Emploi US, Bourses, G20 : au boulot ! (E&S n°147)

 

Humeur :

Encore un G20, un G20 pour rien ?


A l’instar de leurs « ancêtres » du G7, puis du G8, les sommets du G20 apparaissent de plus en plus futiles, pour ne pas dire inutiles. En fait, pour leur trouver une certaine utilité, il faut remonter au G20 de Londres d’avril 2009. A l’époque, la crise économico-financière battait son plein et rares étaient ceux qui osaient imaginer une reprise économique dès 2009. Il était donc indispensable que le G20 soit une réussite ou du moins apparaisse comme tel, pour éviter une recrudescence de la crise, voire une descente aux enfers encore plus grave qu’en 1929. Les vingt pays les plus puissants de la planète n’avaient donc pas le choix : ils devaient absolument se mettre d’accord et apparaître au monde comme unis pour sortir de la crise.

A la différence du repli sur soi des années 30, le G20 de Londres marquait ainsi le refus du protectionnisme et la volonté de mener une politique de relance à l’échelle de la planète. Et même s’il était clair que l’unité affichée était temporaire, elle suffisait néanmoins pour relancer l’économie internationale sur de bons rails. A l’actif du G20, force est de constater qu’en dépit des faux semblants et parfois d’une certaine hypocrisie, la croissance mondiale est repartie assez rapidement vers les 4 %, niveau autour duquel elle s’est même stabilisée.

Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est certainement cette réussite qui a affaibli le G20. En effet, à présent que le spectre de la crise de 1929 s’est éloigné, les membres de ce « club très select » n’ont plus la même pression qu’au printemps 2009 et surtout retrouvent leurs bonnes habitudes du « chacun pour soi et Dieu pour tous ».

Pis, le redémarrage de la croissance mondiale ne s’est pas produit de façon homogène. Il a ainsi engendré des gagnants et des perdants. Parmi les premiers, on recense évidemment une grande partie des pays émergents à la tête desquels trône bien sûr la Chine. Quant aux seconds, il s’agit principalement des pays occidentaux, plus particulièrement de l’Europe et le Japon. Enfin, les Etats-Unis n’ont pas encore choisi leur voie, puisqu’ils apparaissent encore mi-gagnants, mi-perdants. C’est d’ailleurs la raison essentielle pour laquelle ils continuent de se battre sur tous les fronts, notamment sur celui du change.

Autrement dit, bien loin de l’union et de l’harmonie (de façade) d’avril 2009, les pays du G20 se livrent de nouveau une guerre économique acharnée qui ne veut pas dire son nom. Yuan et dollars sous-évalués, aggravation des barrières non-tarifaires au Japon et dans de nombreux pays émergents, subvention publiques à peine masquées dans la plupart des pays européens et aux Etats-Unis… Tout est bon pour soutenir sa croissance, y compris au détriment des autres.

Pourtant, en dépit de ces conflits larvés et de ceux à venir, le G20 préfère se voiler la face et se focaliser sur les bonus des traders, sur les paradis fiscaux ou encore se contenter de faire du marketing. A ce sujet, l’exemple du sommet des ministres des finances du G20 du 24 octobre dernier est particulièrement éloquent. Ainsi, ces derniers ont bien appelé de leurs vœux à l’arrêt de la guerre des monnaies et à une plus grande coopération. En revanche, ils n’ont aucunement joint le geste à la parole. D’ailleurs, cela n’a pas empêché le dollar de repartir à la baisse, histoire de confirmer une nouvelle fois le peu de crédibilité des déclarations et des communiqués du G20.

Dans ce cadre, le sommet du 12 novembre risque une nouvelle fois d’accoucher d’une souris. Et ce d’autant que de nombreux dirigeants sont en mauvaise posture politique dans leur propre pays : Obama vient de perdre les élections de mi-mandat ; Angela Merkel commence à être fortement critiquée au sein de son parti ; Nicolas Sarkozy doit faire face à une fronde sociale qui s’avère de plus en plus difficile à contrôler ; le premier ministre japonais, fraîchement nommé, paraît peu disposé à imposer son point de vue ; et enfin, alors que le mandat de Lula touche à son terme, sa candidate a été élue avec « seulement » 55% des voix à la tête Brésil, loin des scores de son prédécesseur.

