Actions, Taux longs, Etats-Unis, Allemagne : une rentrée chaude (E&S n°137)

 

Humeur :

Une rentrée chaude pour tout le monde.


Comme chaque année, la rentrée de septembre suscite toutes les inquiétudes. En effet, l’être humain est ainsi fait qu’il se pose en permanence des questions qui sont souvent sources d’appréhension. Ainsi, après le « break » de l’été, c’est traditionnellement le moment de remettre les pendules à l’heure et peut-être aussi de se remettre en question. Chacun s’interroge sur son avenir personnel et professionnel, mais aussi sur celui de l’environnement économique et financier. Face à ces inconnues, deux comportements sont possibles : soit l’enthousiasme du renouveau, soit la crainte d’un avenir difficile. Depuis trois ans et le début de la crise, il faut malheureusement reconnaître que c’est plutôt le second sentiment qui prédomine. Et ce, tant pour les Etats que pour les marchés, les entreprises ou encore les particuliers.

Cette année se situe peut-être encore un degré au-dessus sur l’échelle des inquiétudes, dans la mesure où après quasiment trois années de vaches maigres, les acteurs économiques de la planète se sont mis à croire à la reprise. Dès lors, une nouvelle déception pourrait replonger le monde économico-financier dans un accès de pessimisme auto-entretenu duquel il sera particulièrement difficile de sortir.

C’est sur ce retour en force du défaitisme que tablent les « Bearish » pour prendre leur revanche. En effet, après deux ans d’erreurs liées à un excès de pessimisme, les Cassandre ont repris du poil de la bête grâce à la crise grecque et ont retrouvé des ailes depuis la publication d’indicateurs faisant état du ralentissement de la croissance aux Etats-Unis et dans la zone euro. Dès lors, alors qu’il s’était fait oublié depuis plus d’un an, le spectre de la debt deflation est revenu hanter les esprits.

Le scénario du pire est malheureusement « bête et méchant » : en dépit des efforts de relance, les économies occidentales n’ont pas retrouvé durablement le chemin de la croissance et vont rapidement sombrer dans une nouvelle récession. Or, les marges de manœuvre budgétaires et monétaires ayant été épuisées, il ne sera plus possible de soutenir la machine économique qui s’installera donc dans une phase de longue déflation à la japonaise. Face à ce marasme, une grave crise sociale s’imposera rapidement, avec montée de l’insécurité et du banditisme à la clé. Pour essayer de stopper l’hémorragie, de nombreux pays laisseront alors filer encore leurs déficits budgétaires, arguant de la faiblesse des taux d’intérêt des obligations d’Etat.

Et c’est là que le piège se referme. Car, à l’image de la situation grecque, les investisseurs finiront par dire « non » au laxisme budgétaire, ce qui générera une subite flambée des taux d’intérêt des bons du Trésor, donc un krach obligataire massif pour les pays qui n’auront pas respecté un minimum de retenue. Parmi ceux-ci, il y aura notamment les pays du Sud de l’Europe et surtout la France, qui constitue, après l’Allemagne, le deuxième pilier de la zone euro. La crise redoublera alors d’intensité, devenant incontrôlable. Devant un tel drame et face à l’incapacité des gouvernements en place à redresser la barre, les populations commenceront à se révolter et la zone euro finira par éclater. Parachevant ce cataclysme, des situations de guérillas urbaines, voire de guerres civiles se multiplieront, si bien que seule l’armée pourra rétablir l’ordre.

Ouah ! A présent, réveillez-vous ! il ne s’agissait là que d’un cauchemar, qui constitue pourtant un rêve pour les Cassandre qui sévissent à travers la planète et en particulier dans l’Hexagone.

Certes, il ne faut pas non plus se voiler la face : ce scénario catastrophe est possible. Toutefois, il devrait encore être évité cette année. En effet, les craintes d’un « W » américain sont amplement exagérées. En fait, après la forte reprise de la fin 2009 et du début 2010, les Etats-Unis connaissent simplement un ralentissement logique. Il n’y a donc absolument pas de quoi paniquer. De même, si l’emploi reste encore décevant, il ne faut pas oublier que l’évolution de ce dernier est traditionnellement un indicateur retardé de l’activité. D’ailleurs, celui-ci a déjà redémarré au printemps et, après une pause estivale, devrait nettement progresser dans les prochains mois. Il ne s’agit donc que d’une question de temps.

