France, matières premières, social : dangereusement vôtre… (E&S n°150)

 

Humeur :

La haine des classes…


A en croire certains, la France serait l’un des derniers pays communistes de la planète, à côté de Cuba et de la Corée du Nord ; la Chine n’ayant de communiste que le nom et constituant certainement l’un des pays au monde où la recherche du profit est la plus forte. Si cette analyse excessive peut susciter le rire, force est malheureusement de constater qu’elle n’est pas dénuée d’une certaine part de vérité. En effet, la France est un pays dans lequel le poids des dépenses publiques et de la pression fiscale dans le PIB figure parmi les plus élevés du globe. Seuls certains pays scandinaves font « mieux » que nous, mais, en échange, ils obtiennent des résultats significatifs en termes de croissance, d’emploi et de stabilité sociale. Et ce pour une simple raison : leur pacte social est transparent, n’acceptant aucune fraude et ne servant que l’intérêt général.

A l’inverse, la France se paie le luxe d’entretenir des dépenses publiques pharaoniques avec pour seuls résultats : une croissance molle, un chômage élevé, un accroissement des inégalités sociales et de la pauvreté. Certains diront alors que, justement, si ces dépenses n’étaient pas là, la situation serait encore plus dramatique. Et c’est justement là que la France commence à sombrer dans le communisme. Car, si pratiquer un laxisme budgétaire depuis trente ans sans résultats positifs peut, à la rigueur, se comprendre pour des raisons bassement politiciennes liées à la volonté des dirigeants politiques d’être élus ou réélus, vouloir encore augmenter la facture devient grotesque et surtout dangereux.

Or, à quelques exceptions près, peu de personnes en France osent demander la transformation de notre modèle étatiste hypertrophié en un système libéré avec moins de pressions fiscales, budgétaires et réglementaires. Pis, de plus en plus de Français souhaitent engager un mouvement inverse. Ainsi, selon un récent sondage Ipsos, 48 % des Français estiment que le dérapage structurel de la dette publique ne constitue pas un danger qu’il faudrait régler d’urgence. De quoi rappeler que le « toujours plus d’Etat » a la vie longue dans l’Hexagone en dépit de son inefficacité criante depuis trente ans.

Mais il y a encore plus grave. Dernièrement, un ancien joueur de football, devenu acteur a appelé les Français à retirer leurs espèces de leurs comptes en banque, en soulignant que « la révolution se fait par les banques ». La petite farce d’une ancienne star du foot en mal de faire parler d’elle aurait pu s’arrêter là, mais elle a été reprise massivement sur la toile si bien qu’une sorte de collectif anticapitaliste appelle à des retraits bancaires massifs le 7 décembre 2010. Particulièrement grotesques, ces élucubrations montrent néanmoins l’ampleur du malaise social qui prévaut dans notre « douce France ». En effet, avec plus de 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, un revenu médian de seulement 1 580 euros et une augmentation des inégalités, la France apparaît particulièrement menacée par une crise sociale de grande envergure.

Si l’origine principale de ce mal-être réside évidemment dans la crise que traverse le pays depuis plus de trois ans, elle relève également de maux ancrés au plus profond de la culture française. En l’occurrence, la méconnaissance des mécanismes économiques, l’hypocrisie face à l’argent, le mépris de la réussite et, synthétisant le tout, la culture de la lutte des classes. Or, cette dernière est certainement le meilleur allié de la pauvreté puisqu’elle revient à figer la société, élevant les uns contre les autres dans un but stérile, voire destructeur.

Ainsi, lorsque M. Cantona demande aux Français de détruire le système bancaire, il ignore ou feint d’ignorer que ceux qui perdront le plus dans l’écroulement de ce dernier seront justement les petits épargnants qui ne pourront plus récupérer leurs fonds difficilement acquis car leur banque aura fait faillite. Plutôt que de sombrer dans le populisme et la démagogie, les sportifs et autres stars, qui ont d’ailleurs gagné des millions d’euros grâce au capitalisme et souvent sur le dos de supporters et autres fans peu aisés, feraient mieux d’inciter au travail, à la victoire et à la montée dans l’échelle sociale. Car, il est clair qu’à force de vouloir tout casser et alimenter la lutte des classes, l’ascenseur social ne montera jamais pour ces personnes manipulées.

