Des conseillers très spéciaux…

Sous la Vème république, nos chers présidents ont toujours eu besoin d’éminences grises exerçant une influence plus ou moins grande sur leur action. C’est sous François Mitterrand que ce concept prit toute sa signification. En effet, le chef de l’Etat créa un poste ad hoc de conseiller spécial pour Jacques Attali. Une première… Major de Polytechnique, sorti de l’ENA dans la botte, Jacques Attali séduit très vite François Mitterrand, l’accompagnant dans tous ses déplacements et ce, malgré les réticences du premier cercle. Attali aurait pu occuper plusieurs postes ministériels, mais selon lui, la vocation d’un ministre était de devenir ancien ministre, et le conseiller spécial souhaitait s’inscrire dans la durée. Ce fut le cas puisque Jacques Attali passa 10 ans auprès de François Mitterrand et vécut de l’intérieur la 1ère cohabitation de l’histoire de la Vème République. Pour ce dernier, agir dans l’ombre du président et tirer les ficelles importait plus qu’être en première ligne.

 

Jacques Chirac, quant à lui, fit encore plus appel à des éminences grises qu’il avait besoin d’admirer intellectuellement. Dans les années 70, il fut sous l’influence de Pierre Juillet et Marie France Garaud, avant de s’émanciper et de fonder son propre mouvement le RPR. Puis il fut très vite séduit par Alain Juppé, énarque normalien qui devint sa plume attitrée. Juppé fut de toutes les batailles et les années qui passèrent n’entamèrent pas l’influence qu’il put avoir auprès du président. Chirac vit d’ailleurs en Juppé son successeur désigné, démontrant ainsi toute l’admiration qu’il lui portait.

 

Mais la justice en décida autrement, et Chirac tomba sous l’influence de Villepin, ex Dircab de Juppé au Quai d’Orsay. On peut dire que c’est un peu de Juppé que Chirac retrouvait en Villepin… La progression du Secrétaire général de l’Elysée fut d’ailleurs aussi fulgurante qu’incongrue. En effet, en 1997, l’homme de l’ombre qui fut à l’origine de la dissolution devint très vite une « éminence noire ». Surnommé « Néron » par Bernadette, il conserva toutefois toute la confiance du Président qui semblait envoûté par l’assurance, le charisme et la culture du Poète. Patron du Quai d’Orsay, Ministre de l’Intérieur, chef du gouvernement, Villepin glissa finalement sur la dernière marche, victime du CPE.

 

Enfin, c’est sous le règne de Nicolas Sarkozy que les éminences grises passèrent de l’ombre à la lumière. C’est tout d’abord le cas d’Henri Guaino, la plume du Président, qui dispose d’une liberté de parole hors du commun pour un conseiller spécial. Pourfendeur de la pensée unique, Guaino est un peu l’homme orchestre. Il s’exprime sur tout (économie, social…) avec plus ou moins de succès. Malgré la levée de boucliers qu’il suscite dans le premier cercle élyséen, il conserve toute la confiance du Président qui apprécie particulièrement cet esprit décalé.

 

Mais le pouvoir est surtout entre les mains du secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant. Jamais sous la cinquième république une personnalité non membre du gouvernement n’aura eu autant de pouvoir, pas même Villepin… Auprès de Nicolas Sarkozy depuis 2002, ce préfet le suivit même en 2004 à Bercy, bastion des inspecteurs des finances, tout un symbole… Véritable Premier Ministre bis, il relègue parfois Fillon au rang de simple collaborateur. C’est très simple, absolument tout passe par Guéant qui a la confiance absolue du Président. Les deux hommes sont en effet complémentaires : aimable, stoïque et toujours disponible, Guéant apaise le Président. Il est probablement la seule personne que Nicolas Sarkozy – qui supporte peu la contradiction – écoute vraiment. Certains le voient même Premier Ministre mais l’homme ne semble pas pressé. Il est vrai que la malédiction de Matignon en a frappé plus d’un, ce n’est pas Dominique de Villepin qui dira le contraire.

 

La phrase de la semaine :

«Cette affaire est grave car elle révèle aussi la volonté des banquiers et des spéculateurs anglo-saxons de se payer la zone euro. Des libéraux qui ne supportent pas la volonté des Européens de mieux réguler les marchés financiers.» de Nicolas Sarkozy à propos de la Grèce au lendemain du sommet de Bruxelles

rôme Boué