Bourses/Irlande, France/Sarkozy, USA/inflation (E&S n°149)

 

Humeur :

France : rien de nouveau jusqu’en 2012…


Nicolas Sarkozy a beau le réfuter, tous les yeux sont d’ores et déjà rivés sur les élections de 2012. Basé sur le concept « faire du neuf avec du vieux », le remaniement de la semaine dernière confirme d’ailleurs que le gouvernement est déjà en ordre de bataille pour affronter les prochaines échéances électorales. C’est là que réside le drame dans la politique de la plupart des pays occidentaux : elle prime sur les contingences économiques et ce, en particulier dans l’Hexagone où la culture économique est très faible et trop politisée.

Dès lors, à l’exception des neuf mois qui suivent la victoire à une élection présidentielle, il devient quasiment impossible d’engager des réformes économiques de fond. Autrement dit, si ces dernières ne sont pas menées dès le début de son mandat, le Président en exercice est souvent contraint de revoir à la baisse ses promesses électorales. Il finit alors par se contenter de gérer au mieux les affaires courantes, sans trop de dérapages, de manière à augmenter ses chances de réélection. C’est ainsi, que depuis le début des années 70, la France s’est engoncée dans le confort de l’immobilisme et du refus des réformes massives.

Le pire est que cette tentation du statu quo n’est pas toujours efficace électoralement parlant. La défaite de Valéry Giscard d’Estaing en 1981 en est un exemple parfait. Pareillement, et même s’il n’était pas Président, le Premier ministre Lionel Jospin pensait qu’en arrondissant les angles et en ne faisant de tort à personne, il serait élu sans difficulté à la Présidence de la République. Alors que cette période de croissance soutenue aurait pu permettre de baisser significativement les dépenses publiques sans heurt, il s’y est refusé. Cela ne l’a cependant pas empêché d’être battu dès le premier tour. Cet épisode malheureux pour le Premier ministre de l’époque confirme que, parfois, les calculs politiques qui relèguent au second rang les considérations économiques sont particulièrement contre-productifs.

Les mandats de Jacques Chirac sont évidemment un contre-exemple frappant de cette inefficacité de la politique politicienne. Et pour cause : après l’échec cuisant de la tentative de réforme des retraites en 1995, le Président Chirac a très vite compris que s’il voulait rester au pouvoir, il devrait se contenter de ne pas brusquer les Français dans leurs petites habitudes. La réforme des retraites qu’il finît par engager en 2003 n’était d’ailleurs qu’une réforme a minima qui tablait notamment sur une économie française dynamisée durablement par une croissance économique de 3 % et un taux de chômage de 4,5 %. Devant une telle audace bien farfelue, il a donc fallu très logiquement engager une nouvelle réforme des retraites en 2010, qui est malheureusement tout aussi illusoire puisqu’elle table sur un taux de chômage compris entre 4,5 % et 7 % jusqu’en 2025…

Autrement dit, les Présidents changent mais les vieux reflexes conservateurs, c’est-à-dire immobilistes, ne changent pas. Certes, le Président Sarkozy vient d’annoncer qu’avant la fin de son mandat, il allait lancer deux chantiers majeurs sur le terrain économique. D’une part, la mise en place en 2012 d’un système d’assurance-dépendance pour les personnes âgées. D’autre part, la suppression probable du bouclier fiscal et de l’ISF, qui seraient remplacés par un nouvel impôt sur les revenus et plus-values du patrimoine, dans le cadre d’une réforme de la fiscalité en juin 2011. Tout à fait louable, le premier dossier apparaît particulièrement épineux, dans la mesure où l’on ne sait absolument pas d’où viendront les moyens de financement. Cependant, après le trou de la Sécu et celui des retraites, la France n’est plus à un trou près…

