Crise de la dette et croissance molle dans la Zone Euro : c’est reparti ! (E&S n°148)

 

Humeur :

France : une croissance chamallow…


Et bien non, ce n’est toujours pas au troisième trimestre 2010 que la croissance française atteindra la barre psychologique des 2 %. Cela fait désormais onze trimestres qu’un tel « évènement » ne s’est pas produit. Au cours de cette funeste période le glissement annuel moyen du PIB français a même été de – 0,5 %. Et ce n’est pas tout, puisque même si l’on remonte à 2001, cette croissance annuelle moyenne n’a été que de 1,2 %.

C’est dire à quel point l’économie française est condamnée à la croissance molle. Si bien qu’une progression du PIB de 0,4 % au troisième trimestre et un glissement annuel de 1,8 % sont présentés par les dirigeants du pays comme des bonnes performances.

Mais, au-delà de ce marketing bien pensant, il faut avouer que l’économie française demeure engluée dans la mollesse, ce qui se traduit mécaniquement par un emploi moribond, un taux de chômage élevé et un pouvoir d’achat en berne. Et ce, en dépit des nombreuses perfusions publiques. Autrement dit, ce laxisme budgétaire n’a fait que masquer l’apathie structurelle de l’économie hexagonale. Dès lors, maintenant qu’il devient indispensable de réduire les déficits publics, toutes les carences de notre économie devraient apparaître au grand jour.

D’ores et déjà, le comparatif entre la croissance française et celle de l’Allemagne est sans appel. Ainsi, en dépit d’un inévitable ralentissement après la flambée de 2,2 % du second trimestre, le PIB allemand a encore progressé de 0,7 % au troisième. Après avoir atteint 4,3 % au deuxième trimestre, son glissement annuel est resté très élevé au troisième, à précisément 3,9 %, soit plus du double de la croissance française.

Et si le PIB allemand a plus chuté que le PIB français au plus fort de la crise, il faut savoir que, désormais, ces PIB sont, tous deux, inférieurs de 1,8 % à leur niveau d’avant récession. En d’autres termes, alors que l’Allemagne a continué de mener une politique rigoureuse et que la France s’est lancée dans un laxisme budgétaire presque sans limite, les deux pays se retrouvent aujourd’hui au même point. La différence est donc de taille : le déficit public et les dépenses publiques ne sont respectivement que de 4,3 % et de 46 % du PIB outre-Rhin, contre 8 % et 56 % dans l’Hexagone…

Dès lors, pour affronter les prochaines années, l’Allemagne paraît beaucoup mieux armée que la France. Et pour cause : la première a réalisé dix ans de réformes structurelles et commence dorénavant à en récolter les fruits, tandis que la seconde a préféré se contenter d’augmenter les dépenses publiques et va donc désormais devoir faire des réformes profondes… Et lorsqu’on voit avec quelles difficultés elle a fait passer celle de la retraite, qui n’est pourtant qu’une réforme a minima, on a du mal à imaginer la suite des évènements…

En attendant, le détail des comptes nationaux du troisième trimestre ne fait que confirmer cette analyse. En effet, si la consommation des ménages a progressé de 0,6 %, c’est essentiellement grâce au baroud d’honneur de la prime à la casse et aux promotions exceptionnelles des constructeurs automobiles. Cette relative vigueur des dépenses des ménages risque donc de souffrir dès le quatrième trimestre 2010 et surtout en 2011.

Et ce d’autant que l’investissement des entreprises reste particulièrement moribond. Ainsi, après avoir sursauté de 1,2 % au deuxième trimestre, cette clé de la croissance n’a progressé que de 0,5 % au troisième. Cette petite hausse de deux trimestres est donc toujours très loin de compenser la baisse de 11,5 % enregistrée au cours des sept trimestres précédents. Or, si l’investissement des entreprises demeure atone, l’emploi continuera de souffrir, pénalisant mécaniquement les revenus puis la consommation des ménages.

