PIB américain, BCE, France : que de contrastes ! (E&S n°157)

 

Humeur :

Et si la France retrouvait la « baraka » ?

Cela n’aura certainement échappé à personne : depuis une dizaine d’années, la France n’a cessé de jouer de malchances. Et ce, sur quasiment tous les plans, en particulier sur le front économique. Ainsi, après une courte phase de croissance forte en 1998-2000, la France s’est enfoncée dans une mollesse économique historique, réalisant une croissance annuelle moyenne de seulement 1,2 % de 2001 à 2010. Néanmoins, avant de revenir sur cet aspect déterminant de notre passé et aussi de notre avenir, il faut reconnaître que, pour de nombreux Français, il y a bien plus important que l’économie, à savoir l’actualité sportive et particulièrement footballistique.

Et là aussi, la déveine a été particulièrement forte. En effet, de ce point de vue, la dernière décennie restera avant tout marquée par la triste défaite des Bleus en finale du Mondial de football de 2006 et surtout par leur élimination honteuse dès le premier tour des Mondiaux de 2002 et de 2010. Que dire alors du Tennis masculin français, qui attend toujours son vainqueur à un tournoi du grand Chelem depuis la victoire de Yannick Noah en 1983 ! Pour couronner le tout, alors que Paris était donné plus que favori pour organiser les JO de 2012, elle s’est fait souffler la place par Londres. Encore une occasion ratée de susciter un élan national et surtout de créer un nouveau moteur de croissance.

Car, au-delà des déceptions sportives, la dernière décennie a été celle des contre-performances économiques. A côté de la morne progression de son PIB, la France a aussi été affectée par un dérapage historique de ses comptes publics. De 1,5 % du PIB en 2000, son déficit public a ainsi frôlé les 8 % en 2009 et 2010. Conséquence logique de ce laxisme incontrôlé, la dette publique a flambé pour atteindre les 84 % du PIB l’an passé et certainement les 90 % en 2012.

A la rigueur, si cette gabegie de dépenses et de dettes publiques avait généré une croissance vigoureuse, une baisse massive du chômage, un recul des inégalités et de la pauvreté, elle aurait pu être acceptable. Malheureusement, il n’en a rien été. Certes, le chômage s’est stabilisé à 10 % pendant la dernière crise, soit deux points de moins qu’au début des années 1990. Cependant, cette évolution a priori favorable est principalement due au papy boom. Ce dernier se résume au départ à la retraite des nombreux enfants du baby boom, alors que ceux-ci sont remplacés par les classes creuses des années 1980-90. Autrement dit, sans cet avantage « technique », le taux de chômage français aurait largement dépassé son sommet des années 1993-95.

Mais, arrêtons là la sinistrose. Car, après avoir été « comblée » de malchances et de pessimisme, la France pourrait enfin retrouver la « baraka » et par là même le sourire. Ainsi, 2011 pourrait bien constituer une année de renouveau pour l’Hexagone. En effet, après trois ans de désinvestissement massif, les entreprises françaises sont désormais prêtes à inverser la tendance, au moins pour remplacer les équipements existants devenus obsolètes. Parallèlement, la forte reprise allemande va également se diffuser aux entreprises hexagonales, renforçant leurs besoins d’investissements. Dès lors, elles reprendront progressivement le chemin de l’emploi, ce qui permettra de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Ces derniers pourront alors maintenir un niveau de consommation appréciable et compenser les effets négatifs de la fin de la prime à la casse. Dans ces conditions, la réalisation d’une croissance de 2 % en 2011 reste certes difficile, mais devient tout à fait possible.

Mieux, pour couronner ce succès économique, la France pourra aussi se féliciter de la réussite probable de sa Présidence du G20. En effet, comme l’a très habilement annoncé Nicolas Sarkozy le 24 janvier, l’un des grands enjeux de cette Présidence résidera dans un Système Monétaire International stabilisé autour d’un dollar et d’un yuan plus forts. Or, compte tenu du redémarrage durable de la croissance et de l’emploi outre-Atlantique, il est clair que la Réserve fédérale américaine augmentera ses taux directeurs d’ici le printemps prochain, entraînant une appréciation durable du billet vert. Parallèlement, forte d’une croissance dynamique et de manière à éviter la surchauffe, la Chine engagera inévitablement un mouvement d’appréciation progressive du yuan en 2011, vers les 5,5 yuans pour un dollar d’ici la fin de l’année. Cela permettra de réduire les pressions inflationnistes importées et de stabiliser la croissance chinoise sur un niveau élevé sans dérapage des prix. C’est en cela que l’on pourra dire que la France aura véritablement retrouvé la « baraka ». Et pour cause : même si elle n’y sera pas pour grand chose, elle pourra s’enorgueillir aux yeux du monde que, sous sa présidence du G20, les Etats-Unis et la Chine auront accepté d’apprécier leur devise.

