Bilan 2009 : quelle année !

Comme chaque début d’année, c’est l’heure des bilans. Bilan économique, bilan financier et aussi bilan de nos prévisions. Sur tous ces plans, 2009 restera une année inoubliable. Tout d’abord, parce que 2009 a permis de déjouer l’écrasante majorité des prévisionnistes à travers le monde. En effet, il y a environ un an, ces derniers s’époumonaient et faisaient preuve d’une ingéniosité débordante doublée d’une surenchère malsaine pour annoncer que la planète économico-financière internationale allait très rapidement s’écrouler sans se relever avant plusieurs années, voire une décennie. Les plus « ambitieux » n’hésitaient pas à déclarer que le monde s’apprêtait à entrer dans une crise encore plus grave que celle de 1929.

A l’époque, il fallait donc être fou ou inconscient pour oser annoncer que la bourse et l’économie mondiale allaient redémarrer dès 2009. C’est pourtant ce que nous faisions et écrivions dans ces même colonnes et aussi dans le livre « Krach, Boom… et demain ? » sorti en février 2009. Pour enfoncer le clou, nous avions même choisi d’accompagner les premiers tirages de ce dernier par un bandeau « Restez optimistes ». Quelle folie ! Devant ce sous-titre décidément insolent, certains journalistes n’hésitaient pas à me déclarer « Désolé, on ne pourra pas vous inviter, ni parler de votre livre, parce qu’il est trop optimiste. Vous comprenez, aujourd’hui, ce sont les prévisions catastrophistes qui ont la cote… ». Le ton était lancé. Qu’à cela ne tienne, le livre a attiré plus de 25 000 lecteurs et surtout, les funestes Cassandres, pourtant largement majoritaires, ont eu tort.

Dans ce cadre, le bilan de nos prévisions 2009 apparaît comme l’un des meilleurs crus depuis 1998, date à laquelle nous avons commencé à nous livrer à cette exercice (à l’époque nous étions à la Caisse Centrale des Banques Populaires, cela ne nous rajeunit pas…). Cependant, s’il est de bon ton de mettre en exergue ses erreurs, quitte à les édulcorer par quelques artifices comptables, il est souvent mal vu de souligner ses succès (en particulier dans l’Hexagone). Nous le savons particulièrement bien puisque si, depuis douze ans, nos bilans ont été largement positifs, c’est souvent les erreurs qui ont été retenues et parfois même répandues en toute mauvaise foi. Errare humanum est, perseverare diabolicum.

Nous n’avons aucunement la prétention d’avoir toujours raison ou de pouvoir tout prévoir. Bien au contraire, nous savons depuis quinze ans d’exercice de ce métier que la prévision économique et financière est ô combien difficile, sujette à caution et dépendante de nombreux paramètres parfois non-maîtrisables. Voilà pourquoi, nous nous efforçons de réaliser des prévisions principalement basées sur les fondamentaux économiques et indépendantes de toute contingence spéculative, politique ou partisane. C’est dans ce cadre que nos plus mauvaises périodes en matière de prévisions ont été consécutives aux attentats du 11 septembre 2001 ou encore fin 2008 après la faillite sauvage de Lehman Brothers, car qui pouvait prévoir de tels évènements et réaliser des prévisions économico-financières en conséquence ? A l’inverse, dès que les fondamentaux économiques reprennent le dessus et que leur action n’est pas entachée par des évènements exogènes et imprévisibles, alors nos prévisions sont confortées par la réalité. Ce fut par exemple le cas entre 1998 et 2000, puis de 2003 à 2007 et enfin en 2009. Et très souvent, comme l’an passé notamment, ces prévisions étaient en fort décalage par rapport au consensus. Il s’agit d’ailleurs là, d’une règle vérifiée à de multiples reprises : le consensus a très souvent tort.