Le seul bémol réside dans le fait que les investisseurs ne savent plus prendre le temps. D’où une fuite en avant perpétuelle qui fait que les marchés continueront de pratiquer le « stop and go ». En d’autres termes, ils continueront de passer d’une crainte de récession à un espoir de reprise durable en quelques jours. La volatilité restera donc particulièrement forte, mais la tendance demeurera haussière sur les marchés actions.

Après une rentrée chaude et difficile un peu partout à travers le monde tant sur le plan économico-financier que d’un point de vue social (notamment en France), l’automne et la fin 2010 devraient plutôt nous réserver de bonnes surprises. Les mouvements de baisse boursière doivent donc être appréhendés comme des phases d’opportunités qu’il ne faut surtout pas rater. Parallèlement, ceux qui resteront scotchés au pessimisme et n’investiront que dans des obligations d’Etat risquent de se réveiller avec la gueule de bois dans les prochains mois, c’est-à-dire lorsque les taux obligataires auront retrouvé des niveaux plus normaux, donc largement au-dessus des planchers actuels.

C’est d’ailleurs certainement là que se situe le véritable challenge de la rentrée : arrêter de suivre bêtement le consensus en ne regardant pas plus loin que le bout de son nez pour préférer se tourner vers l’avenir et investir sur un horizon élargi, tant d’un point de vue temporel que géographique et sectoriel. C’est tout le mal que nous pouvons vous souhaiter pour cette rentrée, qui sera donc mouvementée mais pleine d’opportunités.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Croissance : l’Oncle Sam défie encore les Cassandre.


Pendant quelques heures, le vendredi 27 août, un vent d’inquiétude a soufflé sur les marchés : et si la croissance américaine du deuxième trimestre était révisée en forte baisse, voire transformée en une variation négative ?

Le simple fait d’imaginer une telle révision a donné des sueurs froides aux tenants de la résistance américaine et a fait pousser des ailes aux Cassandre.

Mais, finalement, comme cela s’observe depuis un an, l’Oncle Sam a encore déçu les « Bearish ». Ainsi, même si la révision de la croissance a été baissière, elle est loin d’être si catastrophique qu’annoncé : le PIB des Etats-Unis a donc crû de 1,6 % en rythme annualisé au deuxième trimestre, contre 2,4 % estimé précédemment.

Avec un glissement annuel de 3 %, le PIB américain continue de faire preuve d’un dynamisme appréciable.

Au-delà de ces deux chiffres, les nouveaux comptes nationaux du deuxième trimestre ont révélé de nombreuses évolutions assez positives.

La reprise américaine se poursuit, grâce à la consommation…

Sources : BEA, Datastream

Tout d’abord, la progression de la consommation des ménages a été révisée en hausse à 2 %, contre 1,6 % annoncé initialement.

Ensuite, il en a été de même pour l’augmentation de l’investissement des entreprises, qui passe de 21,9 % à 24,9 %. Autrement dit, la relance budgétaire est bien en train de se répandre aux moteurs privés.

De quoi confirmer également que le cercle vertueux investissement-emploi-consommation s’installe progressivement mais sûrement outre-Atlantique.


… et surtout par l’investissement.

Sources : BEA, Datastream

Par ailleurs, même si elle reste élevée, la formation de stocks a été révisée en baisse (de 75,7 à 63,2 milliards de dollars 2005). Sa contribution à la croissance est ainsi passée de 1,1 point en première estimation à 0,6 point dorénavant.

Enfin et surtout, il faut noter que la croissance américaine s’est prolongée au deuxième trimestre en dépit d’une contribution fortement négative du commerce extérieur. Au gré d’une hausse des importations de 32,4 % et d’une progression des exportations de seulement 9,1 %, les échanges commerciaux ont ainsi enlevé 3,37 points à la croissance. Cela signifie donc qu’en retirant cette contribution exceptionnellement négative, la croissance américaine a frôlé les 5 % au deuxième trimestre. Pas mal, pour une économie parfois présentée comme moribonde…

Dans la mesure où cette contribution avait déjà été de      – 2,8 % au premier trimestre et où la reprise de l’investissement va commencer à profiter davantage à l’économie nationale, il faut s’attendre à une correction favorable au cours des prochains trimestres.

