Humeur :
France : encore des promesses…
« Paroles, Paroles, Paroles… » Ce refrain lancinant d’une célèbre chanson des années 70 pourrait parfaitement être repris par les différents gouvernements qui se sont succédés en France depuis une trentaine d’années. En effet, au-delà des promesses électorales en tous genres rarement tenues, les nombreux premiers ministres , ministres de l’économie, du budget et autres s’époumonent chaque année pour promettre, la main sur le cœur, que le déficit public français sera fortement réduit l’année suivante, notamment grâce à des efforts draconiens en matière de réduction des dépenses et à une croissance comprise entre 2 et 2,5 %.
Cet automne ne faillit évidemment pas à cette règle, avec néanmoins une différence : jamais le déficit public français n’a été aussi élevé : environ 8 % du PIB. De même, jamais la dette publique hexagonale n’a été aussi forte, en l’occurrence autour des 80 % du PIB.
Face à ce triste constat, deux conséquences logiques s’imposent. D’une part, le gouvernement doit, plus que jamais, montrer à
Sur ce dernier point, le projet de budget se veut d’ailleurs un peu moins irréaliste que ses prédécesseurs. En effet, de 2000 à 2008, les prévisions d’octobre de Bercy ont été quasiment toujours les mêmes : à savoir une croissance d’environ 2,5 % pour l’année suivante. Or, la réalité a été tout autre, puisque de 2001 à 2009, la croissance annuelle moyenne du PIB français fut de 1,2 %.
Devant une telle « réussite », les dirigeants du pays se sont enfin résolus à devenir un peu plus réalistes. Ainsi, ils anticipent une croissance de 1,5 % pour 2010, ce qui devrait être assez facile à réaliser, puisque l’acquis de croissance du PIB français est déjà de 1,3 % au sortir du deuxième trimestre 2010. Quant à 2011, la prévision « bercyenne » fait état d’une progression du PIB de 2 %. Là aussi, cela apparaît tout à fait jouable. Et ce, notamment parce que, compte tenu de la mollesse des dernières années, un mouvement technique de restockage et de ré-investissement devrait s’opérer dès cette année et s’installer en 2011. Compte tenu de cet effet de rattrapage, une croissance de 2 % semble donc largement réalisable.
Trois petits bémols doivent néanmoins être mentionnés sur cette perspective. Primo, si l’euro ne revient pas vers les 1,20 dollar et si, a fortiori, il continue de s’apprécier autour des 1,35 dollar, il faudra amputer la croissance française d’au moins 0,7 point. Secundo, si
D’où notre « Tertio », à savoir le ralentissement déjà avancé des dépenses des ménages. En effet, après avoir reculé de 1,5 % en juin, puis rebondi mécaniquement de 2,7 % en juillet grâce aux soldes, les dépenses en produits manufacturés ont de nouveau chuté de 1,6 % en août. En dépit d’un retour en territoire positif, leur glissement annuel reste faible à seulement +1,2 %. A l’évidence, nous sommes loin des performances habituelles de la consommation, notamment en phase de reprise, qui permettaient à la croissance française d’affronter vents et marées sans trop de difficultés.
L’origine de cette décrue est malheureusement simple : l’automobile. Ainsi, après avoir été artificiellement soutenue par les primes gouvernementales, la consommation automobile s’est logiquement écroulée depuis le début 2010, et ce malgré la fin progressive des primes et les rabais importants consentis par les constructeurs. A l’instar des évolutions observées en 1996-97, lors de la mise en place de primes analogues, la flambée de consommation de l’an passé n’a donc été qu’une anticipation des dépenses de cette année, d’où un écroulement inévitable aujourd’hui. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, puisque au-delà des baisses de 1,6 % et 1,5 % enregistrées en juillet et août, les dépenses dans le secteur automobile ont chuté de 11,2 % depuis le début de l’année et leur glissement annuel affiche un niveau peu flatteur de – 10,4 %. Certes, grâce à une épargne toujours pléthorique, les Français disposent encore de quelques réserves pour consommer. Mais, attention, comme cela s’est encore observé en juillet, ils concentrent leurs dépenses sur les périodes de soldes. Dès lors, la consommation des ménages continuera de croître, mais seulement à un rythme d’environ 1,4 % tant cette année qu’en 2011.
