Etats-Unis : bientôt la surchauffe ?

Après une croissance de 5,7 % (en rythme annualisé) au quatrième trimestre 2009, l’économie américaine n’a vraisemblablement pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Tel est le message principal de l’enquête ISM des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière de janvier 2010. En effet, après déjà cinq moins consécutifs au-dessus de la barre des 50 (qui marque la frontière entre le recul et la progression de l’activité), l’indice composite de cette enquête a bondi de 4,5 points en un mois, soit une flambée de 25,9 points depuis le point bas de décembre 2008.

Mieux, avec un niveau de 58,4 en janvier 2010, cet indicateur avancé de la croissance des Etats-Unis atteint un plus haut depuis août 2004, c’est-à-dire une période où le glissement annuel du PIB américain était de 4 %. Dans la mesure où ce dernier n’est que de 0,1 % au quatrième trimestre 2009, nous avons là une image de l’ampleur de la croissance à venir outre-Atlantique.

Autrement dit, n’en déplaise à certains, le rebond du PIB des troisième et quatrième trimestres 2009 n’étaient pas un feu de paille mais devrait se poursuivre sur l’ensemble de l’année 2010. Et même si Barack Obama vient d’annoncer à juste titre un tour de vis budgétaire, n’oublions pas que celui-ci ne concernera que l’exercice fiscal 2010-2011. En attendant, l’économie américaine pourra encore compter sur 450 milliards de dollars d’investissement public jusqu’à l’automne 2010.

Mais ce n’est pas tout car si jusqu’à présent la reprise économique ne s’est pas encore vraiment vue sur le marché du travail, la nouvelle hausse de l’indice emploi de l’enquête ISM à 53,3 en janvier (un plus haut depuis avril 2006) indique que la reprise de l’emploi est bien en marche outre-Atlantique. Et ce, d’autant que l’indice « nouvelles commandes » a encore progressé en janvier, atteignant un niveau de 65,9, un sommet depuis avril 2004. En d’autres termes, le mouvement de réinvestissement déjà amorcé au second semestre 2009 va désormais s’intensifier.

Dans ce cadre, notre prévision d’une croissance annuelle moyenne de 3 % aux Etats-Unis pour 2010, qui paraissait excessivement optimiste selon certains il y a peu, risque d’être amplement dépassée…

Conséquence logique de cette reprise massive, l’inflation va continuer de se tendre, comme l’indique la nouvelle hausse de l’indice ISM relatif aux prix à un niveau de 70. Cette tension n’est cependant pas dramatique. Non seulement parce qu’elle reste limitée par rapport aux 91,5 atteints en 2008, mais surtout parce qu’elle montre que les entreprises vont pouvoir restaurer leurs marges, donc continuer d’embaucher. Dans ce cadre, l’inflation américaine devrait avoisiner les 2,5 % en moyenne cette année et les 1,8 % hors énergie et produits alimentaires. Il n’y aura donc pas de quoi crier à l’hyperinflation.

Cependant, avec une croissance de 3 % et une inflation de 2,5 %, la Réserve fédérale américaine sera obligée d’augmenter son taux objectif des federal funds d’ici juin prochain. Ce resserrement sera évidemment progressif de manière à accompagner la reprise économique sans la casser. C’est pourquoi, nous anticipons un taux des fed funds de 1 % d’ici la fin 2010 et de 1,5 % dans un an.

 

Marc Touati