Parallèlement et à l’instar de la réforme des retraites, le deuxième chantier risque de faire couler beaucoup d’encre… pour rien. En effet, à quoi bon supprimer un impôt pour le remplacer instantanément par un autre ? On retrouve bien là l’un des principaux défauts des « élites » dirigeantes françaises : par peur de manquer de ressources, elles n’ont jamais réussi à baisser significativement la pression fiscale et encore moins les dépenses publiques. Dès lors, dans la mesure où ces dernières restent élevées et où le courage manque pour les réduire, toutes les baisses d’impôts doivent être compensées par des augmentations d’autres impôts. C’est exactement ce qui s’est déjà produit l’an passé avec la suppression de la taxe professionnelles qui a été plus que remplacée par la CET, qui aggrave d’ailleurs fortement la taxation des entreprises de services. On doit donc se préparer à une mesure similaire l’an prochain mais cette fois-ci pour les ménages : on enlèvera simplement à Paul pour donner à Pierre, ou réciproquement, l’essentiel étant que la puissance publique puisse toujours compter sur une pression fiscale forte pour assouvir ses besoins du quotidien. Et pour cause : les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 14,4 milliards d’euros en 2009 et de 87 milliards d’euros depuis 2002, soit des augmentations respectives de 4,1 % et 30 % en valeur et de 3,9 % et 17 % en volume (c’est-à-dire hors inflation).

C’est bien là le drame de la politique économique française depuis trente ans : les dépenses publiques et les impôts ne cessent d’augmenter (atteignant, en pourcentage du PIB, des sommets historiques et rarement dépassés à travers le monde), mais la croissance structurelle ne cesse de reculer. Et, malheureusement, tant que le cycle politique ou électoraliste l’emportera sur la réalité économique, rien ne changera. En d’autres termes, il n’y aura rien de nouveau sous le soleil français jusqu’en 2012. Le plus inquiétant c’est qu’après 2012, la France devra forcément faire un choix : si elle continue d’opter pour l’immobilisme ou pire pour l’augmentation des dépenses publiques, la note de sa dette publique sera forcément dégradée, avec toutes les conséquences catastrophiques que cela engendrera pour l’économie française et pour la stabilité de la zone euro. Nos dirigeants politiques devraient pourtant le savoir : tôt ou tard, il faut payer la facture…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Etats-Unis : une consommation dynamique mais une inflation anémique.


Les statistique publiées cette semaine nous confirment que la reprise se poursuit aux Etats-Unis et qu’elle devrait s’intensifier dans les mois qui viennent.

A commencer par la consommation des ménages, à l’image de la bonne tenue des ventes au détail en octobre. Ainsi après avoir augmenté de 0,7 % au troisième trimestre ces dernières ont affiché une hausse de 1,2 % en octobre soit la plus forte progression depuis mars 2010. Les consommateurs américains ont en effet largement bénéficié de l’augmentation des revenus ainsi que des créations d’emplois dans le commerce de détail (+ 28 000) en octobre.

Le détail statistique indique que cette bonne performance est essentiellement due à la hausse de 5 % des ventes dans le secteur automobile qui tire la consommation depuis juillet. Par ailleurs, on notera la bonne contribution des ventes de matériels de construction qui ont progressé de 1,9 % en octobre.

Alors que l’emploi va continuer de s’améliorer dans les mois à venir, les ventes aux détail devraient poursuivre leur tendance haussière constituant ainsi un soutien de taille à la croissance américaine.

 

Le consommateur américain répond présent !

Sources : Dept of Commerce-Bureau of Census, BEA, Datastream :

Par ailleurs après quatorze mois de hausse quasi ininterrompue, la production industrielle américaine qui a reculé en septembre (-0,2 %) a affiché une croissance nulle en octobre. Alors que le consensus attendait une hausse de 0,3 % cette petite contre performance est essentiellement due à la baisse de la production de gaz (-4 %), et d’électricité (-3,3 %).

Néanmoins la production manufacturière a progressé de 0,5 % en octobre tirée par le secteur automobile (+1,6 %) et par la production de machines (+1,4 %). En d’autres termes la production de biens d’équipement augmente, confirmant le redémarrage de l’investissement. Le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est donc bien en place outre-Atlantique et devrait accélérer dans les prochains mois.

 

En revanche, force est de constater que la reprise dans le secteur de la construction reste très progressive. Ainsi après avoir augmenté de 14 % entre juin et août les mises en chantier sont reparties à la baisse depuis pour tomber à 519 000 en octobre soit un plus bas depuis avril 2009.

 

Parallèlement, les permis de construire ont affiché une petite hausse pour atteindre 550 000 en octobre. Ces derniers constituant un indicateur avancé des mises en chantier confirment que la tendance devrait s’améliorer dans les prochains mois.

