2012, la réalité va-t-elle dépasser la fiction ? (E&S n°106)

Humeur :

2012.


Hollywood serait-il plus fort que Kyoto ou encore Copenhague ? En effet, alors que les soi-disant spécialistes du climat ne cessent d’annoncer que la terre est sur le point d’exploser à cause de la pollution au dioxyde de carbone, il aura suffi d’un film hollywoodien à grand spectacle pour relancer et surtout crédibiliser une crainte ancestrale selon laquelle la fin du monde serait proche. L’argumentation de cette thèse est simple : le calendrier maya se termine le 21 décembre 2012. Il ne nous resterait donc plus très longtemps pour profiter de notre chère planète bleue… Ignorant le fait que la civilisation maya a commencé trois siècles avant l’ère chrétienne et que son calendrier s’adapte difficilement au nôtre (d’où des querelles de scientifiques pour savoir si la fin du cycle maya aura lieu en 2012 ou en 2220), cette perspective s’est ainsi répandue comme une plaque de pétrole sur un lac. Si nous ne sommes ni devins, ni mayas et encore moins défaitistes pour donner quelques crédits à cette thèse de fin du monde dans tout juste trois ans, il faut néanmoins reconnaître que 2012 se présente comme une année de grands dangers pour la stabilité économique et politique de la planète.

Tout d’abord, 2012 sera une année d’élection présidentielle dans trois grandes nations, en l’occurrence les Etats-Unis, la Russie et la France. Au risque de décevoir notre orgueil national, c’est principalement dans les deux premiers pays que les risques d’impacts géopolitiques mondiaux sont les plus importants. D’ailleurs, hasard ou coïncidence, les élections présidentielles américaines ont souvent été de pair, à quelques trimestres près, avec des catastrophes internationales : la seconde guerre mondiale, la guerre du Vietnam, les premier et deuxième chocs pétroliers, la première guerre du Golfe, les attentats du 11 septembre et enfin la crise financière de l’automne 2008. Que va donc bien nous réserver l’avenir et/ou l’administration américaine pour permettre la réélection ou la défaite de Barack Obama en 2012 ? Quoiqu’il arrive, l’issue de ce scrutin influencera inévitablement la stabilité économique et géopolitique de la planète.

Et ce d’autant que, quelques mois auparavant, la Russie aura choisi son Président. Reconduira-t-elle Medvedev ou signera-t-elle le grand retour de Poutine (qui n’est d’ailleurs jamais parti depuis sa nomination au poste de premier ministre en 1999) ? Et surtout quelle sera la voie choisie par ses dirigeants ? Plus de démocratie, d’ouverture et de transparence? Ou plus d’oligarchie et de concentration du pouvoir politico-financier entre un nombre limité de personnes ? Là aussi, la stabilité géopolitique de la planète risque d’en être fortement affectée. Dans le cas extrême d’un durcissement de ton, tant du côté russe que du côté américain (par exemple sur la Tchétchénie, l’Ukraine ou encore sur la réduction de l’arsenal nucléaire militaire), il est clair que 2012 pourrait mettre en scène des lendemains difficiles sur le front de la paix internationale. D’autant plus qu’en 2012, l’Iran risque d’être en possession de l’arme nucléaire. Or, si, aujourd’hui, une unanimité de façade prévaut pour dénoncer ce danger, une radicalisation des positions russes et/ou américaines, voire chinoises, par exemple dans le cadre d’un changement de dirigeants et de stratégie de ces trois grandes Nations, pourrait mettre le feu aux poudres.

Mais soyons rassurés, la France pourra aussi jouer un rôle déterminant dans la stabilité politico-économique de la planète. Au-delà du fait qu’elle dispose également de l’arme nucléaire, la France va surtout s’illustrer dans les prochaines années par l’explosion de sa dette publique. Cette dernière devrait d’ailleurs encore enfler en 2012 avec l’insuffisance du nombre d’actifs pour financer la retraite par répartition. Déjà à 80 % du PIB en 2009, la dette publique risque alors de dépasser les 100 %, suscitant une dégradation de la notation de l’Etat français. Pis, la plupart des partenaires eurolandais de la France risquent de subir la même punition. Et si, dans un premier temps, l’Allemagne se portera garant des dérapages des autres pays de la zone euro (comme elle l’a fait par exemple pour la Grèce il y a quelques mois), elle devra, elle aussi, supporter le poids d’une dette publique de plus en plus exorbitante. Le Président français devra alors se livrer à un choix lourd de conséquence : soit il décide de réduire la dette publique engageant la France dans une politique de rigueur, de manière à éviter une trop forte hausse des taux d’intérêt et à sauver la stabilité de la zone euro. Soit il décide de laisser filer encore la dette, ouvrant la voie à un comportement similaire et non-coopératif de la majorité des pays de la zone euro. Face à l’envolée des taux d’intérêt à long terme et devant l’impossibilité pour l’Allemagne de calmer le jeu, certains pays seront alors tentés, voire contraints de sortir de la zone euro. Ils pourront donc dévaluer fortement leur devise, retrouver une certaine compétitivité et rembourser leur dette publique dans leur ancienne monnaie nationale fortement dépréciée par rapport à l’euro, donc en monnaie de singe. A partir du moment où un ou deux pays auront franchi le Rubicon, a fortiori s’il s’agit de pays leaders tels que l’Italie ou la France, la zone euro ne pourra plus tenir et finira par exploser, suscitant une phase d’instabilité géopolitique et économique majeure, avec risque de montée des nationalismes à la clé…

