Croissance 2011, Euro/dollar, inflation : Don’t worry ! (E&S n°130)

 

Humeur :

Perspectives 2010-2011 : Arrêtons d’avoir peur.


C’est malheureusement une triste réalité : la peur domine le monde. En effet, lorsqu’un individu, une entreprise ou encore un pays ont peur, ils sont paralysés et n’ont même plus la force d’aller vers l’avant. Autrement dit, ils n’ont plus aucune chance de gagner. A l’inverse, celui qui suscite la peur est quasiment assuré de l’emporter. C’est là l’une des raisons principales pour lesquelles, il est souvent avancé que le pessimiste est généralement un optimiste qui serait devenu réaliste, ou encore que le Bear market a plus de chance de s’imposer que le Bull Market. Et pour cause : en instillant la peur, le pessimisme et le Bear market ont automatiquement tendance à devenir auto-réalisateurs.

Pour autant, si ce cas de figure se réalise régulièrement, il est loin d’être inévitable. L’histoire économique nous en a souvent fourni la preuve. Sans remonter aux calendes grecques, les évolutions économiques et financières des dix dernières années sont particulièrement éloquentes. Ainsi, fin 2001, au lendemain des attentats du 11 septembre et un an après le début du krach Internet, qui osait imaginer un redémarrage de la croissance mondiale dès 2002-2003 ? De surcroît, dès la fin 2002, la perspective de la guerre en Irak semblait donner crédit à un scénario en W. Ainsi, en dépit de leur erreur manifeste de prévision selon laquelle la récession mondiale durerait plusieurs années, les Cassandre profitèrent de cette nouvelle guerre et des peurs qu’elle allait engendrer pour revenir sur le devant de la scène. Pourtant, en particulier grâce au monde émergent, qui, lui, n’a pas le temps d’avoir peur, et aussi grâce à la volonté effrénée de l’Oncle Sam de redémarrer et de tourner le dos au défaitisme, ce scénario funeste a été évité. Dès lors, la croissance mondiale a pu retrouver un niveau de 5 % de 2004 à 2006, soit 1,5 point de plus que son niveau moyen observé depuis les années 70. Autrement dit, par peur du W et à l’instar du boulimique qui a peur de ne pas arriver à se rassasier, les dirigeants politiques et monétaires de la planète, en particulier aux Etats-Unis, ont été trop loin. Seulement voilà, une fois que le boulimique a trop mangé, il finit souvent par vomir ses excès. C’est exactement ce qui s’est passé de 2007 à 2009, avec la crise des subprimes, puis le krach boursier et la récession mondiale.

A tel point que la peur s’est de nouveau généralisée, entraînant le monde dans un pessimisme irraisonné qui amenait même le FMI à annoncer une baisse du PIB mondial de 5 % tant en 2009 qu’en 2010. Et ce, alors que la relance budgétaire internationale représentait plus de 9 % du PIB mondial et que les taux d’intérêt monétaires étaient drastiquement abaissés à travers la planète. Grâce à ces « antidépresseurs » et aussi grâce à la résistance des pays émergents, qui n’ont toujours pas le temps d’avoir peur, le règne de l’effroi et de la fin du monde imminente a donc été vaincu. Malheureusement, c’était sans compter les déboires de la zone la plus inquiète du monde et, par là même, la moins encline à investir et à faire de la croissance. En l’occurrence, la zone euro. Ainsi, à l’instar, de la guerre en Irak en 2003, la crise grecque a relancé le Bear Market et a donné un nouveau crédit au scénario du W. Le problème est que si les Américains et les pays émergents réussissent généralement à lutter contre la peur, cette dernière constitue une seconde nature pour les Européens. D’où la très rapide et très facile généralisation des scénarios « catastrophe » : explosion de la zone euro, nouvelle crise bancaire, contagion à l’ensemble de la planète… Bref, les Cassandre ont encore de beaux jours devant elles.

