Retraite, Taux longs européens, Fed : la pression monte

 

Humeur :

Retraite en France : Travailler plus pour gagner moins ?


Après vingt ans de tergiversations, d’occasions manquées et de réformes avortées, la France a enfin décidé de regarder la réalité en face en matière de financement des retraites. Du moins en apparence. Ainsi, d’ici 2020, pour avoir accès à une pension de retraite complète, il faudra cotiser 41,5 années. Dans la mesure où l’âge moyen d’entrée dans la vie active s’élèvera à 22 ans, le fameux verrou, pour ne pas dire tabou, de la retraite à 60 ans est donc bien en train de sauter. Néanmoins, pour ne pas fâcher outre-mesure, l’âge légal de départ à la retraite sera porté à 62 ans d’ici 2018 (et non 63 comme cela aurait été plus logique). Les mauvaises langues diront que cette évolution, pourtant indispensable, n’est qu’une nouvelle manifestation du non-respect des promesses formulées par Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait effectivement déclaré à plusieurs reprises qu’il ne toucherait pas à la retraite à 60 ans.

Mais comme disait Charles Pasqua il y a déjà bien longtemps « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». La question est simplement de savoir qui pouvait croire qu’en dépit de l’allongement de la durée de vie et de l’arrivée du papy boom, il serait possible de maintenir la retraite à 60 ans dans l’Hexagone. Et ce d’autant que la France restait l’un des derniers pays au monde à refuser cette réalité. A tel point qu’elle était devenue le dernier pays de l’OCDE, avec la Corée du Sud, à maintenir l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans. A titre de comparaison, cette limite est de 65 ans dans la quasi-totalité des pays européens (certains maintenant néanmoins la barre des 60 ans pour les femmes). La situation hexagonale devenait d’autant plus surréaliste, qu’après avoir atteint 59 ans en 2005, l’âge moyen de départ à la retraite n’a cessé d’augmenter depuis, pour atteindre les 61,52 ans en 2009 selon les chiffres officiels de la CNAV-Assurance Retraite. Autrement dit, à quoi bon s’arque-bouter sur un principe qui n’existe déjà plus dans les faits ? On retrouve bien là le « dogmatisme à la française » qui, bien loin de la réalité économique, s’obstine sur des idéaux passés et dépassés.

A contrario et même si elle n’a pas encore été votée, la réforme des retraites montre également que lorsqu’ils sont mis au pied du mur, nos dirigeants politiques savent mettre en place de véritables modifications structurelles. Car, ne nous leurrons pas, si la France a engagé cette réforme c’est surtout parce qu’elle n’avait pas le choix : un refus de changer la donne aurait immanquablement entraîné une dégradation de la note de la dette publique française. Pour autant, ne crions pas victoire trop vite. Tout d’abord, parce que la réforme n’a pas encore été entérinée. On se souvient de l’épisode fâcheux du CPE qui, bien que voté, avait ensuite été retiré par manque de soutien populaire et politique. De plus, la réforme de la retraite peut encore être amendée et vidée de sa substance, voire refusée par le Conseil Constitutionnel.

Mais, au-delà de ces « tracasseries administratives » traditionnelles dans l’Hexagone, le vrai problème de la nouvelle retraite à la française réside dans le fait qu’elle repose encore sur des hypothèses très optimistes. En l’occurrence, un taux de chômage durablement compris entre 4,5 % et 7 % à partir de 2015. Si « impossible » n’est pas français, il faut néanmoins reconnaître qu’une telle perspective paraît difficilement envisageable. Non seulement, parce qu’avec un niveau actuel de 10 %, il sera très ardu de descendre sous les 7 % même en 2015. Mais surtout, parce qu’en admettant qu’un tel miracle se produise, il est particulièrement hasardeux d’imaginer que la France puisse connaître un taux de chômage de 4,5 % indéfiniment. Cette croyance aux miracles n’est d’ailleurs pas nouvelle puisqu’elle constituait déjà la base de la loi de financement des retraites établi en 2002 par un certain François Fillon, à l’époque Ministre du Travail. La conséquence de cet excès d’optimisme est désormais connue, puisque moins de huit ans après, il a fallu « pondre » une nouvelle loi pour régler le problème de la retraite par répartition. Il ne faudra donc pas s’étonner si, dans quelques années, une nouvelle réforme des retraites vient empoisonner la vie de nos futurs dirigeants.