Enfin, pour ne rien arranger, l’année 2012 devrait aussi coïncider avec la confirmation de la puissance économique dominante de la Chine. Forte de réserves de changes d’au moins 3500 milliards de dollars, de réserves d’or avoisinant les 500 milliards de dollars et d’un PIB par habitant qui se rapprochera des standards occidentaux, l’Empire du Milieu pourra alors ouvrir les frontières de ses marchés financiers et imposer le yuan comme un concurrent sérieux du dollar. Si les pays de l’OPEP acceptent de facturer leur pétrole en yuan et si les pays émergents ainsi que certains pays européens commencent à augmenter la part du yuan dans leurs réserves de change, les jours de l’étalon-dollar ne tarderont pas à prendre fin. Les Etats-Unis redeviendront alors un pays émergent surendetté et ne disposant plus de la devise internationale de référence pour assurer le financement de sa dette. D’où une forte hausse des taux d’intérêt, donc moins de croissance, plus de déficit budgétaire et de dette publique, ce qui augmentera encore les taux d’intérêt et le cercle pernicieux continuera. Autrement dit, la bulle de la dette s’imposera des deux côtés de l’Atlantique mettant un terme à l’hégémonie américaine et affaiblissant encore une Europe qui n’était déjà plus prépondérante depuis un siècle. Pour peu que les Chinois en profitent pour annexer Taïwan, que les Russes en fassent de même avec l’Ukraine et que les Américains et Européens, dans un dernier baroud d’honneur, lancent des représailles militaires, alors la fin du monde promise par les Mayas aura peut-être bien lieu, si ce n’est en 2012 au plus tard en 2013… A l’évidence, si l’on veut se faire peur, il n’est pas nécessaire d’aller dans les salles obscures, la scène économico-politique internationale suffit largement pour nous donner des sueurs froides. Espérons donc simplement que la réalité ne dépassera pas la fiction. Sinon, il faudra décerner aux Mayas le prix de meilleur prévisionniste de tous les temps, car si faire des prévisions justes à un an est déjà difficile, avoir raison avec 2400 ans d’avance relève vraiment de l’exploit…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Etats-Unis : la soft recovery se confirme.


La reprise en douceur se confirme aux Etats-Unis tant sur le front de la consommation des ménages que de la production industrielle. Et ce n’est qu’un début. Enfin, sur le front de l’immobilier, si l’hémorragie a bien été stoppée, le rebond demeure encore fragile.

Tout d’abord, après avoir chuté de 2,3% en septembre, les ventes au détail ont progressé de 1,4% en octobre affichant ainsi un acquis de croissance de 0,6% pour le quatrième trimestre. Les ventes au détail en octobre ont notamment été tirées par les dépenses automobiles. Et ce, en dépit de l’arrêt de la prime automobile américaine fin août. Cette dernière a donc vraisemblablement généré une dynamique durable.

Hors automobile, les ventes au détail n’ont progressé que d’un petit 0,2% alors que le consensus attendait une hausse de 0,4%. Néanmoins, les arguments en faveur de la poursuite du rebond de la consommation aux Etats-Unis ne manquent pas. Tout d’abord, les ménages disposent d’une épargne appréciable dans laquelle ils pourront puiser afin de maintenir un certain niveau de consommation. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont déjà commencé à faire au cours des derniers mois, le taux d’épargne passant de 5,9 % en mai dernier à 3,3 % en septembre (contre une moyenne de 1,7 % de 2005 à 2007). Ensuite, les salaires réels continuent d’augmenter à un rythme annuel proche de 4 %.

Enfin, la réduction des destructions d’emplois devrait se poursuivre dans les mois à venir et même se transformer en créations d’emplois à partir du printemps, ce qui soutiendra le pouvoir d’achat des ménages américains. L’euphorie n’est donc pas de mise, mais il est certain que la consommation, qui représente environ 70% du PIB américain, a durablement retrouvé le chemin de la hausse.