Cependant, comme cela a pu s’observer en 2002 et en 2009, c’est lorsque l’on est trop sûr de gagner que la défaite pointe le bout de son nez. Ainsi, à nouveau arrogants, les Bearish oublient que l’économie reprend toujours le dessus. Ainsi, avec une croissance mondiale de 4 % en 2010, le pessimisme n’a aucune raison de l’emporter. Et ce d’autant qu’une performance quasiment identique devrait être enregistrée en 2011. En effet, avec un baril de brut stabilisé entre 70 et 80 dollars, avec des taux d’intérêt durablement bas (en dépit d’une inévitable remontée progressive d’ici l’automne aux Etats-Unis) et grâce au mouvement de réinvestissement mondial, la croissance du PIB de la planète devrait au moins avoisiner les 3,8 % en 2011, c’est-à-dire exactement son niveau moyen depuis plus de trente ans. Autrement dit, la tentation boulimique des années 2004-2006 devrait être évitée.

Quant à la zone euro, pas de panique. Tout d’abord, il ne faut pas oublier qu’elle ne représente plus que 14 % du PIB mondial, contre 13 % pour la Chine (les PIB étant mesurés en parités de pouvoir d’achat). Sa croissance molle n’aura donc pas de conséquences dramatiques. Ensuite, grâce à la baisse de l’euro, le PIB eurolandais devrait croître d’environ 2,3 % en 2011, soit presque 1 point de plus que le niveau de sa croissance structurelle. Enfin, avec une inflation de 2 %, la variation du PIB eurolandais en valeur devrait atteindre 4,3 % en 2011, soit 1,1 point de plus que la charge d’intérêts de la dette. En d’autres termes, l’incendie de la dette publique pourrait être éteint grâce au retour de la croissance.

Bien sûr, des inquiétudes demeureront. Ainsi, au-delà des risques géopolitiques internationaux, les autorités de la zone euro devront enfin mettre en œuvre des mesures d’assainissement des dépenses publiques, de transparence et de meilleure efficacité de leur politique monétaire et budgétaire. Il est clair que si tel n’était pas le cas, la crise eurolandaise pourrait reprendre du poil de la bête et asphyxier la reprise en cours. Comme quoi, même en recherchant des facteurs d’optimisme, la peur reste toujours tapie dans un coin, prête à bondir. D’où la nécessité d’être encore plus vigilant et combatif à son égard.

Pour finir, ne l’oublions pas : notre prévision d’une croissance mondiale de plus de 3,5 % tant cette année qu’en 2011, qui engendrera notamment une reprise boursière forte et durable, n’est pas du simple « wishfull thinking ». Comme d’habitude, elle s’appuie sur les fondamentaux économiques : des cours du pétrole et des matières premières à des niveaux adéquats, un euro/dollar autour de son niveau d’équilibre, des taux d’intérêt bas, un investissement productif soutenu à travers le monde et une accélération de la révolution des Nouvelles Technologies de l’Energie. La cerise sur le gâteau serait que, pour une fois, les dirigeants eurolandais réussissent à mettre leur dogmatisme en veilleuse et à faire preuve de pragmatisme. Et, même s’ils n’y parviennent pas, ce n’est pas si grave puisque nous aurons au moins le gâteau. Alors arrêtons d’avoir peur et de nous faire manipuler : la croissance est là, ne la gâchons pas et profitons-en !

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

France : un peu de croissance, avec un peu d’inflation…


Mou c’est mou… En dépit du rebond de la croissance mondiale et d’un inévitable effet de rattrapage après la forte baisse de ces dernières années, la production industrielle française reste molle. Ainsi, après avoir augmenté de 1,3 % en mars, cette dernière enregistre une baisse de 0,3 % en avril.

Certes, ce nouveau repli s’explique principalement par la baisse de la production dans l’énergie (- 6,4 %) et l’agro-alimentaire (- 0,6 %). La production manufacturière affiche ainsi une hausse de 0,4 % en avril. Et ce, notamment grâce à l’augmentation de 2,1 % de la production de machines et biens d’équipement. Autrement dit, un mouvement de rattrapage industriel et de léger réinvestissement est bien en train de se produire dans l’Hexagone.

