Euro/dollar, Immobilier en France, Croissance US : Risky Business… (E&S n°168)

 

Humeur :

Euro : 1,50 dollar aujourd’hui, 1,20 demain et 1 franc après-demain ?

C’est malheureux à dire, mais le triste scénario de 2008 est bien en train de se reproduire sous nos yeux. Les mêmes causes continuant de produire les mêmes effets. Ainsi, comme en 2007-2008, la fin d’année 2010 et le début 2011 ont été marqués par une aggravation des divergences de politique monétaire entre les Etats-Unis et la zone euro. D’un côté, la Réserve fédérale américaine s’est montrée très accommodante, pour ne pas dire laxiste. De l’autre, la Banque Centrale Européenne a fait preuve de son habituel excès de zèle monétariste, augmentant hâtivement son taux refi sous prétexte d’un risque inflationniste excessif.

Compte tenu de cet écart de « vision du monde » et surtout de taux d’intérêt, l’euro s’est fortement apprécié face au dollar. Pour ne rien arranger, les Américains n’ont pas manqué de mettre de l’huile sur le feu, en laissant croire qu’ils risquaient de perdre leur AAA et « tutti quanti », de manière à maintenir un dollar artificiellement bas, histoire de ne prendre aucun risque en matière de croissance.

Le problème est que, comme en 2008, ces stratégies décidément archaïques, ont relancé la spéculation sur les cours des matières premières, à commencer par ceux du pétrole, qui étaient déjà poussés à la hausse par les craintes liées aux révolutions dans le monde arabe. Or, plus les cours du baril flambent, plus l’inflation augmente et plus les risques de rechute économique, voire de récession mondiale s’accroissent. La première de ces deux évolutions (à savoir l’inflation) incite la BCE à monter d’un étage dans sa tour d’ivoire de la rigueur monétariste. Quant à la seconde (en l’occurrence le risque de ralentissement économique), elle empêche la Fed de retrouver une politique monétaire normale. Au final, la baisse du dollar se trouve accentuée, pérennisant par là même le cercle pernicieux qui a déjà causé la récession de 2008-2009 et qui pourrait bien en faire autant d’ici la fin 2011.

Mais attention, ce petit jeu pourrait bien s’avérer fatal. Car, s’il y a trois ans, le pire a pu être évité, grâce aux relances budgétaires et monétaires menées à travers le monde, ces marges de manœuvre n’existent plus aujourd’hui. Les taux d’intérêt monétaires sont toujours très bas (en dépit de la remontée de la BCE du mois dernier), les Etats sont surendettés et les pays émergents ne sont plus forcément disposés à acheter massivement les obligations du Trésor des pays dits développés. Et ce d’autant qu’ils commencent, eux aussi, à subir un ralentissement économique conséquent.

Autrement dit, la planète économico-financière ne peut plus se permettre une nouvelle crise. Et si ce scénario se réalise, tous les pays de la planète ne seront logés à la même enseigne. Comme d’habitude, grâce au rôle hégémonique du billet vert, les Etats-Unis pourront encore s’en sortir en actionnant la planche à billets, même si cette fois-ci pourrait bien être la dernière, dans la mesure où elle marquerait la fin de la suprématie du dollar en matières de transactions internationales et de réserves de changes.

Parallèlement, la Chine pourra également s’en sortir sans trop de dégâts en actionnant ses deux « airbags ». A savoir, une dette publique de seulement 18 % du PIB qui permettra d’engager une relance budgétaire massive et surtout, des réserves de changes de 3 044 milliards de dollars qu’elle pourra mobiliser à tout moment sans frais.

En revanche, si ces deux locomotives de l’économie mondiale pourront une nouvelle fois tirer leur épingle du jeu, il n’en sera pas de même de la zone euro qui, comme en 2009, restera l’une des grandes perdantes de la crise. Et ce d’autant que la bulle de la dette publique est loin d’être circonscrite dans la grande majorité des pays eurolandais et redoublera d’intensité à cause de la remontée des taux d’intérêt et de l’appréciation excessive de l’euro.

Le mécanisme est aussi simple qu’implacable : l’euro trop fort va encore casser le peu de croissance qui existe dans les pays à forte dette, aggravant le chômage et creusant par là même les déficits publics, donc la dette. Les taux longs s’en trouveront augmentés, alimentant la spirale récessionniste. Les nouveaux records atteints la semaine dernière par les taux d’intérêt grecs (16 % pour le taux à dix ans et 25 % pour le taux à deux ans) ne sont que la parfaite illustration de ce mécanisme et prouvent l’absurdité de l’appréciation de l’euro. Comment peut-on effectivement acheter la devise d’une zone qui reste enlisée dans la croissance molle et qui risque de disparaître dans les toutes prochaines années ?

