement-risque » de l’ensemble des placements potentiels.
Dans ce contexte favorable, il y a cependant un bémol de taille : pour le moment, les marchés actions n’intègrent pas le risque de fort ralentissement de la croissance mondiale qui devrait s’imposer à partir de l’automne prochain. Or, eu égard à la flambée des cours pétroliers et de l’ensemble des matières premières, ce mouvement de décélération est inévitable. En particulier dans la zone euro, où l’appréciation excessive de la monnaie unique aggravera la situation économique et financière de nombreux pays de l’UEM, France comprise.
En conclusion, les marchés boursiers devraient rester bien orientés jusqu’à l’automne prochain, avec par exemple des niveaux de 13 500 points pour le Dow Jones ou de 4 400 pour le Cac 40. En revanche, à partir de septembre-octobre 2011, un mouvement de prise de bénéfices devrait s’installer. Ensuite, une évolution en yoyo s’imposera au gré des chocs géopolitiques, de la variation des cours des matières premières et, bien sûr de l’euro/dollar. De quoi confirmer que la volatilité restera forte en 2012, surtout que des échéances électorales majeures en France et aux Etats-Unis ne manqueront pas d’accroître les incertitudes. Autrement dit, en matière d’investissement boursier, c’est Carpe Diem jusqu’à septembre, puis les montagnes russes pendant au moins un an.
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Quid de l’économie cette semaine ?
La reprise de l’emploi s’intensifie outre-Atlantique.
Les chiffres du rapport sur l’emploi du mois d’avril nous confirment que la reprise du marché du travail monte en puissance outre-Atlantique.
En effet, après les fortes créations d’emplois du mois de mars (+ 221 000) la job machine américaine a généré 244 000 emplois en avril (contre 185 000 attendus par le consensus) portant à 1 184 000 le nombre d’emplois nets créés depuis octobre 2010.
Une majorité de secteurs d’activité a contribué à cette très bonne performance. A commencer par le secteur privé qui confirme les très bons chiffres du mois de mars (+231 000) puisqu’il a créé 268 000 emplois en avril soit un plus haut depuis février 2006. Les services sont une fois de plus à l’honneur avec 224 000 emplois créés, avec une distinction particulière pour les services aux entreprises qui ont générés 51 000 faisant suite aux 86 000 emplois générés en mars.
A noter également la très bonne performance du secteur du détail qui après avoir détruit 3 000 postes en mars redevient créateur net d’emplois en avril (+ 57 000). Si le secteur de la construction souffre toujours il commence « à sortir la tête de l’eau » avec un troisième mois consécutif de créations d’emplois dont 5000 pour le seul mois d’avril.
Le secteur manufacturier est également au dessus des attentes avec 29 000 créations en avril contre 20 000 anticipées par le consensus.
Les créations d’emplois dans le secteur privé au plus haut depuis février 2006.
Sources : Bureau of Labor Statistics, Bloomberg
Par ailleurs, le glissement annuel de l’emploi confirme sa bonne tenue affichant un niveau de +1,01 % en avril après 1,04 % en mars. De surcroît, la tendance devrait se poursuivre et s’intensifier dans les prochains mois à l’image des indices emplois des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière et dans les services qui, malgré un léger recul en avril, restent sur des niveaux conséquents.
D’après les indices ISM la reprise de l’emploi devrait encore accélérer dans les prochains mois
Sources : Bureau of Labor Statistics, ISM, Datastream
En revanche, et c’est une petite déception, le taux de chômage qui régresse depuis décembre 2010 et qui a atteint 8,8 % en mars est remonté à 9 % en avril, soit son niveau de janvier 2011. Il n’y a cependant pas d’inquiétude à avoir puisque tiré par l’investissement des entreprises, le taux de chômage devrait rapidement retrouver le chemin de la baisse pour redescendre sous la barre des 8 % d’ici la fin de l’année.
Le taux de chômage remonte mais il devrait baisser sous les 8 % d’ici la fin de l’année.
Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream
D’autre part, après avoir affiché une croissance nulle en mars, les salaires retrouvent quelques couleurs en avril (+0,1 % tant pour le salaire horaire moyen que pour le salaire hebdomadaire moyen) portant leurs glissements annuels à des niveaux respectifs de + 1,9 % et + 2,5 %.
Enfin, le nombre d’heures travaillées demeure stable à 34,3 en avril.
L’intensification de la reprise de l’emploi outre-Atlantique est le principal atout de l’économie américaine qui devrait croître de 2,9 % cette année.
Jérôme Boué
La météo économique de la semaine écoulée :
Les Marchés:
La BCE enfin disposée à éviter le pire ?
Comme à son habitude,
Mais, chassez le naturel et il revient au galop. Aussi, à peine deux mois plus tard, elle s’employait à démontrer le contraire, soulignant qu’il devenait urgent d’augmenter son taux refi, à cause d’un risque inflationniste devenu subitement dramatique. Face à ce retour en force du dogmatisme monétariste, il était alors à craindre que la BCE s’engagerait dans une phase de resserrement monétaire conséquent. Mais, là aussi, l’Institut francfortois a déjoué les pronostics, pour une fois, de façon judicieuse.
Ainsi, en dépit d’une inflation eurolandaise de 2,8 % en avril, Jean-Claude Trichet a défendu qu’une nouvelle hausse des taux directeurs n’était pas à l’ordre du jour dans l’immédiat. Dans la mesure où les déclarations des dirigeants de la BCE vont à hue et à dia depuis quelques mois, il ne faut évidemment pas s’emballer et penser que le statu quo du taux refi sera durable.
Cependant, comparativement au discours du printemps 2008 ou encore à celui du mois d’avril dernier, la BCE semble enfin disposée à ne pas rééditer les mêmes erreurs qu’il y a trois ans, lorsqu’elle avait resserré son étreinte monétaire alors que la zone euro commençait à plonger dans la récession.
Il faut dire que les arguments militant pour une stabilisation durable du taux refi ne manquent pas.
L’inflation par la demande reste faible.
Sources : Eurostat, Datastream
Tout d’abord, l’inflation par la demande reste particulièrement faible. Ainsi, hors énergie et produits alimentaires, le glissement annuel des prix n’était que de 1,1 % en mars et devrait se stabiliser entre 1 et 1,5 % au moins jusqu’à la fin 2011.
Ensuite, après une année de reprise honorable, notamment grâce à la vigueur de l’économie allemande, la croissance de la zone euro va nettement ralentir dès le deuxième trimestre 2011. La forte baisse des ventes au détail en mars confirme que ce mouvement est déjà en marche. De plus, le recul de l’indice de sentiment économique de la zone en mars et avril montre que la décélération va s’intensifier au cours des prochains trimestres.
Le ralentissement économique va s’intensifier…
Sources : Eurostat, Bloomberg
Last but not least, l’appréciation excessive de l’euro, notamment face au dollar, équivaut à un resserrement monétaire. Augmenter encore le taux refi reviendrait donc à aggraver une situation déjà particulièrement restrictive. Et ce d’autant que cet euro trop fort affaiblit l’activité déjà atone de nombreux pays de la zone, qui sont, par ailleurs, affectés par une crise de la dette publique de plus en plus dangereuse.
Euro fort et hausse du taux refi, un cocktail explosif.
Sources : BCE ; Datastream
Dans ce cadre, il est clair que si la BCE augmente encore son taux refi dans les tous prochains mois, l’euro restera trop fort, greva
- Zone Euro : peut mieux faire…
- Le retour du protectionnisme ?