Alain Juppé : le retour?

 

Voilà que l’on reparle beaucoup d’Alain Juppé, « le meilleur d’entre nous », comme le surnommait, admiratif, Jacques Chirac. Alors que le remaniement ministériel s’approche, un poids lourd comme Alain Juppé peut-il revenir sur le devant de la scène politique ?

 

A l’heure où Nicolas Sarkozy est de plus en plus critiqué, Alain Juppé – dont la stature d’homme d’Etat ne fait aucun doute – redonnerait en effet de la consistance au quinquennat en cours. Il est vrai que l’homme ne manque pas d’atouts : entré en politique il y a plus de trente ans, il dispose d’une remarquable expérience de l’exercice du pouvoir et de ses vicissitudes. Plusieurs fois ministre, il est également passé par la case Matignon en 1995 avant que la dissolution orchestrée par son ex directeur de cabinet au Quai d’Orsay (Dominique de Villepin) ne tourne au fiasco deux ans plus tard… Frappé de plein fouet par l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, il faillit ne jamais s’en relever. L’accession à la Mairie de Bordeaux lui remit le pied à l’étrier avant qu’il ne devienne « le moins durable des Ministres du développement durable » comme il se qualifie, pour cause de défaite aux élections législatives de 2007.

 

En dépit de ses indéniables qualités, force est de constater que sa personnalité et son tempérament sont loin de faire l’unanimité. Affichant une certaine supériorité intellectuelle, cette grosse tête (énarque et normalien) garde encore l’image du technocrate cassant et droit dans ses bottes. Son nom est également étroitement lié aux grèves de l’hiver 1995 ainsi qu’à Jacques Chirac, dont le bilan ne restera pas gravé dans les livres d’histoire. En d’autres termes, Alain Juppé appartient quelque part au passé et manque cruellement de popularité. Même si son arrivée à la mairie de Bordeaux a considérablement lissé son image, il n’est pas encore prêt d’avoir le capital sympathie d’un Chirac.

 

Dans ce contexte, la question est de savoir à quel poste il peut prétendre. Son passage réussi au Quai d’Orsay (1993-1995) pourrait donner l’idée à Sarkozy de le substituer à Bernard Kouchner, donné partant, mais cela aurait un petit air de déjà vu. Bercy serait également une option puisque cet Inspecteur des Fnances qui fut Ministre du Budget en a tout a fait l’envergure. Reste à savoir s’il serait en phase avec les grandes orientations de politique économique de Nicolas Sarkozy. Hervé Morin étant également dans la charrette de départ pour cause d’ambitions présidentielles, la défense pourrait également lui être proposée. Cela dit, le Président restant le chef des armées, cette hypothèse a peu de chance de voir le jour.

 

Tout compte fait, Juppé serait peut être l’un des meilleurs candidats à Matignon. Reste à savoir ce que donnerait un tandem Sarkozy- Juppé au plus haut niveau de l’Etat. Il faut tout de même se rappeler qu’avant de se réconcilier, ces derniers étaient considérés comme des frères ennemis. Juppé ayant toujours été préféré par Chirac à Sarkozy, ce dernier finit par trouver en Edouard Balladur son véritable père politique. Pourront-ils faire table rase du schisme de 1995 où, alors que Sarkozy avait «lâché» Chirac, Juppé le dévoué fut l’un des derniers fidèles à mener campagne pour l’ex maire de Paris ? Qui plus est, il y a fort à parier que Juppé ne tolérerait pas l’omniprésence du tout puissant Claude Guéant dont le titre de Premier Ministre bis est tout à fait justifié. Enfin, au regard de son envergure politique, il pourrait bien créer un contraste et faire de l’ombre à Sarkozy. Et nul doute que, comme nombre de ses contemporains en politique, Alain Juppé n’a jamais vraiment renoncé à la tentation de l’Elysée…

 

La phrase de la semaine :

«Je n’y pense pas constamment mais j’y pense épisodiquement» de Alain Juppé à propose d’une éventuelle entrée au gouvernement.

 

Jérôme Boué