Bourses mondiales, emploi US, prévisions : bonne année !

 

Humeur :

De 2010 à 2011 : prévoir reste notre devoir…

Comme chaque début d’année, revoici la période des vœux. Chacun y va de ses souhaits enjoués, presque mécaniquement, sans se soucier vraiment de leur réalisation. De très nombreux économistes adoptent régulièrement (et pas seulement en début d’année) un comportement similaire. En effet, ils formulent des prévisions à hue et à dia sans vraiment se soucier de leur occurrence et surtout sans revenir sur leurs erreurs de prévisions. Ainsi, après avoir unanimement échoué à anticiper l’ampleur de la crise de 2008-2009, ils ont tout aussi massivement refusé d’imaginer que la planète économico-financière pourrait retrouver le chemin de la croissance dès 2009. Face à cette nouvelle erreur, ils n’ont cependant pas baissé les bras et ont persisté dans leur pessimisme tant au second semestre 2009 qu’en 2010. Ainsi, il y a tout juste un an, rares étaient encore ceux qui osaient imaginer une croissance mondiale à 4 %. Et pourtant ! Malheureusement, le scénario du pire a la vie longue, si bien qu’en dépit d’un consensus mou autour d’une reprise lente et poussive, nombreux sont encore ceux qui prévoient une forte rechute de l’activité mondiale en 2011. Comme dirait malencontreusement Brice Hortefeux dans un autre registre, quand il y en a une (erreur de prévision), ça va, c’est quand il y en a plusieurs que cela pose problème…

Voilà pourquoi depuis plus de dix ans, dans un souci de transparence et de respect à l’égard de nos lecteurs et sans tomber dans l’autosatisfaction ni dans l’auto flagellation, nous réalisons chaque début janvier, le bilan de nos prévisions. Cette année encore, nous en sommes globalement satisfaits. Certes, notre objectif d’un Cac 40 à 4 000 points pour 2010 n’a pas été complètement réalisé. Pour autant, il a été atteint deux fois l’an passé et a été frôlé en décembre. De même, notre objectif d’un euro autour des 1,25 dollar a été touché avant une remontée intempestive au cours de l’été dernier. Cependant, comparativement aux nombreuses prévisions faisant état d’un effondrement du Cac 40 et d’une nouvelle flambée de l’euro vers les 1,50 dollar, nous ne sommes pas mécontents d’avoir anticipé la bonne tendance. Et ce d’autant que sur le Dow Jones et le Dax, la remontée boursière annoncée a bien eu lieu.

Parallèlement, comme cela était déjà annoncé en mars 2009 dans le livre « krach, boom… et demain ? », la crise grecque s’est non seulement installée, mais s’est surtout transformée en crise existentielle pour la zone euro. Dans ce cadre, fort heureusement et en dépit de nos craintes il y a un an, la Banque Centrale Européenne n’a pas relevé son taux refi. Comme quoi, à force de rabâcher le bon sens et de rappeler qu’il ne sert à rien de se battre contre un risque inflationniste qui n’existe pas, le message finit par passer, y compris au sein de la tour d’ivoire de Francfort.

La faiblesse de l’inflation des deux côtés de l’Atlantique constitue d’ailleurs l’une de nos belles réussites en 2010, car il y a un an, la plupart de nos confrères soutenaient mordicus que 2010 serait l’année du retour de la forte inflation. Avec une inflation moyenne de 1,7% aux Etats-Unis et de 1,5 % dans la zone euro (1 % dans les deux cas pour l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire hors énergie et produits alimentaires), il n’y a pas photo… Quant à l’inflation chinoise, il est clair qu’avec un niveau moyen de 3,2 % en 2010 et de 1,4 % hors produits alimentaires, nous sommes toujours très loin de l’hyperinflation et ce d’autant que cette inflation s’accompagne d’une croissance économique réelle (donc déflatée des prix) d’environ 10 % l’an passé.

Dans le prolongement de cette inflation contenue, nous étions aussi parmi les rares à annoncer un prix du baril qui se stabiliserait autour des 80 dollars en 2010, tout en annonçant une hausse de l’ordre de 10 % de l’indice CRB de l’ensemble des matières premières. Et si nous avons annoncé la formation d’une bulle sur l’or, son non-dégonflement en 2010 ne signifie pas que la hausse de l’or est économiquement normale. Loin s’en faut, puisque, comme nous l’avons souvent écrit, c’est lorsqu’elle touche à sa fin qu’une bulle financière s’accélère et devient encore plus extravagante.

