Zone Euro, Allemagne, France : une croissance en trompe l’oeil ? (E&S n°135)

 

Humeur :

Croissance française : attention à l’arbre qui cache la forêt.


Dans la torpeur de l’été maussade, l’augmentation de 0,6 % du PIB français au deuxième trimestre a vraisemblablement de quoi redonner le sourire. Madame Lagarde parle même d’une croissance « magnifique ». Une fois encore, elle remplit donc parfaitement son rôle d’ambassadrice de la bonne santé économique française, en vraie championne du marketing, et comme elle le fait avec le sourire, on ne peut pas l’en blâmer.

Pour autant, même si nous sommes loin de sombrer dans le pessimisme invétéré (nous étions d’ailleurs parmi les rares à annoncer il y a plus d’un an la petite reprise de l’économie française et européenne pour la fin 2009 et le début 2010), il est également de notre devoir de dire la vérité et, dans le cas présent, de souligner la fragilité de la reprise française.

Certes, le rebond du deuxième trimestre constitue une « bonne nouvelle ». Et ce, d’autant que cette augmentation s’explique en partie par une progression de 0,4 % de la consommation des ménages, qui efface donc la stagnation du premier trimestre. En outre, après huit trimestres consécutifs de baisse, l’investissement a enfin retrouvé le chemin de la hausse. Celui des entreprises a ainsi augmenté de 1,1 % et celui des ménages de 0,1 %.

Cependant, à l’instar du ciel parisien qui ne laisse percer le soleil que quelques minutes par jour pour finalement se laisser envahir par les nuages, les bonnes nouvelles des comptes nationaux du deuxième trimestre s’arrêtent là. Ainsi, même si la remontée de l’investissement reste sans conteste une bonne nouvelle, elle demeure très limitée par rapport au plongeon des trimestres précédents, à savoir – 12,5 % pour l’investissement des entreprises et – 14,3 % pour celui des ménages. Autrement dit, au rythme actuel de la reprise, l’investissement hexagonal mettra environ cinq ans avant de retrouver son niveau d’avant crise.

Un rebond correctif et limité.

De plus, il faut également souligner que l’augmentation de la consommation et celle de l’investissement ont été largement absorbées par la flambée de 4,2 % des importations. Cela signifie donc que la petite reprise hexagonale profite pour le moment davantage à nos partenaires internationaux. A l’inverse, en dépit du fort redémarrage de la croissance mondiale, les exportations françaises n’ont progressé que de 2,7 % au deuxième trimestre. Dans ce cadre, le commerce extérieur a retiré 0,4 point à la progression du PIB français.

Et c’est là que s’écroule définitivement l’arbre qui cache la forêt de l’apparente bonne performance du PIB hexagonal du deuxième trimestre. En effet, la progression de ce dernier s’explique exclusivement par la forte remontée des stocks, qui lui ont apporté 0,6 point. Ainsi, hors stocks, le PIB français a enregistré une croissance zéro au deuxième trimestre ! A l’évidence, il n’y a donc pas de quoi pavoiser.

Et ce d’autant que pour les prochains trimestres, la consommation des ménages semble marquer le pas, que la reprise de l’investissement demeure très fragile et que la remontée de l’euro pourrait peser négativement sur notre commerce extérieur. Dans ce cadre, un ralentissement de la croissance devrait s’observer au cours du second semestre 2010.

Dès lors, même si l’acquis de croissance pour cette année atteint déjà 1,2 %, une performance annuelle inférieure à 2 % devrait s’observer. Selon nos estimations, cette croissance atteindra environ 1,7 %. Ce qui n’est donc pas si mal, mais reste très loin d’un fort rebond. Faute de grives, on mange des merles…

 

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Zone euro : une croissance tirée par l’Allemagne, mais qui reste fragile.


1 %. Tel est le niveau de la croissance eurolandaise atteint au deuxième trimestre 2010. Du jamais vu depuis le 1,1 % du deuxième trimestre 2006. Si la nouvelle a évidemment de quoi satisfaire, elle est cependant loin d’être euphorique. En effet, après cinq trimestres consécutifs de baisse en 2008-2009, puis trois trimestres de croissance molle, le rebond du printemps 2010 apparaît finalement logique et surtout tardif.

