Perspectives 2011, pétrole, emploi US : le calme après la tempête ? (E&S n°162)

 

Humeur :

Où investir en 2011 ?

Qu’ils soient américains, européens, asiatiques, africains ou australiens, tous les épargnants et les investisseurs de la planète se posent la même question : avec les dérapages géopolitiques internationaux et la flambée des cours du pétrole qu’ils ont suscitée, où faut-il placer ses économies en 2011 ? Leur objectif n’étant d’ailleurs pas forcément de gagner encore plus d’argent, mais tout simplement de ne pas en perdre. Car, l’enjeu est bien là : depuis une dizaine d’années et notamment depuis l’explosion de la bulle Internet, la plupart des économistes, analystes et autres prévisionnistes en tous genres se sont très souvent trompés. Et même si les bilans de nos prévisions que nous publions chaque début d’année depuis douze ans ont été appréciables, nous avons également commis des erreurs. Qu’il nous soit permis de nous en excuser, car nul n’est infaillible et, surtout, parce que, selon nous, le pire serait de se réfugier dans le « peut-être bien que oui, peut-être bien que non » ou encore dans la fadeur du consensus. En outre, les erreurs de prévisions sont de différentes natures. Certaines sont excusables. On ne peut effectivement pas demander à un économiste de prévoir l’affaire Enron, les attentats du 11 septembre 2001 ou encore la faillite sauvage de Lehman Brothers.

D’autres erreurs sont cependant beaucoup moins admissibles et parfois lourdes de conséquences. Annoncer par exemple que l’hyperinflation va faire son retour en 2008 et, de ce fait, augmenter fortement les taux directeurs de la BCE a tout simplement enfoncé la zone euro dans sa plus forte récession depuis l’après-guerre. Prédire, en juillet 2008, lorsque le baril flambait à 150 dollars, que ce dernier allait encore s’envoler de façon imminente à 250 dollars, voire plus, relève de la même gageure. Dans la mesure où les conseilleurs ne sont pas les payeurs, la facture a surtout été salée pour ceux qui ont parié sur cette conjecture. A la rigueur, s’il s’agit d’un hedge funds ou d’un spéculateur professionnel, ce sont les risques du métier et il faut les assumer. En revanche, s’il s’agit d’une compagnie d’aviation qui achète à terme du pétrole à 150 dollars et doit donc le payer à ce prix en 2009 en dépit de son effondrement à 35 dollars, la pilule est beaucoup plus difficile à avaler.

Malheureusement, les années passent, mais les erreurs se perpétuent. Ainsi, chacun sait aujourd’hui que la nouvelle flambée des cours du pétrole est anormale (c’est-à-dire non justifiée sur la base des fondamentaux économiques) et due principalement à des facteurs géopolitiques non-maîtrisables, donc non-prévisibles. Pour autant, les mêmes « oiseaux de malheur » qui annonçaient en vain le baril à 250 dollars en 2008 réapparaissent aussi vite qu’ils avaient disparu. La même litanie revient sans vergogne : la demande mondiale d’or noir est trop forte, les réserves de pétrole ne sont pas inépuisables, dans vingt ans, il n’y en aura plus… Et, comme d’habitude, le grand public mais aussi les investisseurs professionnels oublient que ces phrases sont prononcées depuis trente ans et qu’il y a toujours autant de pétrole, si ce n’est plus, à travers le monde.