Selon nos estimations, la progression du PIB devrait avoisiner les 4 % en rythme annualisé dès le troisième trimestre et autour des 3 % au quatrième.

Disposant d’ores et déjà d’un acquis de 2,3 % au sortir du deuxième trimestre, la croissance américaine devrait donc atteindre sans difficulté les 3 % sur l’ensemble de l’année 2010.

Et ce d’autant qu’en dépit des craintes toujours véhiculées ici ou là, l’emploi devrait reprendre de l’allant dans les prochains mois et entériner définitivement la sortie de crise. Il faut simplement savoir être patient et ne pas paniquer à la moindre sirène des Cassandre.

 

Marc Touati

 



Germany is back.


Et si l’Allemagne retrouvait sa place de champion européen de la croissance ? En effet, après dix ans de faiblesse économique et de sacrifices douloureux, les Allemands commencent enfin à récolter les fruits de leurs réformes draconiennes.

Ainsi, après avoir enregistré une croissance annuelle moyenne de seulement 1,2 % de 2001 à 2008, puis avoir fortement pâti de la crise mondiale de 2009 (avec un plongeon de son PIB de 6,6 % entre le premier trimestre 2008 et le premier de 2009), l’économie allemande semble sur le point de rattraper son retard.

C’est du moins ce que confirment les comptes nationaux du deuxième trimestre et la dernière enquête IFO d’août.

Certes, le record historique d’une progression du PIB allemand de 2,2 % au deuxième trimestre était déjà connu depuis une dizaine de jours. Toujours est-il qu’avec un glissement annuel de son PIB de 3,7 %, l’Allemagne est actuellement au top de la croissance des pays développés.

L’Allemagne retrouve le premier rang.

Sources : BEA, BoJ, Bundesbank, Bloomberg

De plus, le détail des moteurs de ce dynamisme a de quoi surprendre positivement. En effet, si, à l’instar de ce qui s’est observé pour la croissance française, il était possible de penser que l’essentiel de la croissance allemande du deuxième proviendrait des stocks, il n’en a rien été.

Ainsi, la contribution de la formation de stocks à la progression du PIB n’a été que de 0,1 point. Un résultat identique s’observe également pour la consommation publique. Autrement dit, la croissance allemande du deuxième trimestre n’est ni due à la perfusion publique ni à une formation de stock pléthorique.

Non, ce dynamisme s’explique avant tout par le commerce extérieur, l’investissement des entreprises et la consommation des ménages, dont les contributions à la croissance ont été de respectivement 0,8, 0,8 et 0,3 point.


L’investissement et la consommation redémarrent enfin.

Sources : Bundesbank, Bloomberg, Datastream

Autant d’évolutions qui montrent qu’un cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation est bien en train de se mettre en place outre-Rhin.

Mieux, alors que certains auraient pu penser qu’après une telle vigueur, un fort ralentissement se dessinait pour la suite de l’année, il n’en est rien. C’est du moins ce qu’a indiqué la nouvelle augmentation de l’indice IFO du climat des affaires de l’industrie allemande en août.

Déjà 3,7 % de croissance et ce n’est pas terminé…

Sources : Bundesbank, Bloomberg, Datastream

En atteignant un niveau de 106,7 en août, cet indicateur avancé de la croissance indique ainsi que le glissement annuel du PIB allemand pourrait encore augmenter et atteindre 4 % au cours des prochains trimestres.

Et même si l’indice des perspectives de cette même enquête IFO recule en août, il ne perd que 0,4 point et ce, par rapport au sommet historique de juillet dernier. Avec un niveau de 105,2, il reste donc toujours largement en phase avec une croissance allemande d’environ 4 %.

 

 

 

En dépit d’une légère baisse, les perspectives de l’enquête IFO restent exceptionnellement bonnes.

Sources : Bundesbank, Bloomberg, Datastream

Compte tenu d’un acquis qui atteint déjà 2,8 % au sortir du deuxième trimestre, la croissance pourrait donc dépasser les 3 % en moyenne sur l’ensemble de l’année 2010. L’Allemagne pourrait peut-être même se payer le luxe de réaliser la meilleure performance des pays développés, juste devant les Etats-Unis.