Toujours est-il que l’augmentation modérée des prix des matières premières a, comme prévu, permis de consolider l’économie internationale sur des bases solides. Et c’est justement sur le front de la croissance que nos prévisions ont été les plus pertinentes. En effet, depuis déjà la mi-2009 et un peu seuls contre tous, nous annoncions une croissance mondiale d’environ 4 % pour 2010. Nous anticipions également que cette dernière serait tirée par le monde émergent, Chine et Inde en tête, suivis ensuite par les autres pays asiatiques, puis par le Brésil, les pays d’Europe de l’Est fermant la marche de la dynamique émergente. Parallèlement, nous annoncions que les Etats-Unis et la zone euro retrouveraient une croissance proche de ses niveaux structurels, en l’occurrence respectivement 2,8-3 % et 1,5-1,7 %. Même si nous n’avons pas encore les chiffres définitifs de 2010, de telles réalisations sont quasiment acquises. En revanche le taux de chômage américain n’a pas reculé à l’aune de nos prévisions, invalidant par la même notre scénario d’un resserrement monétaire de la Fed pour l’automne 2010. Cependant, nous estimons que cette anticipation n’est que décalée dans le temps et se concrétisera d’ici l’été 2011. Par ailleurs, même si nous prévoyions que l’Allemagne serait leader de la croissance eurolandaise, nous avons été agréablement surpris par le dynamisme époustouflant de notre voisin d’outre-Rhin. Cela confirme, une nouvelle fois, que les réformes structurelles sont payantes, rappelant par là même que la France doit absolument s’y engager.

Et là aussi, nous avions vu juste. « Malheureusement » serions nous tentés d’ajouter, car, lorsque nous annoncions il y a déjà deux ans que la dette publique française atteindrait les 80 % du PIB, nous espérions, malgré tout, qu’un sursaut aurait lieu. Non seulement ce dernier n’a pas eu lieu, mais, pire, la barre des 85 % se présente d’ores et déjà comme une évidence pour 2011. Et ce, pour la bonne et simple raison que, bien loin des prévisions gouvernementales et comme nous l’écrivions il y a plus d’un an, le déficit public a avoisiné les 8 % du PIB l’an passé.

Si nous avons donc de quoi être satisfaits de notre bilan 2010, nous devons néanmoins rappeler, comme chaque année, que le plus dur reste à venir, c’est-à-dire essayer de faire au moins aussi bien en 2011. Pour terminer cette première humeur de l’année, nous tenons donc à vous remercier pour votre confiance et à vous souhaiter une excellente année 2011, pleine de bonheur, santé et réussite. En espérant que nos dirigeants politiques et monétaires sauront enfin faire preuve de moins de dogmatisme et de plus de pragmatisme…                                                                 Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

La job machine américaine se réveille enfin !


La publication du rapport sur l’emploi pour le mois de décembre nous confirme que l’emploi retrouve de belles couleurs outre-Atlantique.

En effet, alors qu’elle était encore grippée en novembre avec seulement 71 000 emplois créés la job machine américaine a généré 103 000 emplois en décembre. Au total, depuis le mois de septembre on recense donc 384 000 emplois créés outre-Atlantique.

 

Le détail des chiffres de décembre indique qu’une majorité de secteurs ont contribué à cette bonne performance. A commencer par le secteur manufacturier qui a créé 10 000 emplois nets en décembre après 8000 destructions en novembre. Comme attendu après l’excellente enquête ADP, le secteur privé affiche de belles couleurs avec 113 000 poste créés. Une mention particulière est à décerner aux services aux entreprises qui après avoir déçu en novembre ont généré 115 000 emplois en décembre. Enfin, le secteur du commerce de détail redevient créateur net d’emplois (+ 12 000 contre 19 000 destructions en novembre). En d’autres termes l’investissement et la consommations des ménages vont continuer de soutenir significativement la croissance.

 

Le secteur manufacturier et celui des services affichent de belles couleurs.

 

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream

 

Par ailleurs, le glissement annuel de l’emploi affiche une hausse à 0,87 % en décembre contre +0,70 % en novembre. De plus, l’évolution depuis l’automne 2009 des indices «emploi» des directeurs d’achat dans l’industrie et dans les services nous confirme que la tendance devrait s’intensifier dans les prochains mois.

 

De surcroît, les niveaux actuels des indices synthétiques des dernières enquêtes ISM des directeurs d’achat dans l’industrie et dans les services confirment, comme nous l’avions anticipé, que la croissance américaine devrait se stabiliser autour des 3 % cette année.

 


Les indices ISM en phase avec une croissance de 3% en 2010.

 

Sources : Fed, ISM, Bloomberg

 

Le taux de chômage est quant à lui particulièrement satisfaisant. En effet, après s’être stabilisé à un niveau de 9,6 % depuis septembre puis avoir augmenté à 9,8 % en novembre, ce dernier a retrouvé le chemin de la baisse pour afficher un niveau de 9,4 % en décembre soit un plus bas depuis mai 2009.

 

Le taux de chômage au plus bas depuis mai 2009.

