France : une croissance chamallow…

 

Et bien non, ce n’est toujours pas au troisième trimestre 2010 que la croissance française atteindra la barre psychologique des 2 %. Cela fait désormais onze trimestres qu’un tel « évènement » ne s’est pas produit. Au cours de cette funeste période le glissement annuel moyen du PIB français a même été de – 0,5 %. Et ce n’est pas tout, puisque même si l’on remonte à 2001, cette croissance annuelle moyenne n’a été que de 1,2 %.

C’est dire à quel point l’économie française est condamnée à la croissance molle. Si bien qu’une progression du PIB de 0,4 % au troisième trimestre et un glissement annuel de 1,8 % sont présentés par les dirigeants du pays comme des bonnes performances.

Mais, au-delà de ce marketing bien pensant, il faut avouer que l’économie française demeure engluée dans la mollesse, ce qui se traduit mécaniquement par un emploi moribond, un taux de chômage élevé et un pouvoir d’achat en berne. Et ce, en dépit des nombreuses perfusions publiques. Autrement dit, ce laxisme budgétaire n’a fait que masquer l’apathie structurelle de l’économie hexagonale. Dès lors, maintenant qu’il devient indispensable de réduire les déficits publics, toutes les carences de notre économie devraient apparaître au grand jour.

D’ores et déjà, le comparatif entre la croissance française et celle de l’Allemagne est sans appel. Ainsi, en dépit d’un inévitable ralentissement après la flambée de 2,2 % du second trimestre, le PIB allemand a encore progressé de 0,7 % au troisième. Après avoir atteint 4,3 % au deuxième trimestre, son glissement annuel est resté très élevé au troisième, à précisément 3,9 %, soit plus du double de la croissance française.

Et si le PIB allemand a plus chuté que le PIB français au plus fort de la crise, il faut savoir que, désormais, ces PIB sont, tous deux, inférieurs de 1,8 % à leur niveau d’avant récession. En d’autres termes, alors que l’Allemagne a continué de mener une politique rigoureuse et que la France s’est lancée dans un laxisme budgétaire presque sans limite, les deux pays se retrouvent aujourd’hui au même point. La différence est donc de taille : le déficit public et les dépenses publiques ne sont respectivement que de 4 % et de 46 % du PIB outre-Rhin, contre 8 % et 56 % dans l’Hexagone…

Dès lors, pour affronter les prochaines années, l’Allemagne paraît beaucoup mieux armée que la France. Et pour cause : la première a réalisé dix ans de réformes structurelles et commence dorénavant à en récolter les fruits, tandis que la seconde a préféré se contenter d’augmenter les dépenses publiques et va donc désormais devoir faire des réformes profondes… Et lorsqu’on voit avec quelles difficultés elle a fait passer celle de la retraite, qui n’est pourtant qu’une réforme a minima, on a du mal à imaginer la suite des évènements…

En attendant, le détail des comptes nationaux du troisième trimestre ne fait que confirmer cette analyse. En effet, si la consommation des ménages a progressé de 0,6 %, c’est essentiellement grâce au baroud d’honneur de la prime à la casse et aux promotions exceptionnelles des constructeurs automobiles. Cette relative vigueur des dépenses des ménages risque donc de souffrir dès le quatrième trimestre 2010 et surtout en 2011.

Et ce d’autant que l’investissement des entreprises reste particulièrement moribond. Ainsi, après avoir sursauté de 1,2 % au deuxième trimestre, cette clé de la croissance n’a progressé que de 0,5 % au troisième. Cette petite hausse de deux trimestres est donc toujours très loin de compenser la baisse de 11,5 % enregistrée au cours des sept trimestres précédents. Or, si l’investissement des entreprises demeure atone, l’emploi continuera de souffrir, pénalisant mécaniquement les revenus puis la consommation des ménages.

Le cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation est donc toujours très loin de l’Hexagone. Pis, compte tenu de la faiblesse durable de l’investissement et de l’emploi, il faut se préparer à une fin 2010 et surtout à un début 2011 très difficiles. De plus, l’appréciation excessive de l’euro depuis le printemps dernier va encore pénaliser l’activité.

Ce mouvement a d’ailleurs déjà commencé, comme le montre la contribution négative du commerce extérieur au deuxième et au troisième trimestre (respectivement – 0,3 et – 0,1 point). Au cours du troisième trimestre, les exportations ont certes progressé de 2,5 %, mais les importations ont flambé de 4,1 %. De quoi rappeler que le soutien artificiel de la consommation a surtout profité à nos partenaires étrangers. C’est bien beau d’être altruiste, mais il faudrait de temps en temps penser aussi à la dynamique intérieure…

Dans ce cadre, nous sommes contraints de réviser à la baisse nos prévisions de croissance pour 2010 et 2011. Cette année, la progression annuelle moyenne du PIB français devrait avoisiner les 1,6 % pour culminer à 1,9 % l’an prochain, en faisant l’hypothèse que l’euro reprendre durablement le chemin de la basse. Mais, quoi qu’il arrive, la barre fatidique des 2 % ne sera malheureusement toujours pas dépassée.

Conséquence logique de cette faiblesse chronique, l’emploi restera moribond, le taux de chômage proche des 10 % et le déficit public ne passera pas sous les 7 % du PIB comme annoncé par le gouvernement. Quel que soit son remaniement, ce dernier doit donc se préparer à une année 2011 très délicate…

 

Marc Touati