En d’autres termes, la forte hausse de l’euro n’a aucun sens économique et tient simplement à un mouvement spéculatif destructeur, il est vrai alimenté par le dogmatisme de la BCE. A croire que cette dernière veut vraiment que la zone euro finisse par disparaître prochainement… Dans ce cadre, il est clair que faire des prévisions à court terme sur l’euro/dollar est, par définition, illusoire. Ce dernier peut, en effet, continuer de monter dans le vide, tant que les investisseurs refusent de voir la réalité économique eurolandaise en face. Une chose est néanmoins sûre : plus l’euro s’appréciera, plus la crise qui frappera l’UEM dans les prochains mois sera grave et plus l’euro s’écroulera par la suite.

Pour être plus précis, avec un euro autour de 1,50 dollar, la zone euro entrera en récession au troisième trimestre 2011. Les déficits publics et les taux de chômage repartiront à la hausse dans tous les pays eurolandais, y compris en Allemagne et bien sûr en France. D’où une remontée des taux d’intérêt à dix ans d’au moins 1 point outre-Rhin et de 1,5 point dans l’Hexagone. Cette augmentation pourra même atteindre 2,5 points en Espagne et dans l’ensemble des pays du Sud. Avec des larmes de crocodile, la BCE tentera certainement de venir à la rescousse, mais il sera trop tard.

Les investisseurs se rendront alors compte des dégâts causés par l’euro killer, et celui-ci s’effondrera dans la douleur vers les 1,20 dollar d’ici la fin 2011. Pour peu que la France choisisse d’engager une nouvelle augmentation de ses dépenses publiques en 2012 et nous pourront dire adieu à notre très chère zone euro dès 2013…

Marc Touati

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Quid de l’économie cette semaine ?

Croissance américaine : doucement, mais sûrement.


Ne nous voilons pas la face : la progression annualisée de 1,8 % du PIB américain au premier trimestre 2011 (après 3,1 % au quatrième trimestre 2010) est décevante. Et ce d’autant qu’elle s’explique en grande partie (à hauteur de 1 point précisément) par une augmentation notable de la formation de stocks.

De même, il faut noter que la contribution du commerce extérieur a été nulle, ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour une réévaluation haussière lors des prochaines estimations du PIB.

Conséquence logique de cette décélération, le glissement annuel du PIB a continué de reculer légèrement. S’il reste encore très appréciable, il n’est cependant plus que de 2,3 %, contre 2,8 % au trimestre précédent et un plus haut de 3,3 % au troisième trimestre 2010.

De plus, ce recul apparaît excessif au regard des indices des directeurs d’achat qui laissent donc envisager un rebond notable au deuxième trimestre 2011.

La croissance américaine ralentit mais reste appréciable.

Sources : BEA, Datastream

En fait, la croissance du premier trimestre est à l’image de la reprise américaine : en pente douce. Nous sommes effectivement loin des mouvements de fort rattrapage observés par exemple dans les années 1983, 1993 et 2004.

Et pour cause : à ce stade du cycle, c’est-à-dire treize trimestres après le début de la récession, le PIB américain affiche actuellement une progression de seulement 0,6 %, contre 2,8 % en 1983, 7,2 % en 1993 et 7 % en 2004.

Compte tenu de la gravité de la dernière crise et des séquelles importantes laissées dans les esprits, cette reprise très progressive peut évidemment se comprendre. A la rigueur, cela confère un potentiel de rattrapage conséquent pour les trimestres et les années à venir.


Le cycle américain actuel affiche à la fois un retard et un potentiel conséquent.

Sources : BEA, Datastream, Calculs Assya Compagnie Financière

D’ailleurs, les comptes nationaux du premier trimestre ne sont pas seulement porteurs de mauvaises nouvelles. En effet, il faut noter que la déception du chiffre de croissance s’explique en grande partie par la baisse de 5,2 % des dépenses publiques, qui a enlevé 1,1 point à la progression du PIB. En d’autres termes, la croissance du seul secteur privé a atteint 2,9 % au premier trimestre 2011.

En outre, bien loin des craintes exprimées ici et là et a contrario des mouvements observés dans de nombreux pays européens, l’Etat américain commence à assainir ses finances. Il s’agit là de la stricte application de l’une des principales règles de la relance keynésienne. En l’occurrence : une fois que les moteurs privés ont redémarré, l’Etat doit réduire la voilure et les dépenses publiques doivent reculer.

