Le dur chemin du désendettement (suite)

L’endettement public de la France (environ 75% du PIB) se situe actuellement dans le haut de la fourchette, du point de vue historique. Il s’élevait à peu près à ce niveau à la fin des années 50, mais la croissance exceptionnelle des « trente Glorieuses » ( due en grande partie à la période de reconstruction qui a suivie la Seconde Guerre Mondiale) a permis à notre pays de se désendetter, pour redescendre en -dessous du seuil de 30% à la fin des années 70.

Cet indicateur est cependant insuffisant pour analyser la situation de la France d’une façon exhaustive. En effet, il faut également prendre en compte l’endettement des entreprises, qui est élevé et celui des ménages français, plus favorable (52% du PIB, contre 100% pour le Royaume-Uni, par exemple). Dans ces conditions, l’endettement total brut de la France atteint 320% du PIB, certes inférieur à celui des Etats-Unis (350%), mais néanmoins conséquent. Face à  cette dette, il faut mettre en lumière l’épargne nationale disponible : elle est bien inférieure à celle du Japon (280 % du PIB), ce qui permet à ce pays de survivre avec un endettement public de 190% du PIB, mais largement supérieure à celle des pays anglo-saxons et actuellement en hausse (17% l’an contre 5% pour les Etats-Unis).

En fait ce qui importe, c’est la capacité de remboursement de la dette et donc la flexibilité budgétaire. Dans ce domaine, la France est extrêmement mal placée : environ 8% de déficit du budget, avec un retour, très lent, vers les 3 % imposés par le Traité de Maastricht. Ce déficit va mécaniquement augmenter la dette publique, qui devrait dépasser les 100% du PIB en 2013. Quant à la charge de la dette, elle devrait atteindre rapidement les 4%, ce qui est largement au-dessus des taux de croissance auxquels la France peut prétendre. Dans ce registre, nous ferons à peine mieux que la Grèce qui en 2013, consacrera 4,7% de son PIB à payer les intérêts de sa dette.

Face à cette situation très inquiétante, quelles sont les solutions ? Tout d’abord, espérer le retour de la croissance, seul véritable moyen de couvrir la charge financière de notre dette. Malheureusement, la faiblesse de la demande intérieure (voire ci-dessous), ainsi que la chute de notre compétitivité extérieure (en raison du coût élevé de la main d’œuvre) réduisent fortement notre potentiel de croissance : 2% semble un seuil difficile à franchir (vers le haut)

Autre solution, vendre des actifs publics pour alléger le passif. Dans ce domaine, la marge de manœuvre est très limitée : il reste peu d’entreprises à privatiser et l’Etat ne va pas vendre les « bijoux de la couronne » (le Louvre ou le Château de Versailles) pour se désendetter. Ensuite, on peut penser à l’inflation, qui allègerait le poids des dettes. Sauf que celle-ci ne se décrète pas ! L’importance du chômage en France (10,2%) limite la hausse des salaires, donc du niveau de vie, ce qui devrait affecter la demande potentielle et, donc, une éventuelle hausse des prix. Par ailleurs, nous sommes dans un marché unique et si nos partenaires, en particulier l’Allemagne, refusent la dérive inflationniste (on connait la répulsion de ce dernier pays à cet égard), nous serions obligés de nous aligner ; faute de quoi, notre compétitivité se détériorerait et notre déficit commercial s’agrandirait. Par ailleurs, notre participation à la zone euro interdit toute dévaluation compétitive ou manipulation des taux d’intérêt (la BCE veille !), comme nous pouvions le faire dans le passé.

Reste donc une seule solution : entreprendre les réformes difficiles on en convient, susceptibles, d’une part, de relancer la croissance et, d’autre part, de diminuer les dépenses publiques ; à savoir : réduction du coût de la décentralisation (résultant de l’empilement des strates territoriales), ajustement des régimes sociaux (et donc aménagement des retraites et réforme de l’assurance maladie), diminution du nombre des fonctionnaires (publics et territoriaux), efforts renouvelés en faveur des entreprises moyennes, créatrices d’emplois et généralement oubliées par les gouvernements.

Sinon, nous serons obligés, humiliation suprême, de faire appel au FMI  ou au FME, (Fonds Monétaire Européen), s’il est créé d’ici là, qui nous imposera ce que nous n’aurons pas eu le courage de mettre en œuvre par nous-mêmes.

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite HEC PARIS

Président du Club Finance HEC