Humeur :
France : le suicide par l’impôt.
« Je n’ai pas été élu pour augmenter les impôts, moi. Si on veut augmenter les impôts dans notre pays, il y a tellement de candidats pour les augmenter, vous aurez l’embarras du choix aux prochaines élections ! » Telle était l’annonce tonitruante lancée par Nicolas Sarkozy le 17 mars 2009 devant les ouvriers de l’usine Alstom d’Ornans (Doubs).
Malheureusement, comme le souligne l’expression si souvent usitée par les hommes politiques français : les promesses n’engagent que ceux qui y croient. C’est dans ce cadre que le gouvernement a annoncé il y a une dizaine de jours que dix milliards d’euros de recettes supplémentaires allait être trouvée au gré de la réduction de nombreuses niches fiscales. Certes, le sacro-saint principe de la non-augmentation des impôts se voulait apparemment préservé. Cependant, personne n’est dupe et chacun sait que supprimer les niches fiscales revient mécaniquement à aggraver la pression fiscale. Pour autant grâce à des efforts considérables de marketing, la pilule est plus ou moins passée sans trop de difficultés.
Fort de ce « succès », une nouvelle étape a donc été franchie cette semaine, avec l’annonce d’une augmentation des ponctions sur les assurances pour un montant d’au moins 3,2 milliards d’euros. Cette fois-ci, la dissimulation est évidemment beaucoup plus difficile et les Français commencent à comprendre que lorsqu’on leur parle de réduction des niches, il s’agit bien d’une augmentation pure et simple de la ponction fiscale.
Pourtant, comme si cela ne suffisait pas, le Ministre du Budget, François Baroin, en a rajouté une couche, en annonçant qu’après les élections présidentielles, les impôts allaient forcément augmenter. Il se rapproche ainsi de la position du parti socialiste qui, en cas de victoire en 2012, prévoit d’augmenter massivement les impôts sans réduire les dépenses publiques. En d’autres termes, si certains Français osaient encore ne pas y croire, c’est désormais une certitude : après 2012, quelle que soit l’issue des élections présidentielles,
Dans la mesure où cette dernière est d’ores et déjà l’une des plus élevées du monde, il est de notre devoir, en tant qu’économistes indépendants, de souligner que cette perspective constitue un important danger pour l’avenir de notre « douce France ». En effet, depuis une vingtaine d’années, les différents gouvernements français ont apporté la même réponse à l’ensemble des problèmes économiques hexagonaux : une augmentation conjointe des dépenses publiques et de la pression fiscale. Et même lorsque l’on a voulu baisser certains impôts, par exemple l’impôt sur le revenu, sous la présidence de Jacques Chirac, cette baisse a été plus que compensée par une augmentation des autres impôts et taxes, notamment sur le plan local et régional.
Bien loin des promesses de lendemains meilleurs, les résultats de cette politique laxiste et court-termiste sont sans appel. Tout d’abord, la croissance structurelle a fondu comme neige au soleil, passant de 2,5 % en 1990 à environ 1,5 % aujourd’hui. Ensuite, le taux de chômage structurel est resté élevé, aux alentours des 9,5 %, et ce en dépit du fort ralentissement de la population active qui aurait dû réduire mécaniquement ce taux. Enfin, le taux de pauvreté est passé de 12 % au début des années 2000 à 13,4 % en 2007 (dernier chiffre officiel publié) et autour des 14 % en 2009. Autrement dit, il y a aujourd’hui plus de 8 millions de personnes en France qui vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire qui ont un revenu inférieur à 900 euros par mois. A l’évidence, il n’est pas nécessaire d’être agrégé d’économie pour comprendre l’évidence : la politique d’augmentation des dépenses publiques et de la pression fiscale menée depuis plus de vingt ans est un échec.
Pourtant, en dépit de ce bon sens, les dirigeants politiques français persistent dans leur erreur et continuent de préconiser les mêmes mesures, en l’occurrence une augmentation des impôts. Or, au-delà de l’adage bien connu « trop d’impôts tue l’impôt », il est clair que, compte tenu d’une pression fiscale et réglementaire trop pesante, une nouvelle hausse de cette dernière engendrera de nombreuses délocalisations de capitaux, d’entreprises et de personnes. Il s’en suivra une baisse mécanique des recettes fiscales, donc plus de déficits publics et plus de dette.
Autant d’évolutions qui réduiront encore les recettes fiscales et accroîtront le poids des dépenses publiques par rapport au PIB, ce qui entraînera un nouveau dérapage des déficits publics… et le cercle pernicieux se terminera avec l’explosion sociétale du pays. En d’autres termes : augmenter les impôts après 2012 (et a fortiori avant) serait suicidaire pour l’économie et la société française.
Est-ce cela que nous souhaitons proposer à nos enfants ? Voulons-nous vraiment laisser végéter la croissance structurelle hexagonale autour des 1,5 % et le taux de chômage vers les 9,5 % ? Sommes-nous d’accord pour que
Alors Mesdames et Messieurs les dirigeants politiques, tous bords confondus, il serait donc grand temps d’arrêter la démagogie, l’irresponsabilité économique et le manque de courage politique.
Marc Touati
Quid de l’économie cette semaine ?
Croissance, emploi : l’Oncle Sam résiste.