Pour autant, la fragilité reste de mise. D’ailleurs, même si, après avoir chuté de 2,1 % en mars, la production de matériels de transport progresse de 1,3 % en avril, sa variation sur trois mois reste négative à – 2,1 %. En d’autres termes, même progressive, la fin de la prime à la casse continue de produire ses effets négatifs sur l’activité.

Plus globalement, il faut également noter qu’en dépit de son redémarrage technique, qui lui permet même d’afficher un glissement annuel de + 7,9 % en avril, la production industrielle est loin d’avoir rattrapé le retard accumulé pendant la crise. Ainsi, par rapport à son niveau d’avril 2008, elle subit encore une baisse de 12,5 % ! Pis, le niveau actuel de la production (précisément 91,4 en avril 2009 pour une base 100 en 2005) est identique à celui qui prévalait au printemps 1997 ! C’est dire l’ampleur des dégâts, qui mettront des années avant d’être réparés.

La production industrielle toujours à ses niveaux de 1997…

Sources : INSEE et Datastream

Néanmoins, l’industrie française dispose désormais d’un soutien de poids, en l’occurrence la baisse de l’euro. En effet, en retrouvant un niveau normal, c’est-à-dire entre 1,15 et 1,20 dollar, l’euro va permettre à l’industrie hexagonale de mieux profiter du rebond de la croissance mondiale et aussi de moins souffrir de la concurrence des produits importés. Lorsque l’euro était trop fort, ces derniers devenaient effectivement ultra-compétitifs par rapport aux produits nationaux qui perdaient donc mécaniquement des parts de marché.

Aujourd’hui, la situation est donc en voie de normalisation. Le drame c’est qu’il ait fallu attendre une grave crise de la zone euro pour y parvenir. Dès lors, la poursuite de cette crise pourrait limiter les impacts positifs de la baisse de l’euro sur l’activité économique.

Pour autant, dans la mesure où une baisse de 10 % de l’euro apporte 0,4 point de croissance supplémentaire tant en France que dans la zone euro, nous tablons sur une croissance française et eurolandaise proche de 2,5 % pour le début 2011 (avec une moyenne annuelle de 2,1 % l’an prochain). Ce qui, compte tenu d’une croissance structurelle d’environ 1,5 %, n’est déjà pas si mal…

En outre, cette croissance s’accompagnera d’une petite hausse de l’inflation qui tombera d’ailleurs à point nommé. C’est du moins ce que laisse imaginer l’évolution des prix à la consommation en mai.

En effet, en dépit de la traditionnelle augmentation printanière des prix des produits frais et de la poursuite de la cherté énergétique, les prix à la consommation n’ont augmenté que de 0,1 % en mai dans l’Hexagone. Après un pic de 1,7 % en avril et compte tenu d’une progression des prix de 0,2 % en mai 2009, leur glissement annuel enregistre même un léger recul à 1,6 %. Autrement dit, malgré une inévitable progression après les tendances déflationnistes de l’an passé, l’inflation française reste faible.

L’inflation reste largement sous contrôle.

Sources : INSEE et Datastream

Ainsi, les prix des produits manufacturés ont enregistré une croissance zéro, affichant un glissement annuel négatif de – 0,3 %. De quoi rappeler que l’hyperinflation n’est vraiment pas d’actualité et qu’au contraire, la déflation rode encore. D’ailleurs, habitués à des augmentations mensuelles soutenues, les prix des services ont également stagné en mai, réalisant un glissement annuel de seulement 1,2 %, un plus bas depuis juin 2001. Quant à l’inflation hors énergie et produits alimentaires, elle reste aussi largement sous contrôle, dans la mesure où elle retrouve son niveau de janvier dernier à 0,7 %, c’est-à-dire un plancher depuis mai 2000. Il faut donc arrêter d’avoir peur d’une soi-disant résurgence de la forte inflation.

Cependant, il faut aussi souligner que l’inflation va continuer de progresser dans les prochains mois. En effet, la baisse de l’euro va mécaniquement entraîner une légère augmentation des prix importés. Bien entendu, l’impact de cette dernière sur l’inflation ne doit pas être exagéré, notamment parce que la baisse de l’euro et son corollaire, l’appréciation du dollar, iront de pair avec une sagesse durable des prix pétroliers et de nombreuses matières premières.