 

Par ailleurs, l’évolution des prix à la consommation nous confirme que l’inflation reste extrêmement faible aux Etats-Unis. En effet, après avoir augmenté de 0,1 % en septembre, les prix à la consommation ont progressé de 0,2 % en octobre portant leur glissement annuel à +1,2 %.

Mieux, hors énergie et alimentation l’inflation a atteint un niveau de 0,6 % en octobre, soit un plus bas historique, confirmant que le risque de déflation est toujours bien présent.

 

L’inflation sous jacente à un plus bas historique.

Sources : Datastream,BLS

Enfin, après dix huit mois de hausse quasi ininterrompus, l’indicateur avancé du Conference Board a encore progressé en octobre (+0, 5 %).

Alors que les consommateurs répondent présent, et que l’investissement des entreprises affiche de belles couleurs, tous les moteurs de la croissance sont bien en marche aux Etats-Unis. Dans ce cadre, le PIB américain devrait croître de 2,9 % en moyenne sur l’année 2010 pour se stabiliser autour des 3 % en 2011.

Jérôme Boué



La météo économique de la semaine écoulée :

 


Les Marchés:

Les bourses pourront-elles résister à une nouvelle crise européenne ?


Comme nous l’évoquions la semaine dernière dans cette même rubrique, la crise de la dette publique eurolandaise revient sur le devant de la scène.

Au-delà du cas irlandais, qui ne fait que suivre celui de la Grèce et précéder celui du Portugal, cette résurgence de la crise montre simplement les failles existentielles de la zone euro.

A tel point que le Président du Conseil Européen Van Rompuy n’a pas hésité a déclaré que « l’euro jouait sa survie ».

Pour ceux, comme nous, qui ont connu l’euphorie de la création de l’Union Economique et Monétaire en janvier 1999, nous n’aurions certainement jamais imaginé en arriver là. Le pire est que cette déliquescence est loin d’être terminée.

Les taux longs continuent de se tendre.

Source : Bloomberg

En effet, en dépit du soutien du fonds européen de stabilisation financière, mis en place à la suite de la crise grecque et doté de 750 milliards d’euros par les États, la question de la soutenabilité de la dette publique reste entière. La règle du jeu est claire : tant que la croissance économique en valeur ne dépassera pas la charge d’intérêts de la dette publique, la bulle de la dette se prolongera et empirera.

En d’autres termes, si l’euro ne baisse pas durablement vers des niveaux plus normaux (c’est-à-dire au moins entre 1,15 et 1,20 dollar), la croissance des pays « en souffrance » restera faible, leur imposant de pratiquer un remède de cheval, c’est-à-dire une sortie de la zone euro.

Or, si un pays franchit le pas, il sera très vite suivi par d’autres, en mal de retrouver une forte compétitivité de leurs produits et de rembourser leur dette en monnaie dévaluée, également appelée « monnaie de singe ».

Face à ce risque, de nombreux analystes soulignent que les marchés boursiers vont forcément s’effondrer dans les prochaines semaines.

Tel n’est pas notre scénario. Certes, compte tenu de la forte remontée de début novembre, un mouvement de prise de bénéfices devenait inévitable. La crise irlandaise a juste constitué le mobile de ce processus.

En revanche, les autres fondamentaux des marchés boursiers restent positifs : la croissance mondiale s’installe sur un rythme de 4 % au moins jusqu’au début 2012, l’inflation reste largement sous contrôle, les résultats des entreprises sont particulièrement satisfaisants, les mouvements de fusions-acquisitions se renforcent progressivement et le cash continue de couler à flots.

Les marchés boursiers restent peu chers.

Source : Bloomberg

En outre, à l’inverse de la plupart des placements (or, marchés obligataires, immobilier, notamment en Europe et en particulier en France), les marchés boursiers restent actuellement parmi les rares à ne pas faire l’objet d’une bulle. Pour les investisseurs à la recherche de placements peu onéreux, rentables et raisonnablement risqués, la bourse demeure donc un produit de choix.

Certes, si la zone euro venait à exploser, perspective plausible à l’horizon 2012, il est évident que les marchés boursiers eurolandais en prendraient ombrage.

Cependant, une fois l’orage passé, il est tout aussi clair que l’explosion de la zone euro constituera certainement un mal pour un bien.