Dans le prolongement de cet aveuglement récurrent, de nombreuses voix recommencent à s’élever pour annoncer le retour de l’hyperinflation qui finira par reproduire la stagflation des années 1975-82 (c’est-à-dire une forte inflation associée à une grave récession). Certes, il est clair que si les cours du baril ne baissent pas et si, a fortiori, ils continuent de progresser, la croissance mondiale va s’effondrer, voire se transformer en récession. Pour autant, augmenter les taux d’intérêt pour lutter contre une inflation qui ne dépend pas de la vigueur de la croissance, mais uniquement de la flambée des cours des matières premières, reviendra, comme en 2008, à aggraver la l’atonie économique. A une différence près : de 2003 à 2007 la croissance mondiale a été plutôt appréciable. Dans ce cadre, bien qu’historiquement grave, la récession de 2008-2009 a été gérable ou encore « absorbable ». A l’inverse, en 2011, la planète économico-financière n’a connu qu’une année de rebond, en l’occurrence en 2010. Dès lors, lui enfoncer de nouveau la tête sous l’eau pourrait la plonger dans un « coma » prolongé, avec des conséquences sociales, politiques et humanitaires dramatiques. De ce point de vue, il faut d’ailleurs noter qu’un effondrement de la croissance internationale réduirait mécaniquement la demande mondiale de pétrole et ferait chuter, comme en 2009, les cours de l’or noir.

Toujours est-il qu’en attendant de voir plus clair, les épargnants et investisseurs de la planète apparaissent particulièrement fébriles. Dès lors, ne sachant plus à quel saint se vouer, ils risquent de se laisser tenter, une fois encore, par les « experts » qui annonçaient, annoncent et annonceront que la fin du système capitaliste est proche et qu’il faut donc se protéger en investissant uniquement sur des valeurs soi-disant refuges. Parmi elles, on recense évidemment l’or (le jaune cette fois-ci), les métaux précieux, le franc suisse ou encore l’ensemble des matières premières, y compris alimentaires, sans oublier les terres arables, ou encore les placements sans risques, et notamment pour les Français, le fameux livret A… Et peu importe que le métal jaune atteigne des sommets historiques et qu’il soit donc très cher. Peu importe également que l’appréciation excessive du franc suisse menace l’économie helvétique de replonger dans la récession. Peu importe enfin que le taux de rémunération du livret A soit égal à l’inflation et qu’il serve donc un rendement réel nul. Non, tous ces arguments objectifs sont balayés d’un revers de main, pour la simple raison que, face à l’incertitude, l’être humain devient craintif et ne veut plus croire en l’avenir.

Pourtant, il faut aussi être conscient que si les scénarii du pire se produisent (révolution systémique, troisième guerre mondiale…), la plupart des habitants qui resteront sur terre auront d’autres soucis que de savoir si l’inflation va dépasser les 2 % le mois prochain. En revanche, si l’Humanité évite l’autodestruction et si, comme toujours, le calme revient après la tempête, les meilleures performances financières seront réalisées sur l’investissement productif et sur les marchés boursiers. Parallèlement, les cours des matières premières, y compris de l’or jaune, noir et vert se replieront vers des niveaux plus justes et de nombreux épargnants se mordront encore les doigts de ne pas avoir eu l’audace de faire les bons choix lorsqu’il en était encore temps…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Coup d’accélérateur pour la job machine américaine.


Après la contre performance du mois de janvier liée aux intempéries climatiques, à savoir « seulement » 63 000 emplois créés contre 146 000 attendus par le consensus, le marché de l’emploi américain retrouve de belles couleurs.

 

En effet, la job machine américaine est passée à la vitesse supérieure en créant 192 000 emplois en février portant à 671 000 le nombre d’emplois nets créés depuis octobre 2010. Ce coup d’accélérateur concerne de nombreux secteurs d’activité, à commencer par le secteur privé qui a créé 222 000 emplois en février. Une « mention spéciale » est à décerner au secteur des services qui a généré 152 000 emplois en février dont 47 000 emplois supplémentaires pour les seuls services aux entreprises. En revanche le commerce de détail qui avait créé 31 000 emplois en janvier affiche 8 000 destructions nettes en février.

 

Par ailleurs, après avoir été victime de la météo en janvier avec 22 000 destructions d’emplois, le secteur de la construction est redevenu un créateur net d’emplois pour la première fois depuis août 2010 avec 33 000 nouvelles créations. Enfin, le secteur manufacturier affiche encore de belles couleurs en créant 33 000 emplois en février contre 25 000 attendus par le consensus.