C’est d’ailleurs là l’autre grand problème de la réforme des retraites. Car, en plus de contredire la promesse de Nicolas Sarkozy de ne pas toucher à la retraite à 60 ans, elle met également à mal son principal slogan de campagne : « travailler plus, pour gagner plus ». Si le premier volet de ce slogan est certes respecté, le second risque d’être légèrement modifié, en remplaçant « plus » par « moins ». Et pour cause : les Français devront cotiser plus longtemps pour récupérer proportionnellement une retraite moindre. Cette remarque ne signifie évidemment pas qu’il ne fallait pas engager la réforme de la retraite, mais que cette dernière doit faire partie d’une transformation beaucoup plus profonde, que certains appelaient il y a encore quelques temps : la « rupture ». Cette dernière devait à la fois passer par une baisse massive de la pression fiscale et réglementaire, notamment sur le marché du travail, mais auss par une baisse des dépenses publiques de fonctionnement. Ces évolutions sont indispensables pour augmenter la croissance structurelle de la France, donc pour accroître l’emploi et le niveau de vie.

A l’inverse, si ces mesures ne sont pas prises, la croissance restera molle et le taux de chômage élevé, ce qui empêchera les prévisions optimistes du cadrage financier de la réforme des retraites de se réaliser. Et ce d’autant que si l’activité reste moribonde, il sera de plus en plus difficile pour les entreprises de continuer à embaucher des personnes au-delà de 60 ans, donc de plus en plus ardu pour ces dernières de remplir leurs annuités de cotisations, donc de percevoir des retraites complètes… Nous touchons malheureusement là un vieux travers de la politique française : par peur de bousculer les habitudes, les dirigeants du pays ont pris l’habitude de limiter leurs réformes et de résoudre les difficultés de l’économie française par petites touches ou plutôt par le petit bout de la lorgnette. Moyennant quoi, ils deviennent souvent impopulaires tant pour ceux qui les ont élu que pour ceux qui ont voté contre eux. En d’autres termes, ils perdent sur les deux tableaux : ils n’ont pas suffisamment modernisé le pays et ils deviennent impopulaires.

Voilà pourquoi, la seule voie possible est d’engager une rupture massive. L’impopularité sera peut-être temporairement au rendez-vous, mais en échange, le pays pourra repartir sur des bases saines avec une croissance forte et un emploi dynamique. La France a donc raté le coche en 2002 et en 2007, elle n’aura plus le droit d’échouer en 2012.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Etats-Unis: autour des 3,5 % de croissance en 2010.


La croissance est bien de retour aux Etats-Unis et la reprise ne fait que commencer.

Ainsi après une correction logique en février (-0.1%) faisant suite à sept mois consécutifs de hausse, la production industrielle américaine a confirmé son rebond pour afficher une progression de 1,2 % en mai, soit un glissement annuel à 7,6 % c’est à dire un plus haut depuis janvier 1998. Notons que cette performance est principalement due à une hausse de 4,8 % de la production dans le service public. Parallèlement, la production manufacturière a progressé de 0,9 % en mai tirée par une hausse de 5,5% de la production de pièces détachées dans le secteur automobile. Son glissement annuel atteignant quant à lui 7,9 %.

 

La reprise industrielle va monter en puissance.

      Sources : ISM, Federal Reserve, Datastream

De surcroît, comme l’indique le graphique ci dessus, l’indice «production» de l’enquête ISM des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière nous montre que la progression de la production industrielle américaine devrait monter en puissance dans les prochains mois.

Dans ce cadre le taux d’utilisation des capacités de production a logiquement progressé de 73,7 % en avril à 74,7 % en mai, soit un plus haut depuis octobre 2008.

 

Par ailleurs s’il est bien sorti de la crise, le secteur de la construction reste fragile.

En effet, après avoir franchi la barre des 600 000 en rythme annualisé en janvier, les mises en chantier qui avaient progressé de 3,9% en avril à 659 000 ont chuté de 10% en mai à 593 000. Néanmoins, depuis leur plancher d’avril 2009 à 477 000, elles ont progressé de 24 %, confirmant que la reprise est bien là.