En d’autres termes, même si elle reste envisageable, la prévision d’une croissance à 2 % en 2011 est loin d’être définitivement assurée.
C’est alors que les promesses gouvernementales en termes d’augmentation des recettes fiscales et de réduction des dépenses prennent toute leur importance. Tout d’abord, il est clair qu’en rabotant les niches fiscales sans réduire les prélèvements obligatoires dans leur ensemble, le gouvernement va mécaniquement réduire la confiance et la croissance dans l’Hexagone. Ce qui s’ajoute aux hypothèses ci-dessus. Ensuite, en annonçant une stabilisation des dépenses de fonctionnement, le ministre du budget réitère les travers de ses prédécesseurs qui ont fait des promesses identiques avec pour seuls résultats une forte augmentation de ces mêmes dépenses. Ces dernières ont ainsi augmenté de 14,4 milliards d’euros en 2009 (soit + 4,1 % en valeur et environ + 3,5 % en volume) et de 87,6 milliards d’euros depuis 2002 (+ 31,3 % en valeur et autour des 17 % en volume).
Nous voulons donc bien croire une nouvelles fois les déclarations gouvernementales, mais pardonnez nous de rester prudents. Voilà pourquoi, nous estimons que le déficit public français devrait avoisiner les 7 % du PIB en 2011 et que la dette publique frôlera les 85 % du PIB. C’est tout le problème des promesses non tenues : au bout d’un certain temps, elles ne sont plus prises au sérieux. Marc Touati
Quid de l’économie cette semaine ?
Une semaine en demi-teinte pour les ménages américains.
La publication finale des comptes nationaux américains pour le deuxième trimestre a consacré une croissance de 1,7 % du PIB contre 1,6 % lors de la deuxième estimation.
Cette très légère correction haussière provient essentiellement de la révision de consommation privée qui a progressé de 2,2 % contre une hausse de 2,0 % lors de la précédente estimation.
Il faut souligner qu’il s’agit de la plus forte progression de la consommation des ménages depuis le premier trimestre 2007 confirmant la montée en puissance des consommateurs américains qui répondent présent.
La consommation des ménages au plus haut depuis 2007
Source : BEA, Datastream
En revanche l’indice de confiance des consommateurs du Conference board qui représente un indicateur avancé de la consommation des ménages américains, a marqué le pas en septembre.
Ainsi, après avoir chuté de 8 points en juin et de 3 points en juillet, l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board qui avait repris le chemin de la hausse en août atteignant 53,50, a décliné de près de 5 points en septembre pour tomber au niveau de 48,5.
La confiance des consommateurs américains qui a atteint un plus bas depuis février
Cependant, l’indice « emploi » des enquêtes ISM dans le secteur manufacturier et dans une moindre mesure dans les services du mois d’août, confirme que l’emploi va reprendre des couleurs dans les prochains mois. En effet après cette période de consolidation estivale, nous anticipons un retour rapide des créations d’emplois puisque la job machine américaine devrait générer 15 000 emplois nets dès le mois de septembre.
De fait, la confiance des consommateurs américains devrait retrouver le chemin de la hausse dans les mois à venir.
Ménages américains : crise de confiance temporaire ?
Sources : Conference Board, BEA, Datastream
Par ailleurs, après dix mois de progression quasi ininterrompue depuis octobre 2009, les revenus des ménages américains ont encore augmenté en août, affichant une hausse de 0,5 % portant le glissement annuel à +3.3%. Après avoir marqué le pas en juin les salaires ont augmenté pour un deuxième mois consécutif (+0,3 %) Dans ce cadre, les dépenses des ménages ont logiquement progressé de 0,4 % en août portant le glissement annuel à +2.7 %.