 

Les créations d’emploi restent fortes dans le secteur des services et dans l’industrie

 

Sources : Bureau of Labor Statistics, Fed, Datatsream

 

En sus des fortes créations d’emplois en février l’autre bonne nouvelle de ce rapport sur l’emploi concerne le taux de chômage. En effet, après avoir chuté à 9 % en février une petite correction haussière était attendue, mais il n’en fût rien. En effet le taux de chômage américain est passé sous la barre de 9 % pour la première fois depuis avril 2009 pour afficher un niveau de 8,9 % en février.

Le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est donc bien en place outre-Atlantique et devrait s’intensifier dans les prochains mois.

 


Le taux de chômage passe sous les 9 % aux Etats-Unis.

 

Sources : Bureau of Labor Statistics, Fed, Datatsream

 

Par ailleurs, le glissement annuel de l’emploi progresse encore, affichant un niveau de 0,98 % en février contre 0,81 % en janvier, et ce n’est qu’un début. En effet, les bonnes performances des indices «emploi» des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière mais également dans les services en février, confirment la montée en puissance de l’emploi outre-Atlantique dans les prochains mois.

 

D’après les indices ISM la reprise de l’emploi va monter en puissance dans les prochains mois.

 

Sources : Bureau of Labor Statistics, Fed, Datatsream

 

Parallèlement, après avoir progressé en janvier les salaires ont affiché une croissance nulle en février tant pour le salaire horaire moyen que pour le salaire hebdomadaire moyen portant leurs glissements annuels à des niveaux respectifs de 1,7 % et + 2,3 %. Par ailleurs, le nombre d’heures travaillées s’est stabilisé à 34,2 pour un troisième mois consécutif.

 

Après une année 2010 relativement décevante sur le front de l’emploi outre-Atlantique, le PIB américain qui devrait croître de 3,2 % au minimum cette année soutiendra significativement la job machine américaine. Nous confirmons donc notre prévision d’un taux de chômage qui devrait afficher un niveau d’environ 8,7 % en moyenne cette année aux Etats-Unis. Jérôme Boué



La météo économique de la semaine écoulée :

 


Les Marchés:

Pétrole : attention danger !


On ne le dira certainement jamais assez : tant que les cours des matières premières augmentent modérément, l’économie mondiale n’est absolument pas menacée. Et pour cause : avec une progression annuelle du PIB planétaire de 4 %, la progression normale du prix de baril et de l’indice CRB de l’ensemble des matières premières avoisine les 15 %. A ce rythme, cette inflation ne fait donc qu’accompagner et pérenniser une croissance internationale soutenue.

A l’inverse, dès que les cours de l’or noir et plus globalement de l’ensemble des «commodities» augmentent de plus de 20 % par an et a fortiori s’ils flambent durablement, l’économie mondiale est mise en danger.

La croissance mondiale ne résistera pas à un baril durablement supérieur à 120 dollars.

Sources : Datastream, prévisions Assya Compagnie Financière

Ainsi comme le confirme le graphique ci-dessus, l’envolée actuelle des cours du baril est excessive par rapport au rythme de la marche des affaires mondiale. Dès lors, si cette inflation excessive se prolonge, la croissance planétaire finira par s’effondrer comme en 2008-2009.

L’offre et la demande mondiale de pétrole restent proches.

Source : AIE, Bloomberg

Le caractère débridé de la flambée actuelle des prix du baril s’observe également au travers de l’évolution de la demande et de l’offre mondiale de pétrole qui ne fait pas état d’une pénurie significative d’or noir. En janvier l’offre est même repassée légèrement au-dessus de la demande.(cf graphique précédent)

Cela renforce l’idée qu’une augmentation durable des cours du baril accroîtra le risque d’effondrement de la croissance mondiale, pour la simple raison que cette dernière est encore très fragile.

Le principal problème de ce risque réside dans le fait que l’impact de la hausse des cours des matières premières sur les fondamentaux économiques se produit avec six à neuf mois de décalage.

Le tableau présenté ci-a