Mais attention : « chassez le naturel et il revient au galop ». Car le retour de la chance pourrait aussi être de très courte durée. Il suffirait par exemple que la BCE augmente trop rapidement et trop fortement ses taux directeurs pour casser la baisse de l’euro et surtout détruire le potentiel de croissance promis pour 2011. De même, en s’arc-boutant sur la volonté de taxer les transactions financières, la France risque de gâcher sa Présidence du G20. Chacun sait effectivement, et notamment le FMI, qu’une telle mesure est techniquement impraticable et surtout risque d’être contre-productive. Celle-ci engendrerait notamment de nombreux effets pervers, tels que la fuite des capitaux, une forte baisse de la compétitivité de la place européenne, la mauvaise utilisation des sommes récoltées ou encore la répercussion de cette taxe sur les tarifs pratiqués par les institutions financières à leurs clients. On retrouve bien là un de nos vieux démons : au moindre problème, les dirigeants français proposent de créer un nouvel et énième impôt. On comprend dès lors pourquoi notre système fiscal est l’un des plus fournis et des plus complexes de la planète.

Plus globalement, nous revoilà donc devant le grand mal français : nous avons tout pour réussir, mais malheureusement, le dogmatisme et la démagogie électoraliste risquent de tout casser. Aussi, quoiqu’il arrive et compte tenu des errements qui se préparent dans le cadre des prochaines élections présidentielles, 2011 doit être appréhendée comme une année de répit, entre deux périodes d’atonie économique et de confusion politique. Le plus dur avec la « baraka », ce n’est pas de l’avoir, mais de la conserver…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

PIB américain : la crise est effacée.


Certes, au quatrième trimestre 2010, le PIB américain n’a progressé « que » de 3,2 % en rythme annualisé, contre 3,5 % attendu par le consensus et 4 % par nos soins. De même, après avoir atteint 3,2 % au troisième trimestre 2010, le glissement annuel du PIB a légèrement reculé à 2,8 %. Pour autant, le détail des comptes nationaux confirme que l’Oncle Sam est définitivement sorti de la crise et s’apprête à continuer sur sa lancée pour 2011.

Tout d’abord, en atteignant un niveau de 13 382,6 milliards de dollars (base 2005), le PIB américain a enfin dépassé son niveau d’avant crise. Il se situe ainsi 0,1 % au-dessus de son précédent point haut atteint au quatrième trimestre 2007. Si cette hausse reste encore faible, elle tranche par rapport au fait que le PIB de la zone euro se situait encore 3,1 % en deçà de son niveau d’avant-crise au troisième trimestre 2010 (les chiffres du quatrième trimestre seront connus le 15 février mais ne devraient pas inverser la tendance)…

De plus, il faut souligner que la relative déception du résultat du quatrième trimestre outre-Atlantique s’explique principalement par une forte baisse de la formation de stocks, qui est passée de 121,4 milliards de dollars (base 2005) au troisième trimestre à 7,2 milliards de dollars au quatrième. Hors stocks, la croissance américaine a ainsi atteint 7,1 % sur ce dernier trimestre, soit un plus haut depuis 1984 !

La consommation et le PIB hors stocks flambent.

Sources : BEA, Datastream

Mieux, tous les moteurs principaux de l’économie américaine ont été au rendez-vous. A commencer par la consommation des ménages, qui a progressé de 4,4 %, contre 2,4 % attendu par le consensus. Malgré les intempéries de la toute fin d’année, les ménages américains ont donc bien retrouvé leur « fièvre acheteuse » habituelle.

Parallèlement, en dépit d’un ralentissement notable (+5,8 % au quatrième trimestre, contre + 15 % au troisième), l’investissement des entreprises en équipements et logiciels a enregistré son septième trimestre consécutif de hausse. Au cours de cette période faste, cet agrégat phare de l’économie a progressé de 21,7 %. Il ne se situe plus qu’à 3 % de son niveau d’avant-crise, c’est-à-dire celui du premier trimestre 2008.

Le cercle vertueux de l’investissement a pris son envol.

Sources : BEA, Datastream

En d’autres termes, après s’être mis en place très progressivement depuis le deuxième trimestre 2009, le cercle vertueux « investissement-emploi-consommation » a désormais pris son envol et devrait s’intensifier en 2011.

Et ce, d’autant que l’investissement logement des ménages a retrouvé le chemin de la hausse, en progressant de 3,4 %. Si la baisse de 27,3 % du troisième trimestre n’est pas effacée, cela montre néanmoins que l’hémorragie est stoppée dans le secteur de l’immobilier.