Le cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation est donc toujours très loin de l’Hexagone. Pis, compte tenu de la faiblesse durable de l’investissement et de l’emploi, il faut se préparer à une fin 2010 et surtout à un début 2011 très difficiles. De plus, l’appréciation excessive de l’euro depuis le printemps dernier va encore pénaliser l’activité.

Ce mouvement a d’ailleurs déjà commencé, comme le montre la contribution négative du commerce extérieur au deuxième et au troisième trimestre (respectivement – 0,3 et – 0,1 point). Au cours du troisième trimestre, les exportations ont certes progressé de 2,5 %, mais les importations ont flambé de 4,1 %. De quoi rappeler que le soutien artificiel de la consommation a surtout profité à nos partenaires étrangers. C’est bien beau d’être altruiste, mais il faudrait de temps en temps penser aussi à la dynamique intérieure…

Dans ce cadre, nous sommes contraints de réviser à la baisse nos prévisions de croissance pour 2010 et 2011. Cette année, la progression annuelle moyenne du PIB français devrait avoisiner les 1,6 % pour culminer à 1,9 % l’an prochain, en faisant l’hypothèse que l’euro reprendre durablement le chemin de la basse. Mais, quoi qu’il arrive, la barre fatidique des 2 % ne sera malheureusement toujours pas dépassée.

Conséquence logique de cette faiblesse chronique, l’emploi restera moribond, le taux de chômage proche des 10 % et le déficit public ne passera pas sous les 7 % du PIB comme annoncé par le gouvernement. Quel que soit son remaniement, ce dernier doit donc se préparer à une année 2011 très délicate…

 

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Zone euro : un inquiétant ralentissement.


L’embellie du deuxième trimestre 2010 fait déjà figure de vieux souvenir. En effet, après avoir crû de 1 % au cours de cette période, le PIB de la zone euro a nettement ralenti au troisième trimestre, atteignant péniblement un petit 0,4 %. Son glissement annuel s’est ainsi stabilisé à 1,9 %. Cela fait désormais dix trimestres consécutifs que la barre des 2 % n’a pas été atteinte.

Et encore, comme au deuxième trimestre, la croissance de la zone euro a été sauvée par celle de l’Allemagne qui a atteint 0,7 % sur le trimestre et 3,9 % en glissement annuel.

L’Allemagne loin devant…

Sources : INSEE, Bundesbank, Datastream

Bien loin de ce dynamisme, les autres pays de la zone euro ont continué de souffrir. Ainsi, à côté de la France qui a sauvé les meubles via une croissance de 0,4 % (cf. l’Humeur), l’Italie s’est contentée d’un maigre 0,2 %, l’Espagne d’une croissance zéro et les Pays-Bas sont repassés dans le rouge, avec une baisse de 0,1 % de leur PIB.

L’Europe du Sud tire la zone euro vers le bas.

Sources : Eurostat, Bloomberg

Que dire alors de la Grèce qui, avec une décroissance de 1,1 %, a enregistré son neuvième trimestre consécutif de baisse du PIB, soit une chute globale de 7,1 %. En atteignant désormais – 4,5 %, son glissement annuel a touché un nouveau plancher historique. Pis, le niveau actuel du PIB grec est proche de celui qui prévalait au premier trimestre 2006. Autrement dit, la Grèce vit un cauchemar qui est en train de la projeter quatre ans en arrière. Conséquence logique de ce drame économique, le taux de chômage qui a déjà fortement flambé, risque de grimper encore, sachant qu’il se situe déjà sur un sommet depuis 2000.

Le cauchemar grec n’en finit plus.

Sources : Eurostat, Bloomberg

Compte tenu de ces difficultés locales et continentales, la zone euro continue de rester à la traîne de la croissance mondiale et notamment derrière les Etats-Unis. Depuis le début 2010, l’écart de croissance annuelle moyen avoisine 1 point, évidemment à l’avantage de l’Oncle Sam.

Etats-Unis/Zone euro : les écarts se creusent encore.

Sources : Eurostat, BEA, Datastream

Malheureusement, en dépit de la baisse de ces derniers jours, l’euro reste trop cher et risque de pénaliser encore la croissance de la zone.