 

Sources : BLS, Datastream

 

Enfin, après avoir affiché une croissance nulle en novembre, les salaires ont très légèrement augmenté en décembre (+0,1 % pour le salaire horaire moyen et pour le salaire hebdomadaire moyen) portant leurs glissements annuels à des niveaux respectifs de +1,8 % et +3,3 %. Notons également que le nombre d’heures travaillées reste stable à 34,3.

 

En conclusion, la job machine américaine est bien en marche outre-Atlantique et le mouvement devrait s’intensifier dans les prochains mois. Dans ces conditions, le taux de chômage américain devrait descendre sous la barre des 9 % d’ici l’été pour afficher un niveau de 8,7 % en moyenne sur l’année.

Jérôme Boué



La météo économique de la semaine écoulée :

 


Les Marchés:

Le Cac va-t-il enfin rattraper son retard ?.


Le bilan boursier de l’année 2010 (cf. notre tableau ci-après) est sans appel : avec une baisse annuelle de 3,34 %, le Cac 40 a réalisé l’une des plus mauvaises performances de la planète. En Europe, il n’y a guère que les places des pays d’Europe du Sud menacés par la crise de la dette publique qui ont fait pire : – 10,3 % pour le PSI 20 (Portugal), -13,23 % pour le MIB (Italie), – 17,43 % pour l’Ibex (Espagne), la palme de la déconfiture revenant à l’ASE grec, avec – 35,62 %. Quant au reste du monde, il faut partir en Asie pour trouver moins bien qu’en France, en l’occurrence en Chine où le Shangaï composite a reculé de 14,31 % en devise nationale et de 4,82 % en euros. Cette déconvenue confirme l’avertissement que nous ne cessons de souligner depuis trois ans, à savoir : autant la Chine est incontournable économiquement parlant et constitue depuis bientôt dix ans la locomotive structurelle de la croissance mondiale, autant, d’un point de vue boursier, ce pays est dangereux, dans la mesure où la visibilité des entreprises cotées reste extrêmement faible.

Bien loin de ces contre-performances, de nombreux indices ont réussi à sortir de leur léthargie. Le record mondial revient au Merval argentin, qui a gagné 51,8 % (+ 57 % en euros). Les Etats-Unis ne sont pas en reste, puisque tous les indices ont progressé en 2010. A commencer par le Russel 2000 et le Nasdaq, qui ont augmenté de respectivement 25,3 % et 16,9 % (soit 34,35 % et 25,35 % en euros). En Asie, le Kospi coréen s’adjuge la plus forte hausse, avec 21,9 % (35,8 % en euros), suivi de près par le Sensex indien (+17,43 %, soit + 31,04 % en euros). Une fois n’est pas coutume, l’Europe a également retrouvé le chemin de la vigueur, à l’exception des mauvais élèves évoqués plus haut. La plus haute marche du dynamisme boursier a été atteinte par l’OMX Copenhagen, avec une flambée de 35,91 %. Avec une augmentation de 23,21 % (30,8 % en euros), le Micex russe n’est pas très loin. Mais c’est surtout la remontée de 16,06 % du Dax allemand qui a de quoi trancher avec la déconvenue du Cac 40.

Pour ceux qui soulignent parfois que l’évolution des grands indices boursiers est déconnectée de la réalité économique, l’année 2010 apporte donc un parfait démenti (Chine exceptée). En effet, les entreprises faisant partie de ces grands indices réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaire et de leur profit à l’étranger. Elles sont donc peu dépendantes de leur économie domestique. Pourtant, l’année 2010 a montré qu’en cas de danger national majeur (par exemple en cas de crise de la dette publique), ce raisonnement ne tient plus.

Une autre anomalie pourrait alors apparaître, car si les pays du Sud de l’Europe ont bien été menacés par la crise de la dette publique, tel n’a pas été le cas, du moins en apparence, pour la France. A 0,5 point près, les taux d’intérêt à dix ans des obligations souveraines françaises ont d’ailleurs été identiques à ceux de leurs homologues allemandes. Et il s’agit peut-être là du plus inquiétant, car la baisse annuelle du Cac 40, en dépit de résultats des entreprises cotées très favorables, montre l’ampleur de la défiance dont font preuve les investisseurs étrangers à l’égard de la France.

Aussi, ne nous y trompons pas : la faiblesse du spread de taux dix ans entre la France et l’Allemagne est uniquement due au maintien du AAA pour les obligations de l’Etat français. En revanche, les spreads de performances Dax-Cac de 19,7 points en 2010 et de 37,6 points depuis le creux de mars 2009 confirment qu’un ressort a bien été cassé à la Bourse de Paris. Et pour cause : le « spread » de réformes Allemagne-France est devenu tel que les investisseurs commencent à voir l’Hexagone comme un pays à risque.

Cette défiance est telle qu’en 2010, le Cac 40 a également invalidé le très vieil adage boursier selon lequel l’évolution de la première journée de janvier donne le se