D’ailleurs, en dépit de ce réveil, le PIB eurolandais reste encore inférieur de 3,6 % par rapport à son niveau du premier trimestre 2008. Autrement dit, l’économie eurolandaise a encore un long chemin à parcourir avant de retrouver son état d’avant-crise.

En dépit de son rebond, le PIB eurolandais reste encore loin de ses niveaux d’avant-crise.

Sources : BEA, Eurostat, Datastream

De plus, avec un niveau de 1,7 %, le glissement annuel eurolandais enregistre certes une forte remontée par rapport aux – 5 % du deuxième trimestre 2009, mais reste encore bien loin des 3,2 % observés outre-Atlantique ou des 4,7 % réalisés au Japon (au premier trimestre).

La zone euro toujours à la traîne de la croissance mondiale.

 Sources : BEA, Eurostat, BoJ, Datastream

En outre, il faut aussi souligner que cette reprise éclair est principalement due à l’impressionnant rebond du PIB allemand : + 2,2 % sur le seul deuxième trimestre, un record absolu depuis la réunification allemande. Si nous n’avons pas encore le détail des comptes nationaux germaniques, il est fort probable qu’à l’instar de la France (cf. L’humeur), cette exceptionnelle performance soit le fruit d’une forte contribution positive des stocks, donc d’un phénomène de rattrapage non-extrapolable.

L’Allemagne loin devant.

Sources : Bundesbank, Eurostat, INSEE, Datastream

A la différence de la France, nos voisins allemands bénéficient néanmoins d’une forte compétitivité de leurs exportations qui leur permet de profiter à plein de la reprise mondiale. Parallèlement, Ils commencent également à enregistrer les fruits de leurs réformes structurelles menées depuis une dizaine d’années.

Ces deux avantages, qui font malheureusement défaut dans la plupart des pays eurolandais, expliquent pourquoi l’Allemagne se détache nettement de ses voisins en termes de croissance. Cependant, restons sur terre : la baisse de la population allemande continuera de limiter la croissance structurelle de l’Allemagne qui connaîtra donc un ralentissement au cours des prochains trimestres, entraînant dans son sillage l’ensemble de la zone euro.

D’ores et déjà et en dépit de la bonne santé allemande, les autres pays eurolandais continuent de faire grise mine. Certes, avec une croissance de 0,9 %, les Pays-Bas et l’Autriche continuent de suivre à la trace leur grand frère germanique, suivis de près par la Belgique avec 0,7 %.

En revanche, l’Espagne, l’Italie et le Portugal restent engoncés dans la mollesse économique, avec une croissance de respectivement 0,2 %, 0,4 % et 0,2 %. Si le glissement annuel des PIB italien et portugais repasse au-dessus de 1 % (à 1,1 % et 1,4 % précisément), celui du PIB espagnol reste en territoire négatif, avec un piètre        – 0,2 %. Cela fait désormais sept trimestres que ce dernier n’a plus été positif.

Le Sud peine à remonter la pente…

Sources : Eurostat, Bloomberg

Une fois encore, la Grèce ferme la marche, avec une baisse de 1,5 % de son PIB sur le seul deuxième trimestre. Il s’agit là de son septième trimestre consécutif de repli, soit un plongeon total de 4,2 %, du jamais vu depuis que la statistique grecque existe.


La Grèce s’enfonce encore…

Sources : Eurostat, Bloomberg

En conclusion, même si l’augmentation du PIB eurolandais de 1 % au deuxième trimestre constitue une nouvelle appréciable, elle ne doit pas faire oublier que la croissance de la zone euro demeure très fragile. De la sorte, elle ne résisterait pas à toute nouvelle contrariété telle qu’une remontée forte et durable de l’euro/dollar ou encore un resserrement monétaire hâtif. La prudence doit donc rester de mise de manière à éviter la rechute.

Marc Touati

 

 

 



La météo économique de la semaine écoulée :


 

 

 


Calendrier complet des statistiques et évènements de la semaine :

Etats-Unis, Japon : Bonnes tendances.

 

Nos prévisions économiques et financières pour 2010-2011.

 Pour visualiser les tableaux et graphiques, merci de consulter le fichier pdf.