Ainsi, lorsque le 9 mars 2009, le Cac 40 atteint 2500 points, l’écrasante majorité des économistes apparaît formelle : le krach ne fait que commencer et les 1500 points sont inévitables à court terme. Certains vont même jusqu’à conseiller de vendre toutes ses actions et d’acheter des terres arables… De notre côté, nous maintenons que la baisse du Cac est excessive et que ce dernier retrouvera les 3800 points d’ici la fin 2009. Ce dernier terminera l’année à 3936…

Dans le même temps, alors que le consensus (encore lui) annonçait une récession américaine durable et plus grave que dans la zone euro, nous expliquions que le recul du PIB serait moins fort aux Etats-Unis que de ce côté-ci de l’Atlantique et que la reprise serait au rendez-vous dès l’été. Résultat des courses : la baisse annuelle moyenne du PIB en 2009 devrait avoisiner les 3,9 % dans la zone euro, contre 2,2 % outre-Atlantique. Parallèlement, le rebond de l’activité américaine a eu lieu dès l’été et s’est même intensifié au cours de l’automne, avant une nouvelle accélération en 2010. Quant à la zone euro, elle a également redémarré mais à un rythme beaucoup plus fragile, confirmant notamment que la BCE a eu tort de refuser de baisser son taux refi en-deçà de 1 %.

Autre prévision consensuelle déjouée par la réalité, celle de l’écroulement de la Chine et du monde émergent dans son ensemble. Grâce à un plan de relance efficace et à la résistance de la demande intérieure, qui a largement compensé l’impact de la baisse du commerce mondial, la Chine a très vite retrouvé la route des 9 % de croissance, entraînant dans son sillage l’ensemble des pays émergents d’Asie. Autre gagnant de la crise, le Brésil a su faire preuve, comme annoncé par nos soins, d’une forte résistance.

Enfin, et comme nous l’avions également pressenti, les grands perdants du monde émergent ont été les pays d’Europe de l’Est qui ont vite pris les défauts de leurs grands frères d’Europe de l’Ouest, à savoir la mollesse économique. Du côté français, nous étions également parmi les très rares à annoncer que la croissance reviendrait dès 2009 et avions même des prévisions plus optimistes que le gouvernement, ce dernier ayant dû, devant la réalité, se rallier à « notre cause ». Pour autant, nous n’avons pas manqué de dénoncer la dérive des comptes publics et l’inefficacité croissante des dépenses publiques qui, malheureusement, ne cessent de se confirmer.

Par ailleurs, sur le front des taux d’intérêt, les taux directeurs des principales banques centrales de la planète sont bien restés bas en 2009 et les taux longs ont bien retrouvé le chemin de la hausse depuis la fin de l’automne comme annoncé.

En outre, le baril s’est bien stabilisé autour des 80 dollars, qui est d’ailleurs le niveau d’équilibre que nous annoncions dès 2008 lorsque le consensus prévoyait un baril durablement au-dessus des 150, voire des 200 dollars et, par charité, nous ne parlerons pas de ceux qui anticipaient les 300 dollars pour 2009.

Enfin, notre bilan 2009 reste légèrement entaché par l’évolution de l’euro/dollar. En effet, alors que, comme anticipé, l’euro a bien touché les 1,25 dollar début 2009, la politique de la BCE l’a fait remonter à deux reprises, notamment à cause d’un carry trade intempestif. En revanche, depuis que les marchés se sont rendu compte que la zone euro ne pouvait pas supporter un euro trop fort, ce dernier s’est replié, déjouant les prévisions consensuelles d’un euro à 1,60 dollar, voire à 2 dollars, pour la fin 2009. Notre objectif des 1,25 atteint début 2009 devrait donc redevenir d’actualité assez rapidement.

« Alors heureux ? » Questionneront certains face à ce bilan très favorable. Ne soyons pas hypocrites, ce bilan nous satisfait amplement et nous espérons qu’il en est de même pour l’ensemble de nos lecteurs. Pour autant, le plus dur reste à venir, à savoir, faire au moins aussi bien en 2010. Ce sont certainement ces challenges et cette remise en question permanente qui nous permettent d’avancer avec toujours les mêmes objectifs : nous tromper le moins possible et satisfaire au mieux nos clients. Excellente année à tous.

Marc Touati