Croissance et emploi en France : l’écart se creuse.

La statistique française est vraiment magique. Ainsi, alors qu’au quatrième trimestre 2009, le PIB allemand a stagné, que celui de la zone euro a progressé d’au mieux 0,3 % et malgré l’augmentation de seulement 0,1 % de la production industrielle française sur ce même trimestre, le PIB hexagonal a progressé de 0,6 % sur cette période. Formidable ! Pourrait-on dire hâtivement. Pour autant, au-delà du marketing, la magie s’arrête. En effet, cette remontée surprenante du PIB au quatrième trimestre s’explique principalement par une forte contribution positive de la variation de stocks. Hors stocks, il faut malheureusement souligner que le PIB français a reculé de 0,3 % au quatrième trimestre 2009. Nous sommes donc très loin de l’euphorie que l’annonce d’une croissance de 0,6 % pourrait susciter.

Bien sûr, la consommation des ménages a continué de soutenir l’économie française à bout de bras. Néanmoins, l’augmentation de 0,9 % de cet agrégat au quatrième trimestre a été largement contrecarrée par la flambée de 3,3 % des importations sur la même période. Autrement dit et sans surprise, les soutiens publics ont certes permis de favoriser la consommation, mais leur impact a été absorbé par l’extérieur. A l’inverse, pour le septième trimestre consécutif, l’investissement a fortement régressé (- 1,2 %, soit une chute de 6,9 % sur l’ensemble de l’année 2009). Cet effondrement de quasiment deux ans s’observe tant pour l’investissement des ménages que pour celui des entreprises, leur repli annuel atteignant respectivement – 8,1 % et – 7,7 %. C’est là que réside le point faible de la reprise française. Car, tant que l’investissement des entreprises restera aussi déplorable, le cercle vertueux investissement-emploi-consommation ne pourra pas se mettre en place.

C’est d’ailleurs ce que confirme la nouvelle baisse de l’emploi au quatrième trimestre 2009. Et pour cause : en reculant de 0,4 %, l’emploi a aussi enregistré son septième trimestre consécutif de baisse, soit une chute de 3,2 % sur l’ensemble de cette période. Et, même si l’emploi est traditionnellement une variable retardée du PIB, son évolution récente a de quoi surprendre. En effet, en temps normal, l’emploi redémarre deux à trois trimestres après le PIB. Or, cela fait désormais trois trimestres que le PIB français augmente, mais que l’emploi continue de se dégrader. Et ce, en dépit de toutes les aides publiques multiples et variées. Ce décalage confirme que la France n’a pas tant besoin d’un soutien artificiel de la consommation que d’un rebond de l’investissement des entreprises. Et même si les industriels annoncent une légère hausse de ce dernier pour 2010, celui-ci restera limité par les carences structurelles de l’économie française, et notamment une pression fiscale et réglementaire beaucoup trop forte.

C’est en cela que l’année 2009 confirme définitivement que la France est bien marquée par le « syndrome du pouf ». En effet, l’an passé, son PIB a reculé de seulement 2,2 %, contre une baisse de 4 % pour la zone euro et de 5 % pour l’Allemagne. Cette « surperformance » française s’explique néanmoins par une perfusion publique surdéveloppée qui, en cas de récession, permet à l’économie française de tomber sur un pouf, c’est-à-dire en amortissant les chocs. Le problème est qu’une fois installé dans le pouf, il est beaucoup plus difficile de se relever. Voilà pourquoi si la France a été l’un des moins mauvais élèves de la zone euro en 2009, elle retrouvera la queue du peloton en 2010, tout en restant néanmoins au top en matière de déficit public… En termes chiffrés, cela devrait se traduire par une croissance annuelle de 1,5 % cette année, un déficit public d’au moins 8 % du PIB (soit environ 150 milliards d’euros) et une dette publique de 83 %. Qui dit mieux ?

 

Marc Touati