Une fois encore, dans ce concert international de faiblesses et de dissonances, la Chine risque de se retrouver seule pour donner le « la ». Il faut dire que cette donne politique n’est pas nouvelle. Elle s’était déjà observée lors du fameux G20 de Londres, pourtant couronné de succès. Pour sauver l’unité apparente, les pays participants avaient alors accepté la volonté chinoise de ne pas mentionner Hong Kong et Macao dans la liste des paradis fiscaux, tout en inscrivant la Chine dans la liste «blanche» des pays fiscalement «normaux». Mais, que cela plaise ou non, cette force politique ne fait que refléter une réalité économique et financière. Riche d’un PIB d’environ 5 800 milliards d’euros en 2010, qui représente 13,5 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat et de réserves de change de plus de 2 600 milliards de dollars, la Chine est désormais incontournable et va continuer d’imposer son dictat à la planète.

Tout au plus, pour faire bonne figure, va-t-elle certainement accepter d’apprécier de 10 % le yuan au cours des douze prochains mois. Les pays occidentaux pourront alors crier victoire, tout en oubliant que même apprécié de 10 %, le yuan sera toujours sous-évalué de 80 % par rapport à son niveau de parité de pouvoir d’achat.

Et c’est bien là qu’est le problème : tandis que les pays dits développés et leurs dirigeants sont obnubilés par le marketing et les succès de façade, les Chinois ne pensent qu’à améliorer leurs performances économiques et à étendre leur puissance à travers le monde. Et si les Etats-Unis essaient de résister avec une politique monétaire excessivement accommodante et un dollar trop faible, ce sont, comme d’habitude, la zone euro et le Japon qui restent les dindons de la farce… Comme cela s’observe depuis une dizaine d’années, les Etats-Unis et la Chine pourront donc leur dire mer… ci.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

La job machine américaine retrouve enfin des couleurs.


Dommage pour Barack Obama et les Démocrates que les chiffres de l’emploi d’octobre ne soient pas tombés une semaine plus tôt. Peut-être auraient-ils pu limiter leur défaite aux élections de mi-mandat. En effet, bien loin des déceptions des mois précédents, la job machine américaine a, pour une fois, dépassé les attentes. Ainsi, alors que le consensus prévoyait 60 000 créations d’emplois et que, pour notre part, nous en anticipions 90 000, celles-ci ont finalement atteint le niveau très appréciable de 151 000. Mieux, les destructions des deux mois précédents ont été revues en forte baisse : 41 000 en septembre et 1 000 en août, contre respectivement 95 000 et 57 000 destructions lors de leur précédente estimation. Cela signifie donc qu’en intégrant ces variations, les créations d’emplois d’octobre atteignent un niveau impressionnant de 261 000.

Le détail des chiffres d’octobre est d’ailleurs particulièrement satisfaisant, puisqu’à l’exception des 7 000 destructions d’emplois dans le secteur manufacturier, tous les secteurs clés de l’économie américaine sont créateurs d’emplois nets. A commencer par les services privés qui ont créé 154 000 postes nets. Cette vigueur s’explique notamment par la bonne santé de l’emploi dans les services aux entreprises (46 000 créations d’emplois) et dans le commerce de détail (28 000 créations). Ces deux évolutions confirment donc que les deux moteurs clés de l’économie américaine, en l’occurrence l’investissement des entreprises et la consommation des ménages, sont bien sur la bonne voie.

En outre, il faut aussi noter qu’en octobre, l’emploi dans la construction est repassé en territoire positif (5 000 créations nettes), indiquant qu’en dépit d’une fragilité durable, le secteur où la crise a commencé est bien en train de se remettre en ordre de marche. Investissement des entreprises, consommation et investissement logement des ménages : tous les ingrédients sont donc bien présents pour assurer durablement la dynamique de croissance aux Etats-Unis.

La remontée des indices synthétiques des enquêtes ISM des directeurs d’achat dans l’industrie et les services montre d’ailleurs que la croissance américaine est bien installée durablement autour de la barre des 3 %.

La croissance américaine se stabilise durablement autour des 3 %.

Sources : ISM, Bloomberg

En outre, il faut également souligner que le glissement annuel de l’emploi continue d’augmenter. Avec un niveau de 0,64 % en octobre, il atteint même un plus haut depuis décembre 2007. Mieux, comme le montre la nouvelle hausse des indices « emploi » des directeurs d’achat tant dans l’industrie que dans les services en octobre, cette progression est loin d’être terminée.

Après un retard notable à l’allumage, le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est donc bien en train de s’installer outre-Atlantique.