Pour le deuxième vendredi consécutif, les statistiques américaines ont déjoué les objectifs « machiavéliques » du « Bear Market ». En effet, alors que ce dernier comptait la semaine dernière sur une forte révision baissière du PIB américain du deuxième trimestre et, cette semaine, sur de très fortes destructions d’emplois en août, ces deux funestes prévisions ont été invalidées par les faits.
L’Oncle Sam continue donc de résister au pessimisme ambiant.
Sans revenir sur les chiffres du PIB du deuxième trimestre (cf. notre weekly de la semaine dernière), l’enquête ISM dans l’industrie et, dans une moindre mesure, celle des services ont confirmé que la croissance allait bien rester appréciable au cours des prochains trimestres. Sans être flamboyante, elle devrait se stabiliser autour des 3 %.
L’industrie tire, mais les services empêchent la croissance de flamber.
Sources : BEA, ISM, Bloomberg
En attendant, le marché du travail continue, lui aussi, de faire preuve d’une résistance particulièrement salutaire.
Ainsi, alors que le consensus de marché s’attendait à 105 000 destructions d’emplois en août (10 000 pour notre part), celles-ci n’ont finalement été que de 54 000.
Mais surtout, les destructions de postes des deux mois précédents ont été révisées en nette baisse : 175 000 en juin et 54 000 en juillet, contre respectivement 221 000 et 131 000 annoncées précédemment, soit un écart de 123 000.
Cela signifie donc que si les chiffres des mois précédents n’avaient pas été modifiés, la job machine américaine aurait créé 69 000 (i.e. 123 000 – 54 000) emplois nets en août.
Confirmant cette embellie, le glissement annuel de l’emploi est repassé en terrain positif en juillet dernier et a atteint + 0,2 % en août, un plus haut depuis mars 2008.
L’emploi et le chômage sur la bonne voie.
Sources : BLS, Datastream
Dans le même temps, le taux de chômage a certes repris 0,1 point, mais avec un niveau de 9,6 %, il reste toujours bien inférieur à ses sommets d’octobre 2009 (en l’occurrence 10,1 %).
De plus, comme nous le soulignons depuis déjà quatre mois, il ne faut pas oublier que les statistiques du marché du travail ont été polluées par le recensement américain qui, après avoir créé des emplois publics massifs et temporaires en mai, ne cesse d’en détruire depuis, tout aussi artificiellement.
Aussi, pour contourner ces scories statistiques, le seul indicateur fiable du marché du travail réside dans l’évolution de l’emploi privé. Or, ce dernier a enregistré en août son huitième mois consécutif de hausse. Depuis le début 2010, le secteur privé a ainsi créé 763 000 emplois nets.
La croissance va encore réduire le chômage dans les prochains mois.
Sources : BEA, BLS, Datastream
Et ceci n’est pas terminé, dans la mesure où les perspectives d’emplois des dernières enquêtes ISM dans l’industrie montrent que la reprise de l’emploi va s’intensifier dans les prochains mois.
Avec un niveau de 60,4 en août, l’indice « emploi » de cette enquête atteint même un plus haut depuis décembre 1983. Autrement dit, les 27 000 destructions d’emplois enregistrées dans le secteur manufacturier en août devraient être largement corrigées à la hausse au cours des mois suivants.
Malheureusement, il n’en est pas de même de l’indice ISM « emploi » dans les services qui, après avoir atteint les 50,9 en juillet, est repassé sous la barre des 50 en août, à 48,2. Cela confirme que si l’industrie est bien à pied d’œuvre pour soutenir la croissance et l’emploi aux Etats-Unis, les services trainent encore la patte.
Pour autant, les salaires horaires et hebdomadaires ont continué d’augmenter en août (précisément de 0,3 % dans les deux cas), confirmant que les revenus et la consommation vont rester soutenus au moins jusqu’à la fin de l’année.
L’emploi euphorique dans l’industrie mais à la peine dans les services.
Sources : BLS, ISM, Bloomberg
N’en déplaise à certains et en dépit du ralentissement de l’activité dans les services, le cercle vertueux investissement-emploi-consommation s’est non seulement imposé outre-Atlantique mais est surtout en train de s’installer durablement.
Marc Touati
La météo économique de la semaine écoulée :
Les Marchés :
Franc suisse, Yen : même combat.
C’est l’un des grands paradoxes de l’année 2010 : en dépit de taux directeurs proches de 0 %, le franc suisse et le yen atteignent des sommets parfois historiques contre de nombreuses autres devises.
En dépit de taux directeurs historiquement bas, le franc suisse flambe.
Sources : Bloomberg, Datastream
Pour justifier une telle flambée, les explications ad hoc vont bon train : face aux risques de rechute de l’économie mondiale, les investisseurs cherchent des valeurs refuges, donc le franc suisse et le yen.
A l’instar de l’augmentation excessive des cours obligataires (cf. « Obligations d’Etat : la nouvelle bulle » dans notre weekly de la semaine dernière), cette appréciation ressemble de plus en plus à une bulle.
Le yen devient fou…
Sources : Bloomberg, Datastream
Car si l’on peut comprendre la recherche éperdue de valeur refuge de la part des investisseurs apeurés par le risque de « W », le franc suisse et le yen sont loin de constituer des protections à toute épreuve.
Tout d’abord, parce qu’avec des taux d’intérêt (donc des rendements) à court et long terme très bas, ces devises demeurent peu attrayantes.
Ensuite, parce que, compte tenu de leurs niveaux actuels