Lorsqu’il y a quelques mois, nous écrivions dans ces mêmes colonnes que les créations d’emplois aux Etats-Unis dépasseraient les 150 000 par mois à partir du printemps, cela paraissait parfois excessif. Or, après avoir déjà créé 208 000 emplois en mars, puis 290 000 en avril, la job machine américaine en a encore généré 431 000 en mai.
Le problème est que, bien loin de leur pessimisme habituel sur l’emploi outre-Atlantique, les marchés s’étaient mis à rêver d’un chiffre mirobolant de plus de 530 000, voire 600 000 selon une grande banque américaine.
Dès lors, avec une performance de « seulement » 431 000, ils apparaissent déçus et font grise mine. Certes, il est clair que cette performance s’explique en grande partie par les 390 000 créations d’emplois publics, notamment dans le cadre du recensement organisé aux Etats-Unis. Autrement dit, on ne relève que 41 000 créations d’emplois dans le secteur privé en mai, contre 218 000 en avril et 158 000 en mars.
Pour autant, il faut reconnaître qu’après deux mois de forte vigueur, un ralentissement était inévitable. Cela n’enlève donc rien au net redémarrage du marché du travail américain qui a tout de même créé 982 000 emplois nets depuis le début de l’année 2010. Nous sommes donc très loin de la jobless recovery (c’est-à-dire la reprise sans emploi). Et ce tant dans l’industrie que dans les services qui, au cours des cinq derniers mois, ont créé respectivement 126 000 et 430 000 emplois nets.
Mais ce n’est pas tout. En effet, les indices « emplois » des enquêtes ISM des directeurs d’achat ont continué de s’améliorer en mai. Dans l’industrie manufacturière, cet indicateur avancé de l’emploi a atteint un niveau de 59,8, un sommet dépassé à seulement trois reprises depuis 1980, la dernière fois remontant à mai 2004. Quant à son équivalent dans les services, s’il est évidemment moins euphorique, il a cependant atteint 50,4 en mai, soit un plus haut depuis décembre 2007.
En d’autres termes, la bonne tenue de l’emploi depuis le début 2010 devrait s’intensifier dans les prochains mois. Les indicateurs ISM ci-dessus indiquent même que la job machine devrait créer encore 1 million d’emplois nets d’ici la fin 2010.
En attendant, il faut d’ores et déjà noter qu’après une augmentation intempestive en avril, le taux de chômage est retombé à 9,7 % en mai, contre un sommet de 10,1 % en octobre 2009. Si la baisse du chômage reste encore modérée, elle est cependant bien enclenchée.
De plus, les salaires ont continué de progresser fortement : + 0,3 % pour le salaire horaire moyen et + 0,6 % pour les salaires hebdomadaires moyens, soit des glissements annuels de respectivement + 1,9 % et + 2,8 %. Cette dynamique devrait donc permettre à la consommation de rester bien orientée et de continuer de soutenir la croissance du PIB. Cette dernière profitera également du fort rebond de l’investissement qui a déjà commencé et qui devrait encore s’intensifier au cours des prochains trimestres, comme le montre la forte hausse des commandes de biens d’équipements depuis le début 2010.
En dépit d’une petite baisse dans l’industrie et d’une stabilisation dans les services en mai, les indices synthétiques des enquêtes ISM des directeurs d’achat confirment d’ailleurs que la croissance américaine devrait bien avoisiner les 4 à 5 % d’ici la fin de l’année.
Les marchés doivent donc arrêter d’être trop pressés et trop gourmands, la croissance et l’emploi sont bien durablement de retour aux Etats-Unis, ce qui ne justifie donc aucunement le retour du pessimisme boursier, comme nous le vivons depuis deux mois.
Marc Touati