La consommation retrouve des sommets depuis 2006.

Sources : BEA, Datastream

De plus, les deux principaux moteurs privés de l’économie américaine ont confirmé leur retour en force. Ainsi, en dépit d’un léger ralentissement après l’euphorie du quatrième trimestre 2010, la consommation des ménages a progressé de 2,7 % au premier trimestre (10,6 % pour les dépenses de biens durables). Son glissement annuel continue sa progression, pour atteindre 2,8 %, un plus haut depuis le quatrième trimestre 2006. Sans retrouver sa vigueur d’antan, la consommation des ménages est donc bien installée sur une tendance durablement haussière.

Dans le même temps, l’investissement en équipements et logiciels des entreprises a continué de progresser fortement, enregistrant une hausse annualisée de 11,6 %, contre 7,7 % au quatrième trimestre 2010. Certes, compte tenu d’un effet de base défavorable, son glissement annuel a légèrement reculé, passant de 10,6 % au dernier trimestre de l’an passé à désormais 9 %. Parallèlement, si le glissement annuel des investissements informatiques a aussi reculé, il reste toujours très appréciable avec un niveau de 14,2 %. Avec de telles performances, il paraît donc clair que le cercle vertueux « investissement-emploi-consommation » demeure installé sur des bases solides.

En dépit d’un inévitable ralentissement, l’investissement des entreprises reste particulièrement dynamique.

Sources : BEA, Datastream

Malheureusement, sur le front de l’autre type d’investissement, c’est-à-dire celui des ménages, l’heure n’est toujours pas aux réjouissances. Ainsi, celui-ci a encore reculé de 4,1 %, après un sursaut de 3,3 % au quatrième trimestre 2010. De quoi inciter la Fed à rester prudente, comme elle l’a, une fois encore, confirmé la semaine dernière, lors de la conférence de presse de Ben Bernanke.

Au total, l’ensemble de ces évolutions permet au PIB américain de disposer d’un acquis de croissance de 1,4 % au sortir du premier trimestre. A titre de comparaison, celui-ci était de 2 % il y a un an. En outre, l’augmentation des cours du pétrole et des matières premières devrait légèrement contrarier les résultats de l’économie américaine au cours des prochains trimestres.

Autrement dit, sans être catastrophistes, nous sommes contraints de réviser en baisse de 0,3 point notre prévision de croissance pour 2011. Ainsi, après avoir augmenté de 2,9 % en 2010, le PIB américain devrait croître à un rythme identique cette année. Quant à 2012, la barre des 3 % est toujours largement envisageable, mais demeure conditionnée par l’évolution des cours des matières premières.

En conclusion, il n’est plus possible de compter sur l’Oncle Sam pour faire des miracles. Il se contentera simplement d’installer sa croissance autour de son niveau structurel, à savoir 3 %. Ce qui, compte tenu du climat ambiant, n’est déjà pas si mal.

 

Marc Touati

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



France : les consommateurs lâchent prise.


C’est un fait : les arbres ne montent pas au ciel. La baisse de 0,7 % de la consommation des ménages français en mars ne fait que le rappeler. Il est vrai qu’après avoir soutenu la croissance française coûte que coûte depuis plus de dix ans, la consommation hexagonale apparaissait de plus en plus comme un moteur indéfectible qui ne pourrait jamais s’arrêter. Mieux, au moment où celui-ci commençait à « caler », la prime à la casse de 2009-2010 est venue prolonger l’illusion. Seulement voilà, toutes les bonnes choses ont une fin et la vigueur de la consommation des Français n’échappe pas à la règle.

Après un premier trimestre 2011 correct, les trimestres à venir s’annoncent difficiles.

Sources : INSEE et Datastream

Certes, le repli de 0,7 % des dépenses des ménages en produits manufacturés en mars n’est pas catastrophique. D’ailleurs, en dépit de ce recul, celles-ci augmentent de 1,2 % sur l’ensemble du premier trimestre, ce qui est plutôt bon signe pour la croissance du PIB de cette même période.

En revanche, il faut noter que tous les secteurs d’activité enregistrent une nette baisse de consommation en mars. A commencer par l’automobile qui, après avoir déjà chuté de 6,7 % en janvier, puis rebondi dans un dernier sursaut de 0,9 % en février, recule encore de 1,6 % en mars.

La consommation automobile commence sa traversée du désert.