L’évolution récente des indicateurs des directeurs d’achat dans l’industrie et les services est d’ailleurs sans équivoques : au cours des prochains trimestres, le glissement annuel du PIB eurolandais va reculer entre 1 % et 1,5 %.

Stabilisée à 1,9 % au troisième trimestre, la croissance eurolandaise va désormais reculer nettement.

Sources : Eurostat, Bloomberg, Datastream

Dès lors, l’emploi restera moribond, les déficits publics élevés et les bulles de la dette de plus en plus dangereuses.

Pour sortir de cette spirale pernicieuse, il n’y a que deux solutions. Soit l’euro enregistre une forte dépréciation (c’est-à-dire vers les 1,10 dollar), doublé d’une baisse du taux refi à 0,5 % et la zone euro peut s’en sortir.

Soit, l’euro reste trop fort et la crise de la dette publique eurolandaise refera durablement surface (cf. Les Marchés) avec, au bout du tunnel, une explosion de l’Union Economique et Monétaire. A l’évidence, 2011 sera une année historique.

 

Marc Touati



La météo économique de la semaine écoulée :

 

 


Les Marchés:

Crise de la dette publique eurolandaise : C’est reparti !


A l’heure où les dirigeants du G20 essaient de masquer leur discorde et de sauver les apparences grâce à un marketing de première classe, la crise de la dette publique eurolandaise reprend de plus belle.

En effet, en ayant de nouveau laissé l’euro flamber depuis l’été dernier, les Eurolandais ont mécaniquement affaibli la croissance de la zone et en particulier celle des pays du Sud. Et ce, alors que cette dernière était déjà très affectée par la crise financière et par les efforts de rigueur budgétaire.

Or, comme n’avons eu de cesse de le marteler depuis plus d’un an, la clé de la sortie de crise réside dans une règle aussi simple que redoutable : la croissance économique en valeur des pays menacés doit être supérieure à la charge annuelle d’intérêts que les Etats paient sur leur dette. Si telle est le cas, le déficit public et la dette se réduisent mécaniquement, permettant aux pays en question d’éviter d’avoir à mener une politique de rigueur destructrice.

A l’inverse, si la croissance en valeur est inférieure à la charge d’intérêts, cela signifie que pour simplement payer cette dernière, il faut encore accroître la dette. Le pays s’engage alors dans une bulle de la dette incompressible et qui ne sera qu’aggravée par les efforts de rigueur. C’est d’ailleurs là que réside l’erreur principale des pays du Sud de l’Europe qui ont engagé une politique d’augmentation des impôts. Et pour cause : celle-ci a inévitablement cassé la croissance, qui était parallèlement grevée par le niveau excessif de l’euro. Dès lors, l’écart entre la variation du PIB et la charge d’intérêts de la dette s’est creusé, aggravant par là même la bulle de la dette.

Malheureusement, force est aujourd’hui de constater qu’à l’exception de l’Allemagne et des Pays-Bas, tous les pays de la zone euro sont dans ce deuxième cas de figure. Autrement dit, dix mois après le début de la crise grecque, la situation ne s’est non seulement pas améliorée, mais elle a au contraire empiré pour de nombreux pays, en particulier du Sud de l’Europe.

La bulle de la dette sévit encore partout sauf en Allemagne et aux Pays-Bas.

Sources : FMI et Global Equities

Face à ces nouveaux dérapages, il faut donc se préparer à une nouvelle vague de spéculation autour des CDS (Crédit Default Swap) sur les dettes publiques de nombreux pays eurolandais. A commencer par la Grèce, le Portugal, l’Irlande et bientôt l’Espagne, l’Italie, voire la France.

Les taux longs se tendent dangereusement.

Source : Bloomberg

A ce sujet, il est illustratif d’observer comment l’annonce par la Chine d’achat de bons du Trésor portugais n’a absolument pas calmé le jeu, mais a, à l’inverse, alimenté un mouvement de suspicion sur la santé économique du Portugal.

L’Espagne, l’Italie et la France sont les prochains sur la liste…