Immobilier : la reprise reste fragile

                        Sources : BEA,Census Bureau,Datastream

Parallèlement les permis de construire (un indicateur avancé des mises en chantier) qui avaient déjà régressé de 10,9% en avril à 610 000, ont décliné de 5.9% pour tomber à 574 000 en mai. Cependant la tendance est bien là et les permis de construire qui ont augmenté de 4,6 % au premier trimestre devraient retrouver le chemin de la petite hausse dans les prochains mois.

D’autre part, en dépit des risques annoncés par beaucoup, nous restons bien loin de tout dérapage inflationniste aux Etats-Unis.

Ainsi, tirés par la baisse des prix énergétiques, les prix à la production qui avaient déjà régressé de 0,1 % en avril ont affiché une baisse de 0,3 % en mai, soit un glissement annuel de 5,3 %. Hors énergie et produits alimentaires, les prix à la production n’ont progressé que de 0,2 % sur un mois et de 1,3 % sur un an. L’hyperinflation n’est donc pas d’actualité.

 

Les prix à la production restent largement sous contrôle.

               Sources : Bureau of Labor statistics, Datastream

Ce mouvement s’observe d’ailleurs au niveau des prix à la consommation. Ainsi, après avoir régressé en avril pour la première fois depuis mars 2009 (-0,1 %), ces derniers ont reculé de 0,2 % en mai, tirés par la baisse des prix énergétiques. Le glissement annuel quant lui à passe de 2,2% en avril, à 2 % en mai confirmant le recul de l’inflation aux Etats-Unis. Enfin, hors énergie et produits alimentaires, le glissement annuel des prix à la consommation qui n’était que de 0,9 % en avril (soit un plus bas depuis 44 ans) s’est stabilisé à ce niveau en mai.

 

L’inflation continue de baisser

Sources : BLS, Datastream


Pour l’année 2010 nos prévisions pour l’économie américaine sont donc les suivantes : une croissance économique autour des 3,5 %, une inflation inférieure à 2,5%, et un taux de chômage de 9,5%.

 

Jérôme Boué

 

 



La météo économique de la semaine écoulée :

 

 


 

Les Marchés :

Taux obligataires eurolandais : l’Allemagne creuse l’écart.


Avec l’annonce du plan de sauvetage de l’UEM de 750 milliards d’euros le 10 mai dernier, la pression sur les dettes souveraines eurolandaises s’était quelque peu apaisée. Malheureusement, la piètre crédibilité des plans de rigueur des pays du Sud et leur faible capacité à retrouver rapidement le chemin d’une croissance soutenue ont relancé l’élargissement des spreads de taux d’intérêt obligataires vis-à-vis de l’Allemagne.

Ainsi, en un mois, le spread grec est passé de 4,80 à 6,66 points pour les taux à dix ans. Même si les sommets d’avant le plan de sauvetage (en l’occurrence 9,65 points le 7 mai) ne sont pas atteints, cette remontée a de quoi interpeller. Et ce d’autant que, même s’il ne retrouve pas le pic de 12 % de début mai; le taux à dix ans grec est tout de même de quasiment 10 %. Encore plus troublant, le taux deux ans, qui est certes très loin du sommet surréaliste de 18 % de début mai, est également proche de 10 %.

Les taux à deux et dix ans de l’Etat grec reviennent vers les 10 %.

Source : Bloomberg

Et pourtant, avec le plan de sauvetage et les achats de bons du Trésor hellénique par la BCE, l’Etat grec devrait être exempt de faire appel aux marchés pour financer l’essentiel de sa dette pendant au moins dix-huit mois…

Le spread de taux espagnol sur un sommet historique.

Source : Bloomberg

Parallèlement, les spreads ont augmenté de 0,4 point pour l’Italie et de 1,1 point pour l’Espagne. Certes, le spread italien n’est plus que de 1,4 point, après un sommet de 1,8 point début juin. En revanche, dans le sillage des inquiétudes sur les caisses d’épargne espagnoles et sur les difficultés du gouvernement Zapatero à assainir les finances publiques, le spread espagnol atteint désormais 2,2 points. Un sommet historique, du moins depuis la création de la zone euro !

Pis, même si de tels écarts apparaissent encore loin, le spread de taux dix ans de la dette publique française par rapport à celui de la dette allemande revient dangereusement vers les 0,5 point. Il n’est donc plus très loin du sommet de 0,6 point atteint début 2009. Et pourtant, la dette publique française est toujours notée AAA…