Encore un G20, un G20 pour rien ?

 

A l’instar de leurs « ancêtres » du G7, puis du G8, les sommets du G20 apparaissent de plus en plus futiles, pour ne pas dire inutiles. En fait, pour leur trouver une certaine utilité, il faut remonter au G20 de Londres d’avril 2009. A l’époque, la crise économico-financière battait son plein et rares étaient ceux qui osaient imaginer une reprise économique dès 2009. Il était donc indispensable que le G20 soit une réussite ou du moins apparaisse comme tel, pour éviter une recrudescence de la crise, voire une descente aux enfers encore plus grave qu’en 1929. Les vingt pays les plus puissants de la planète n’avaient donc pas le choix : ils devaient absolument se mettre d’accord et apparaître au monde comme unis pour sortir de la crise.

A la différence du repli sur soi des années 30, le G20 de Londres marquait ainsi le refus du protectionnisme et la volonté de mener une politique de relance à l’échelle de la planète. Et même s’il était clair que l’unité affichée était temporaire, elle suffisait néanmoins pour relancer l’économie internationale sur de bons rails. A l’actif du G20, force est de constater qu’en dépit des faux semblants et parfois d’une certaine hypocrisie, la croissance mondiale est repartie assez rapidement vers les 4 %, niveau autour duquel elle s’est même stabilisée.

Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est certainement cette réussite qui a affaibli le G20. En effet, à présent que le spectre de la crise de 1929 s’est éloigné, les membres de ce « club très select » n’ont plus la même pression qu’au printemps 2009 et surtout retrouvent leurs bonnes habitudes du « chacun pour soi et Dieu pour tous ».

Pis, le redémarrage de la croissance mondiale ne s’est pas produit de façon homogène. Il a ainsi engendré des gagnants et des perdants. Parmi les premiers, on recense évidemment une grande partie des pays émergents à la tête desquels trône bien sûr la Chine. Quant aux seconds, il s’agit principalement des pays occidentaux, plus particulièrement de l’Europe et le Japon. Enfin, les Etats-Unis n’ont pas encore choisi leur voie, puisqu’ils apparaissent encore mi-gagnants, mi-perdants. C’est d’ailleurs la raison essentielle pour laquelle ils continuent de se battre sur tous les fronts, notamment sur celui du change.

Autrement dit, bien loin de l’union et de l’harmonie (de façade) d’avril 2009, les pays du G20 se livrent de nouveau une guerre économique acharnée qui ne veut pas dire son nom. Yuan et dollars sous-évalués, aggravation des barrières non-tarifaires au Japon et dans de nombreux pays émergents, subvention publiques à peine masquées dans la plupart des pays européens et aux Etats-Unis… Tout est bon pour soutenir sa croissance, y compris au détriment des autres.

Pourtant, en dépit de ces conflits larvés et de ceux à venir, le G20 préfère se voiler la face et se focaliser sur les bonus des traders, sur les paradis fiscaux ou encore se contenter de faire du marketing. A ce sujet, l’exemple du sommet des ministres des finances du G20 du 24 octobre dernier est particulièrement éloquent. Ainsi, ces derniers ont bien appelé de leurs vœux à l’arrêt de la guerre des monnaies et à une plus grande coopération. En revanche, ils n’ont aucunement joint le geste à la parole. D’ailleurs, cela n’a pas empêché le dollar de repartir à la baisse, histoire de confirmer une nouvelle fois le peu de crédibilité des déclarations et des communiqués du G20.

Dans ce cadre, le sommet du 12 novembre risque une nouvelle fois d’accoucher d’une souris. Et ce d’autant que de nombreux dirigeants sont en mauvaise posture politique dans leur propre pays : Obama vient de perdre les élections de mi-mandat ; Angela Merkel commence à être fortement critiquée au sein de son parti ; Nicolas Sarkozy doit faire face à une fronde sociale qui s’avère de plus en plus difficile à contrôler ; le premier ministre japonais, fraîchement nommé, paraît peu disposé à imposer son point de vue ; et enfin, alors que le mandat de Lula touche à son terme, sa candidate a été élue avec « seulement » 55% des voix à la tête Brésil, loin des scores de son prédécesseur.

Une fois encore, dans ce concert international de faiblesses et de dissonances, la Chine risque de se retrouver seule pour donner le « la ». Il faut dire que cette donne politique n’est pas nouvelle. Elle s’était déjà observée lors du fameux G20 de Londres, pourtant couronné de succès. Pour sauver l’unité apparente, les pays participants avaient alors accepté la volonté chinoise de ne pas mentionner Hong Kong et Macao dans la liste des paradis fiscaux, tout en inscrivant la Chine dans la liste «blanche» des pays fiscalement «normaux». Mais, que cela plaise ou non, cette force politique ne fait que refléter une réalité économique et financière. Riche d’un PIB d’environ 5 800 milliards d’euros en 2010, qui représente 13,5 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat et de réserves de change de plus de 2 600 milliards de dollars, la Chine est désormais incontournable et va continuer d’imposer son dictat à la planète.

Tout au plus, pour faire bonne figure, va-t-elle certainement accepter d’apprécier de 10 % le yuan au cours des douze prochains mois. Les pays occidentaux pourront alors crier victoire, tout en oubliant que même apprécié de 10 %, le yuan sera toujours sous-évalué de 80 % par rapport à son niveau de parité de pouvoir d’achat.

Et c’est bien là qu’est le problème : tandis que les pays dits développés et leurs dirigeants sont obnubilés par le marketing et les succès de façade, les Chinois ne pensent qu’à améliorer leurs performances économiques et à étendre leur puissance à travers le monde. Et si les Etats-Unis essaient de résister avec une politique monétaire excessivement accommodante et un dollar trop faible, ce sont, comme d’habitude, la zone euro et le Japon qui restent les dindons de la farce… Comme cela s’observe depuis une dizaine d’années, les Etats-Unis et la Chine pourront donc leur dire mer… ci.

Marc Touati