Et c’est uniquement parce que j’ai grandi jusqu’à 25 ans dans une cité HLM d’Orly dans laquelle 85 % d’une classe d’âge n’avait pas le bac, que je me permets d’en parler. Seulement voilà, si j’ai réussi à m’en sortir, combien y sont restés ? Déjà tendue il y a vingt ans, la situation de ces cités à travers la France a évidemment empiré. Pourquoi ? Tout simplement par manque d’espoir et de perspectives. Aussi, pour sortir la France de sa lutte des classes viscérale et par là même de son immobilisme structurel, il n’y a qu’une seule solution : redonner de l’espoir à une population et à une jeunesse en mal de repères. Et cela ne passera certainement pas par une augmentation des dépenses publiques et des perfusions diverses et variées qui sclérosent la société. Cela passera, au contraire, par une libération des énergies et de l’esprit d’initiative qui ne pourront s’opérer que par une réduction des pressions fiscales, réglementaires et budgétaires. Pour y parvenir, il faudra également augmenter la culture économique des Français et sortir du vieux carcan anticapitaliste qui est malheureusement trop présent dans les manuels scolaires et ailleurs. Cela permettra notamment de faire comprendre aux jeunes et aux moins jeunes que si le système capitaliste n’est évidemment pas parfait, il est le seul capable de fonctionner, comme l’ont montré les échecs cuisants des autres expériences. Dès lors, ce n’est pas en le détruisant que l’on créera un monde meilleur, mais en améliorant son fonctionnement.

Si nous voulons sortir par le haut de la crise actuelle et éviter que la France sombre dans une révolution sociale, nous savons ce qui nous reste à faire. Mais si nous continuons de refuser de voir la réalité en face et que nous maintenons notre comportement dogmatique, alors la haine et la lutte des classes s’imposeront de plus en plus, ce qui finira par plonger la France dans un marasme sans nom. Nous sommes prévenus…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Avis de grand froid pour l’économie française.


Rien ne va plus dans le ciel conjoncturel français. En trois jours, deux publications statistiques sont effectivement venues rappeler que l’économie nationale s’apprêtait à entrer dans une vague de froid durable. Il s’agit d’une part du recul du climat des affaires dans l’industrie en novembre et du nouveau dérapage de la consommation en octobre.

Ainsi, après une chute de 1,6 % en août et un rebond correctif de 1,6 % en septembre, la consommation en produits manufacturés a reculé de 0,7 % en octobre. Son glissement annuel repart dans le rouge avec un niveau peu reluisant de  – 0,3 %.

Les températures chutent, la consommation aussi…

Sources : Insse, Datastream

Pis, à l’exclusion des biens d’équipement du logement, tous les postes de la consommation sont en chute libre. A commencer par l’automobile, dont les ventes s’effondrent de 4,4 % en octobre et de 7,6 % sur un an. Octobre constitue ainsi le septième mois consécutif de baisse annuelle de la consommation de véhicules. Et ce n’est pas terminé, car compte tenu de la fin de la prime à la casse, cette descente aux enfers devrait s’accélérer dans les prochains mois, avec des glissements annuels qui pourraient atteindre les – 20 % en décembre.

Cette décrue était évidemment prévisible dans la mesure où elle ne fait que dupliquer les évolutions observées en 1996-97 lors des dernières phases de primes à la casse. Au cours de ces périodes, les consommateurs ne font effectivement qu’anticiper leurs dépenses automobiles des mois suivants, qui sont donc logiquement marqués par une forte décrue. Et ce d’autant plus que le chômage reste fort et le pouvoir d’achat ténu.

Certes, le maintien d’un taux d’épargne historiquement élevé devrait permettre de limiter les dégâts. Néanmoins, la baisse de 0,4 % de la consommation de textile-cuir en octobre (avec un glissement annuel de – 0,6 %) indique que les ménages ne sont plus enclins à dépenser sans compter.


La fin de la prime à la casse fait déjà très mal…

Sources : Insse, Datastream

Ainsi, ils devraient encore limiter leurs achats en novembre, en prévision de leurs dépenses des fêtes de fin d’années et des soldes de janvier qui, devraient certes s’avérer appréciables, mais non-euphoriques.

Il faut donc se préparer à une faiblesse durable de la consommation hexagonale. Selon nos estimations, cette dernière progresserait d’environ 1,5 % tant en 2010 qu’en 2011. Il s’agirait donc de performances correctes mais largement insuffisantes pour permettre à l’augmentation du PIB français d’atteindre la barre des 2 %. Compte tenu d’une progression également molle de l’investissement des entreprises, la croissance hexagonale devrait restée engoncée dans la mollesse.

C’est d’ailleurs également ce qui ressort de la dernière enquête de l’INSEE dans l’industrie. En effet, après quatre mois consécutifs de hausse, le climat des affaires décrit par les industriels a rechuté en novembre. En perdant deux points au cours de ce dernier mois, il retrouve ainsi la barre fatidique des 100, c’est-à-dire son niveau moyen depuis 1976. Celui-ci n’a été dépassé qu’une seule fois depuis juin 2008, en l’occurrence en octobre 2010. Cela rappelle tristement que, dans l’Hexagone, la reprise ne dure jamais très longtemps. Ainsi, après avoir atteint 1,8 % au troisième trimestre, le glissement annuel du PIB français devrait reculer dès le trimestre suivant et surtout en 2011.