La reprise de l’emploi nous réserve encore de belles surprises.

Sources : ISM, Bureau of Labor Statistics, Datastream

Certes, le taux de chômage n’a pas repris le chemin de la baisse et s’est stabilisé à 9,6 % en octobre. Néanmoins, comme l’indique l’évolution récente du nombre d’allocataires hebdomadaires de l’assurance chômage, ce taux devrait bien passer sous les 9 % d’ici le printemps 2011. Nous y serions certainement déjà si les errements de la politique d’Obama n’avaient pas généré un mouvement de défiance massif chez les chefs d’entreprises (cf. L’Humeur de la semaine dernière).

Vers un taux de chômage sous les 9 % au printemps 2011.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Bloomberg


Enfin, deux autres évolutions confirment que le marché du travail américain est bien prêt pour une reprise forte et durable. D’une part, la progression soutenue des salaires (+ 0,2 % pour le salaire horaire et + 0,5 % pour le salaire moyen hebdomadaire, soit des glissements annuels de respectivement + 1,7 % et + 3,5 %).


D’autre part, après une petite baisse en septembre, le nombre d’heures travaillées par semaine a retrouvé la barre des 34,3 heures. Autrement dit, les Américains sont non seulement plus nombreux à travailler mais surtout ils travaillent plus pour gagner plus. Le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy a donc bien été validé par la réalité, mais pas du bon côté de l’Atlantique…

 

 

Marc Touati



La météo économique de la semaine écoulée :

 

 


Les Marchés:

Les bourses et l’euro aiment les Républicains.


Même si la défaite de Barack Obama aux élections de mi-mandat aurait pu être encore plus grave, les marchés ont clairement montré leur satisfaction. Pour eux, Obama n’est effectivement plus le « sauveur » de l’automne 2008, mais un dangereux interventionniste qu’il était urgent d’arrêter. A tort ou à raison, le peuple américain a donc abondé dans leur sens. Et même si la cohabitation Démocrates-Républicains restera limitée, il est désormais clair que l’administration Obama devra freiner sa volonté de « plus d’Etat ».

Le paradoxe est que si les marchés sont opposés à une trop forte augmentation des dépenses publiques, synonyme d’accroissement des impôts (cf. l’équivalence ricardienne explicitée dans notre Humeur du 29 octobre), ils apprécient l’utilisation de la planche à billets de la Fed.

Faisant fi d’une croissance américaine de 3 %, cette dernière a donc annoncé qu’elle achèterait des bons du Trésor américains pour un montant de 600 milliards de dollars. L’avantage de ce nouvel « quantitative easing » (appelé QE2) est triple.

Primo, il permet à l’Etat de financer son déficit facilement et surtout sans augmenter les impôts à court terme. C’est d’ailleurs en cela que la mesure de la Fed vient conforter les Américains dans leur choix républicain.

Secundo, cela permettra de limiter la demande de fonds prêtables aux marchés de la part du Trésor, donc de contenir l’augmentation des taux d’intérêt à long terme, ce qui, in fine, pérennisera la reprise économique.

Tertio, cette nouvelle couche « d’argent gratuit » génère mécaniquement une baisse du dollar, qui viendra également apporter quelques dixièmes de point de croissance à l’Oncle Sam.

En temps normal, une telle stratégie comporte aussi des risques, en particulier sur le front de l’inflation. Néanmoins, compte tenu de la fragilité de la croissance aux Etats-Unis, d’un taux de chômage toujours élevé qui limitera de facto l’augmentation des salaires et d’une concurrence internationale effrénée, les pressions inflationnistes demeureront limitées.

Face à ce duo gagnant Républicains-QE2, les marchés boursiers se sont alors remis à rêver et semblent se diriger vers un beau rallye de fin d’année. Ce dernier pourrait ainsi propulser le Cac 40 bien au-delà des 4000 points et le Dow Jones vers les 12 000 points. Et ce d’autant que les résultats des entreprises cotées devraient s’avérer toujours très favorables.


Bourses : en route pour un rallye de fin d’année.

Source : Bloomberg

Le seul bémol de cette embellie réside dans le fait que l’euro/dollar est reparti sur une route dangereusement haussière. Dès lors, une fois le satisfecit du couple Républicain-QE2 passé, la facture sera forcément présentée aux Eurolandais et aux Japonais, avec baisse de la croissance à la clé, donc réduction des exportations américaines vers la zone euro et le Japon.

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