Dans ce cadre, l’inflation française devrait avoisiner, voire légèrement dépasser, les 2 % d’ici l’automne prochain, pour ensuite repartir à la baisse, compte tenu d’un effet de base favorable (les prix énergétiques ayant fortement augmenté fin 2009 et début 2010). Ces évolutions se traduiront par une inflation annuelle moyenne d’environ 1,8 % tant en 2010 qu’en 2011.

Il n’y aura donc pas de quoi paniquer ni de quoi augmenter agressivement les taux directeurs de la BCE. N’oublions d’ailleurs pas qu’un peu d’inflation n’a jamais fait de mal à personne. En effet, une inflation comprise entre 2 et 3 % crée même une certaine dynamique, dans la mesure où elle incite les ménages à ne pas différer leurs dépenses de consommation et où elle permet également aux entreprises de maintenir leurs marges, donc leurs emplois.

 

 

 

 

Un peu d’inflation, ça ne fait pas de mal…

Sources : INSEE et Datastream

En outre, dans un contexte où la dette publique reste explosive, un peu d’inflation viendra en partie éponger une partie des intérêts de la dette publique. Ainsi, avec une croissance du PIB de 2,1 % en 2011 et une inflation de 2 % (tant pour les prix à la consommation que pour ceux du PIB), la croissance en valeur avoisinera les 4,1 % l’an prochain. De quoi largement payer les intérêts de la dette qui oscillent autour de 3,1 % par an. Pour peu que les dirigeants nationaux décident de geler en valeur les dépenses de fonctionnement des administrations publiques, et cette petite inflation permettra de baisser notablement ces dernières en volume. Cela réduira automatiquement le déficit public structurel de la France. En conclusion : une inflation durablement autour des 2 % sera un bienfait pour l’économie française.

Marc Touati

 



La météo économique de la semaine écoulée :

 

 


 

Les Marchés :

Euro/dollar : enfin un niveau normal…


Où sont les économistes bien pensants et par là même majoritaires qui, il y a encore quelques mois, soutenaient mordicus que le dollar devait s’effondrer durablement face à l’euro. Les plus « courageux » d’entre eux n’hésitaient d’ailleurs pas à fixer des objectifs entre 1,60 et 2 dollars pour un euro. Fichtre ! A l’époque, avec notre prévision d’un euro/dollar qui devait inévitablement revenir vers les 1,20 dollar courant 2010, nous faisions sourire. Et pourtant…

Bien loin de nous enorgueillir de ce succès (nous tenons d’ailleurs à remercier les nombreuses personnes qui nous ont envoyé des messages de félicitation), nous tenons simplement à rappeler qu’à l’instar de toutes nos prévisions, celle de l’euro/dollar n’est pas sortie d’un chapeau. Et pour cause : nous établissons toutes nos anticipations uniquement sur la base des fondamentaux économiques et financiers.

Ainsi, la baisse de l’euro autour des 1,20 dollar ne fait que valider la réalité de l’écart de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro.

Un Euro enfin en phase avec les écarts de croissance Etats-Unis / Zone euro.

Source : Datastream

Ce rappel est d’autant plus important que depuis quelques jours, les mêmes prévisionnistes qui annonçaient un euro compris entre 1,60 et 2 dollars pour le printemps 2010, déclarent sans vergogne que l’euro devrait s’effondrer vers la parité avec le dollar dans les prochaines semaines…

Une fois encore, il faut raison garder. Certes, si le plan de sauvetage de la zone euro s’écroule avant même d’avoir pu fonctionner ou si les dirigeants eurolandais aggravent leurs divergences, l’explosion de la zone euro deviendra de plus en plus crédible. Une telle éventualité ne manquera alors évidemment pas de faire plonger l’euro sous la parité avec le dollar.

Cependant, un tel scénario nous paraît peu probable, au moins jusqu’en 2012. En effet, en dépit de leurs désaccords et de leurs nombreuses erreurs d’appréciati