Le détail de l’enquête de l’INSEE montre d’ailleurs que le ralentissement a déjà commencé. Ainsi, après avoir atteint des niveaux appréciables au printemps dernier, l’indicateur de la production passée ne cesse de baisser depuis l’été et s’est effondré de six points en novembre. Avec un niveau de 7, il effectue un plongeon de 16 points par rapport à son niveau de mai dernier et atteint un plus bas depuis mars 2010.

Pis, cette décélération ne fait que commencer. Et pour cause : l’indice des perspectives personnelles de production (qui constitue l’un des meilleurs indicateurs avancés de l’activité industrielle et de la croissance globale par la même occasion) chute de cinq points en novembre. Parallèlement, si les carnets de commandes étrangers gagnent trois petits points, les carnets globaux en perdent quatre. En d’autres termes, la demande intérieure est en train de s’étioler.

Industrie française : Attention, le froid arrive…

Sources : Insse, Datastream

Ce regain de pessimisme s’explique par trois raisons principales : les craintes sociales nées des dérapages autour de la réforme des retraites, l’appréciation excessive de l’euro et la faiblesse de la consommation, elle-même liée à la fragilité de l’emploi et à la fin de la prime à la casse.

Certes, l’indice de production passée dans l’automobile a fortement augmenté en novembre, mais ceci n’est dû qu’à un mouvement de correction de l’effondrement d’octobre. Avec un niveau actuel de 23, il affiche d’ailleurs une baisse de 22 points par rapport à son niveau de septembre. Mais surtout, les carnets de commandes globaux ont poursuivi leurs descentes aux enfers, avec un niveau de – 52, contre une moyenne de long terme de – 17. Autrement dit, après le pain béni de la prime à la casse, le secteur automobile doit désormais se préparer au pain rassis.

Cette évolution reflète d’ailleurs assez bien la situation de l’économie française dans son ensemble : après avoir péniblement atteint 1,6 % cette année, la croissance hexagonale devrait atteindre un niveau équivalent en 2011. Il s’agira donc, pour la quatrième année consécutive, d’un niveau insuffisant pour augmenter significativement les créations d’emplois ou encore pour rembourser le simple paiement des intérêts de la dette publique.

Autrement dit, après la Grèce hier, l’Irlande aujourd’hui, le Portugal demain et l’Espagne après-demain, la France ne tardera pas à entrer, elle aussi, dans la crise de la dette publique.

 

Marc Touati



La météo économique de la semaine écoulée :

 


Les Marchés:

Les matières premières redeviennent dangereuses.


Après quelques mois de relative accalmie, les cours des matières premières se remettent de nouveau à flamber et à menacer par la reprise économique mondiale.

En effet, il ne faut pas oublier qu’avant même la faillite de Lehman Brothers et la crise financière historique qui en a découlé, la récession dans de nombreux pays développés a tout d’abord été provoquée par l’envolée des prix des matières premières.

Certes, à l’époque, ce fut principalement le pétrole qui cassa la croissance. Aujourd’hui la situation est différente. Ainsi, s’ils sont en augmentation régulière, les cours de l’or noir restent plutôt en phase avec une croissance mondiale de 4 %, c’est-à-dire autour des 85 dollars le baril. Ce niveau constitue selon nous un point d’équilibre durable qui ne met pas en péril l’économie internationale.

En revanche, de nombreuses autres matières premières retrouvent le chemin de la bulle et atteignent parfois des sommets historiques. C’est notamment le cas du cuivre, qui, après un mouvement de repli correctif, a récemment dépassé ses sommets de l’été 2008.

Le cuivre sur de nouveaux sommets historiques.

Sources ; LME, Bloomberg

Sans atteindre de nouveaux records, les cours de l’acier et surtout ceux du nickel et de l’aluminium retrouvent également le chemin d’une hausse soutenue.

La justification première de ces fortes augmentations réside dans le mouvement de réinvestissement qui s’opère au niveau mondial, mais aussi par le dynamisme des économies émergentes et plus particulièrement de la Chine.

Cependant, cette remontée ne concerne pas que les matières premières relatives à l’industrie et/ou à l’investissement. Elle s’applique également aux matières alimentaires.

A commencer par le blé qui, après une année 2009 et un début 2010 d’accalmie, est repartie en forte hausse à la suite des incendies ravageurs de l’été dernier en Russie. Pour autant, plus de trois mois plus tard, les investisseurs restent inquiets et continuent de spéculer à la hausse sur les cours du blé. Fort heureusement, les sommets du début 2008 restent très loin, limitant les dégâts sur les populations en difficulté.