Enfin, au gré de la reprise du commerce mondial et des effets bénéfiques d’un dollar « bienfaisant », les exportations ont crû de 8,5 % au quatrième trimestre, enregistrant ainsi leur sixième trimestre consécutif de hausse, soit une progression de 18,4 %. Avec un niveau de 1 713 milliards de dollars (base 2005), elles atteignent désormais un sommet jamais observé dans l’histoire économique des Etats-Unis.

Quant aux importations, elles ont chuté de 13,6 % au quatrième trimestre, notamment sous l’effet de la baisse de la formation de stocks et de la faiblesse du dollar qui a renchérit leur coût.

Autrement dit, après avoir utilisé toutes les armes de politique économique (taux d’intérêt historiquement bas, relance budgétaire sans précédent et dollar faible), les Américains sont logiquement en train de récolter les fruits de leur stratégie.

A tel point qu’ils peuvent aujourd’hui se passer d’une partie de ces soutiens artificiels, comme l’indique la baisse de 0,6 % des dépenses publiques au quatrième trimestre. Comme le veut la théorie keynésienne de relance, les moteurs privés ont donc bien pris le relais des moteurs publics. Il est temps que ces derniers soient freinés.

Dans ce cadre, la Réserve fédérale devrait progressivement changer son discours extrêmement accommodant pour préparer un premier resserrement monétaire, qui devrait intervenir au cours de l’été prochain.

La Fed doit maintenant agir.

Sources : BEA, Datastream, Prévisions 2011 : Assya Compagnie Financière

D’ici là, la croissance américaine devrait encore se raffermir. D’ores et déjà, il faut noter qu’en 2010, la progression annuelle moyenne du PIB des Etats-Unis a atteint 2,9 %, soit bien plus que la plupart des anticipations à travers le monde et 0,1 point de moins que la prévision que nous formulions il y a plus d’un an.

De plus, compte tenu de sa bonne performance de fin d’année, le PIB américain dispose d’ores et déjà d’un acquis de croissance de 1 % pour 2011. Dès lors, compte tenu notamment de l’augmentation des indices des directeurs d’achat dans l’industrie et les services qui laissent anticiper de bonnes performances pour les prochains trimestres, le PIB devrait croître d’au moins 3,2 % en 2011.

0 % en 2008, – 2,6 % en 2009, + 2,9 % en 2010 et enfin + 3,2 % en 2011. A l’évidence, les variations du PIB américain qui ont suivi la crise de 2008-2009 sont loin de ressembler à celles de l’après krach de 1929, en l’occurrence – 8,6 % en 1930, – 6,5 % en 1931 – 13,1 % en 1932 et – 1,3 % en 1933. Et dire qu’il y a encore des Cassandre pour dire que la dernière crise est pire que celle de 1929…

 

 

Marc Touati



Consommation en France : au revoir la prime, bonjour la casse…


La prime à la casse plus forte que la neige ! Telle pourrait être la synthèse de l’évolution de la consommation des ménages français en décembre. En effet, alors que les intempéries du mois dernier ont empêché les consommateurs de dépenser massivement pour les fêtes, la fin définitive de la prime à la casse a généré un ultime « rush » chez les concessionnaires. Ainsi, en décembre, la consommation de biens d’équipement du logement a baissé de 0,5 % et celle dans le secteur de l’habillement a chuté de 1 %. Sur l’ensemble du quatrième trimestre, ces deux piliers de la consommation ont respectivement augmenté de 0,5 % et reculé de 0,9 %.

La consommation a été sauvée par l’automobile et maintenant ?

Sources : INSEE et Datastream

A l’inverse, et comme cela s’observe depuis presque deux ans, les achats d’automobiles ont, une fois encore, sauvé la mise. Et pour cause : après avoir déjà flambé de 14,1 % en novembre, la consommation de ce secteur a progressé de 8,6 % en décembre. Au quatrième trimestre, elle réalise une croissance de 15,4 %. En données annuelles, il faut cependant noter qu’après avoir progressé de 7,9 % en 2009, la consommation automobile a enregistré un recul de 3 % sur l’ensemble de l’année 2010. Dans le même temps, la consommation totale de produits manufacturés a augmenté de 0,7 % en 2009 et de 1 % en 2010.

En d’autres termes, il paraît clair que, sans la prime à la casse, la consommation française aurait été dramatique au cours des deux dernières années. Et ce, même si cette mesure a aussi vampirisé la consommation, en limitant les dépenses pour les autres types de biens.

Dans ce cadre, toutes les inquiétudes pointent pour 2011. En effet, après avoir excessivement dépensé grâce à la prime à la casse et anticipé leurs achats de voitures, les Français risquent désormais de se montrer plus parcimonieux. Et ce, tant dans le secteur automobile que dans celui des autres biens manufacturés.

 

 

La consommation reste fragile.

Sources : INSEE et Datastream

Certes, ayant réfréné leurs ardeurs pour les fêtes de fin d’année, ils devraient largement pr