Après une année 2010 de reprise mondiale à plusieurs vitesses, tous les espoirs, mais aussi tous les doutes, se portent sur 2011. Cette nouvelle année va-t-elle se traduire par une homogénéisation de la croissance internationale, par une rechute de certains pays, par un retour massif de l’inflation ou encore par la poursuite de la crise de la dette publique ? Autant de questions auxquelles nous devons apporter nos réponses. Comme tous les ans, ces dernières ne seront pas le fruit du consensus, ni de la pensée unique et encore moins de
Pour commencer, nous estimons ainsi que la croissance mondiale devrait continuer sur sa lancée et se stabiliser autour du niveau déjà atteint en 2010, à savoir 4 %. Comme l’an passé, voire comme cela s’observe depuis une dizaine d’années, la locomotive de cette dynamique sera la Chine, dont le PIB devrait encore croître d’environ 9,5 %. Plus globalement et en dépit d’un inévitable ralentissement après la forte vigueur de l’an passé, le monde « émergent » demeurera une terre de croissance forte, avec des performances de 6 % pour l’Inde, 5 % pour la Russie et 4 % pour le Brésil, soit un à deux points de moins qu’en 2010. Cette légère décélération sera néanmoins salutaire dans la mesure où elle permettra à la fois de réduire les pressions inflationnistes et de limiter l’augmentation du cours des matières premières. De la sorte, le prix du baril devrait se stabiliser autour des 95 dollars et l’indice CRB de l’ensemble des matières premières devrait croître d’environ 10 % en moyenne sur l’année.
Cette modération sera d’autant plus justifiée que 2011 devrait rimer avec hausse des indices boursiers et remontée du dollar. En effet, grâce à une croissance mondiale de 4 % et à des résultats des entreprises toujours très favorables, les grands indices boursiers devraient progresser d’environ 15 % cette année. Grâce à la poursuite de l’embellie boursière (débutée dès mars 2009), les investisseurs institutionnels pourront donc revenir sur les marchés actions et réduire leur appétence spéculative sur les marchés des matières premières. Et ce, d’autant que le dollar devrait s’apprécier nettement au cours des prochains trimestres.
Cette appréciation sera notamment alimentée par la réalisation d’une croissance américaine d’au moins 3 % cette année et surtout par la baisse du taux de chômage sous les 9 % d’ici l’été prochain et vers les 8 % dans un an. Dans ce cadre, la Réserve fédérale américaine n’hésitera plus à arrêter la planche à billets, puis à remonter progressivement son taux objectif des federal funds, qui avoisinera les 1,5 % d’ici le début 2012. Même s’il sera modéré, ce resserrement monétaire permettra d’entériner définitivement l’appréciation du dollar, tant vis-à-vis du yen que de l’euro. Nous anticipons ainsi que, d’ici la fin 2011, l’euro reviendra vers les 1,20 dollar et qu’il faudra environ 100 yen pour obtenir un dollar.
Face à cet apaisement américain dans la guerre des monnaies, les Chinois n’auront alors d’autre choix que d’apprécier également le yuan, de manière évidemment progressive et modérée, ce qui se traduira par un cours d’environ 6 yuans pour un dollar, contre près de 6,60 actuellement. Comparativement à son niveau de la parité des pouvoirs d’achat (en l’occurrence 3,5 yuans pour un dollar), la devise chinoise restera donc toujours sous-évaluée, mais sa tendance haussière se prolongera doucement, mais sûrement, réduisant par là même les pressions inflationnistes tant en Chine qu’à travers
Ce retour des changes vers des niveaux plus en phase avec la réalité économique sera l’une des clés principales de 2011. Non seulement parce qu’il permettra de consolider la croissance mondiale autour des 4 %, mais aussi parce qu’il favorisera une plus grande homogénéité de cette dernière, notamment grâce à l’amélioration de la conjoncture dans la zone euro et au Japon. Ainsi, après avoir été les lanternes rouges de la marche des affaires internationale depuis dix ans, ces deux parents pauvres retrouveront progressivement des couleurs. Cette amélioration est particulièrement indispensable dans la zone euro, puisqu’à l’exception de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg, aucun pays de l’UEM ne présente une croissance économique en valeur (c’est-à-dire augmentée de l’inflation) supérieure à la charge d’intérêts de la dette publique. Et ce, pour la quatrième année consécutive. Pour sortir de cette bulle, ces pays devront donc retrouver une croissance plus forte. Or, à court terme, le seul moyen d’y parvenir réside dans la baisse de l’euro, qui permettra à la fois d’améliorer la progression du PIB et d’accroître légèrement l’inflation. Avec un euro à 1,20 dollar, la croissance eurolandaise pourra ainsi atteindre 2,2 % (2 % en France). En y ajoutant une inflation d’environ 1,5 %, la croissance en valeur avoisinera les 3,7 %, soit 0,5 point de mieux que la charge d’intérêts de
Si un tel scénario se réalise, 2011 pourrait donc bien devenir celle des bonnes surprises. Malheureusement, des risques pèsent également sur l’année en cours. Au-delà des traditionnels risques géopolitiques par définition non-maîtrisables, le risque économique majeur réside dans un resserrement hâtif et excessif de la politique monétaire eurolandaise. Dans ce cas de figure désagréable, la baisse de l’euro serait freinée, voire inversée, ce qui réduirait la croissance eurolandaise et empêcherait cette dernière de dépasser la charge d’intérêts de la dette publique. La crise de cette dernière enflerait de nouveau, cassant le peu d’optimisme et de reprise qui tentent de s’installer depuis quelques mois. Le secteur bancaire en pâtirait, entraînant la bourse, puis la croissance mondiale dans son sillage… En d’autres termes, la frontière entre une année 2011 de réconfort et le retour de la crise est bien mince. Espérons simplement que les dirigeants politiques et monétaires de la planète, et en particulier ceux de la zone euro, sauront faire les bons choix.