La zone euro est sauvée, ou presque…

 Enfin ! Après onze ans de dogmatisme et de sacrifice de la croissance sur l’autel de l’inflation ; après deux ans de crise et de récession historique ; et, enfin, après quatre mois de massacre à la grecque, les dirigeants de la zone euro ont enfin décidé de prendre leurs responsabilités et d’être à la hauteur.

Il était temps, car au rythme des erreurs accumulées en particulier depuis quelques mois, la survie même de la zone euro commençait à être menacée. Comme souvent dans la construction européenne, il aura donc fallu passer par une grave crise et attendre d’être dos au mur pour réagir et avancer.

Ainsi, au-delà de l’ampleur exceptionnelle du plan de sauvetage, le plus important réside dans le fait que la zone euro soit enfin redevenue une zone de solidarité, mue par un jeu coopératif.

Mieux, en créant un fonds de soutien de 60 milliards d’euros, dont la garantie potentielle totale pourra atteindre 750 milliards d’euros, les dirigeants ont coupé l’herbe sous le pied aux risques d’explosion de la zone euro. Par là même, ils ont également confirmé qu’il ne servait plus à rien de spéculer sur un éventuel défaut d’un pays de la zone.

Et ce d’autant qu’ils ont permis à la BCE d’intervenir directement pour financer la dette publique de pays qui seraient en difficulté. Il s’agit donc là d’un revers conséquent pour le Président de la BCE qui avait déclaré il y a à peine quatre jours qu’une telle mesure était hors de question…

Au travers de cette mise au point, l’Eurogroupe confirme donc que le dogmatisme monétariste qui a prévalu pendant tant d’années à la BCE doit désormais être mis en veilleuse.

Très logiquement et après avoir craint le pire la semaine dernière, les investisseurs ont donc retrouvé le chemin de la confiance, entraînant les marchés boursiers dans un rebond correctif exceptionnel, même s’il ne compense pas encore complètement la dégringolade des jours précédents.

Face à ces résultats positifs, deux questions demeurent : pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Et surtout, la zone euro est-elle définitivement sauvée ?

La réponse à la première question est malheureusement simple : c’est par dogmatisme, par volonté de politique politicienne ou encore par manque de réactivité et de compétence que les dirigeants eurolandais ont constamment retardé ces réformes indispensables au bon fonctionnement de la zone euro. Il aura donc fallu attendre que le scénario de l’explosion devienne possible pour les mettre en œuvre.

Quant à la réponse à la deuxième question, elle dépend également de l’attitude des dirigeants eurolandais. Car si la zone euro a bel et bien été sauvée le jour des soixante ans de la déclaration Schuman, elle doit maintenant transformer l’essai en restaurant la croissance.

Car, ne l’oublions pas, au-delà des réformes indispensables sur la dépense publique dans les pays de la zone euro, la sortie définitive de la crise de la dette publique dépend surtout de la capacité des pays à dégager plus de croissance que la charge d’intérêts de la dette.

Dès lors, si la BCE venait à augmenter ses taux directeurs dans les prochains mois et à entraîner par là même l’euro à la hausse, la crise serait relancée.

Il faut donc au contraire laisser l’euro baisser vers son niveau d’équilibre, c’est-à-dire autour des 1,20 dollar pour un euro. Dans ce cadre, la croissance eurolandaise pourra enfin profiter du rebond de l’économie mondiale et retrouver un rythme de 2 % à 2,5 % en 2011. Avec une inflation d’environ 1,5 %, la croissance du PIB en valeur avoisinera alors les 4 %, soit 0,5 point de plus que la charge des intérêts de la dette publique des pays eurolandais.

Parallèlement, l’harmonisation des conditions fiscales et réglementaires, ainsi que la création d’un budget fédéral eurolandais devront être engagées. Et c’est seulement à ce moment là que la zone euro sera définitivement sauvée…

 

Marc Touati