Les revenus des ménages américains soutiennent la consommation
Sources : BEA, Bloomberg
Le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est bien en place outre-Atlantique et la consommation des ménages qui représente environ 70 % du PIB continuera de soutenir la croissance américaine.
Jérôme Boué
La météo économique de la semaine écoulée :
Les Marchés:
L’euro killer est encore de retour
C’est fin 2007 que nous avons utilisé pour la première fois ce concept non-politiquement correct de « l’euro killer ». En effet, à l’heure où de nombreuses voies s’élevaient pour souligner que l’euro fort était un bienfait, nous rappelions simplement qu’à chaque fois que l’euro s’appréciait de 10 % sur une année, il retirait 0,4 point à la croissance eurolandaise. Pis, au-delà des 1,30 dollar, ce coût avoisinait les 0,7 point. Quant à l’argument selon lequel l’euro fort permettait de payer le pétrole moins cher, nous soulignions qu’il n’avait aucun sens puisque plus le dollar baissait, plus le pétrole flambait.
Malheureusement, les conséquences de cet euro trop fort ont bien été dramatiques, puisque la zone euro est entrée en récession dès le deuxième trimestre 2008, que cette récession a été plus forte qu’aux Etats-Unis et que, « grâce », une fois encore, au retour d’un euro trop fort au printemps-été 2009, la reprise eurolandaise a été l’une des plus faibles au monde.
En dépit de ces réalités incontestables, les mêmes erreurs se répètent. Ainsi, alors que la zone euro commençait enfin à retrouver le chemin d’une croissance supérieure à 1,5 %, en particulier grâce à l’Allemagne, l’euro s’apprécie de nouveau depuis quelques semaines et à un rythme dangereux depuis quelques jours.
La croissance pâtira encore d’un euro trop fort
Sources : Eurostat, Bloomberg
Le raisonnement sous-jacent est toujours le même, c’est-à-dire consensuel mais erroné. Il s’appuie sur le fantasme selon lequel l’économie américaine irait beaucoup plus mal que celle de la zone euro. Et ce malgré la réalité des chiffres : 3 % de croissance pour les Etats-Unis cette année et l’an prochain, contre 1,5 % pour la zone euro cette année et 2 % en 2011. Là où le bât blesse encore plus, c’est que si l’euro reste fort, les 2 % de croissance de l’an prochain vont vite devenir une douce illusion et laisseront place à un petit 1 %. Avec des conséquences évidemment dramatiques en termes d’emplois et de déficit public. D’où un retour en force des crises de la dette publique en Grèce, en Espagne… et aussi en France.
Plus que jamais, l’euro à 1,35 dollar n’a donc aucun sens économique. Néanmoins, il ne sert à rien de se battre contre des moulins. Et ce d’autant que les Etats-Unis ne veulent prendre aucun risque sur leur croissance et sont amplement satisfaits de pouvoir profiter encore d’un dollar faible sur le dos des européens. Le mouvement spéculatif sur l’euro/dollar a donc encore quelques beaux jours devant lui.
Dans ce cadre, l’euro devrait se stabiliser autour des 1,35 dollar, et même flamber vers les 1,38 dans les prochaines semaines. Il sera alors temps d’acheter du dollar, car, ensuite, compte tenu du rapide retour en arrière de la croissance eurolandaise, l’euro reviendra vers les 1,25 dollar, voire les 1,20. Niveau, qui rappelons-le, constitue celui du taux de change naturel et reste le seul moyen de pouvoir permettre à la zone euro de retrouver le chemin d’une croissance durablement forte.
Arrêtons d’oublier les fondamentaux
Source : Datastream
Mais tant que les Eurolandais préféreront être les dindons de la farce, il faudra continuer à compter les points : en plus pour la croissance américaine et en moins pour celle dela zone euro. Il faudra aussi apprendre à naviguer entre 1,20 et 1,40 sur l’euro/dollar au gré des publications statistiques et des décisions de politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique. Les marchés des changes vont donc rester particulièrement actifs.
Marc Touati
- France : de la grève à la Grèce ?
- Zéro pointé pour la production industrielle française.