Le rebond reste conséquent sur le front de la consommation.

 

Par ailleurs, après avoir augmenté de 0,6% en septembre, la production industrielle a progressé de 0,1% en octobre. Si de prime abord ce chiffre peut apparaître comme décevant puisque le consensus attendait une hausse de 0,4%, il confirme néanmoins la tendance, puisque la production industrielle affiche en octobre un quatrième mois consécutif de hausse. La production manufacturière affiche toutefois une petite baisse de 0,1% principalement du fait de la fin de la prime à la casse automobile. En effet la production automobile qui avait progressé de 8,1% en septembre, affiche une baisse de 1,7% en octobre.

En revanche, les biens d’équipement, qui avaient reculé de 0,4% en septembre, ne régressent que de 0,2% sur le mois d’octobre. Quant aux biens de consommation, après trois mois consécutifs de hausse, ils affichent une croissance nulle en octobre. En d’autres termes, les moteurs privés que sont la consommation des ménages et l’investissement des entreprises continueront de soutenir la reprise américaine à l’avenir.

Et ce d’autant que la hausse des indices des dernières enquêtes ISM (et notamment l’indice production qui affiche un niveau de 63,3 en octobre soit un plus haut depuis juillet 2004) indique que le glissement annuel de la production industrielle devrait atteindre 4 % d’ici le début 2010 (graphique ci dessous), contre – 7,1 % aujourd’hui.

La reprise de la production industrielle sera forte.

 

En outre, la production industrielle, qui a déjà progressé de 1,4% au troisième trimestre, affiche désormais un acquis de croissance significatif de 0,9% pour le quatrième trimestre. Dans ce cadre, au cours de ce même trimestre, la progression du PIB américain pourrait avoisiner les 2% en rythme annualisé.

De surcroît, le taux d’utilisation des capacités de production a augmenté pour le quatrième mois consécutif à 70,7 %,  soit un plus haut depuis décembre 2008. De quoi confirmer que les entreprises américaines, qui avaient procédé à des ajustements beaucoup trop élevés au regard des fondamentaux économiques, devront désormais réinvestir en conséquence.

Enfin, les mises en chantier qui avaient progressé de 9% au troisième trimestre, marquent le pas puisqu’elles affichent une baisse de 10 % en octobre soit un plus bas depuis sept mois. Quant aux permis de construire qui constituent un indicateur avancé des mises en chantier, ils régressent de 4 % sur ce même mois. Cela signifie que si la reprise est bien en marche en matière d’investissement logement des ménages, le rebond demeure toutefois très lent.

Immobilier: un rebond fragile


Pour conclure, le cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation est bien en marche aux Etats-Unis et il se consolide progressivement. De plus, l’économie américaine pourra compter sur une politique monétaire accommodante jusqu’au printemps 2010, ainsi que sur une relance budgétaire de 450 milliards de dollars sur le front de l’investissement. Ces soutiens permettront inévitablement d’accentuer et de pérenniser la reprise actuelle.

 

Jérôme Boué



 

La météo économique de la semaine écoulée :


 

Les Marchés :

Le Japon de nouveau sur la bonne voie ?


Même si l’on s’attendait à un bon résultat, la progression du PIB japonais de 4,8 % au troisième trimestre a surpris par son ampleur. Et pour cause, depuis 1991 et le début de la crise nippone, une telle performance n’a été dépassée qu’à quatre reprises : au quatrième trimestre 1996, au premier de 2000, au quatrième de 2003 et au premier de 2007. Il n’en a pas fallu davantage pour entendre ceux qui enterraient définitivement le Japon il y a encore quelques semaines, annoncer que ce dernier était finalement reparti sur de bons rails et qu’il devrait désormais nous réserver que des bonnes surprises, notamment d’un point de vue boursier.

Cette volte face est évidemment excessive mais aussi dangereuse. Certes, grâce au rebond de son PIB, le Japon confirme qu’il sort, lui aussi, de la récession, permettant mécaniquement au Kabuto Cho, et notamment à son indice phare le Nikkei, de retrouver quelques couleurs.

Une augmentation du PIB de bon augure pour le Kabuto Cho.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que ce rebond reste technique, c’est-à-dire qu’il vient avant tout corriger la faiblesse de l’activité des dernières années. Cette correction est d’ailleurs très relative, dans la mesure où le glissement annuel du PIB nippon reste toujours très bas à précisément – 4,5 %.

Si les – 8,6 % du premier trimestre appartiennent donc bien au passé, le retour en territoire positif paraît néanmoins toujours loin. C’est du moins ce qui ressort des dernières enquêtes Tankan dans l’industrie et les services qui montrent que le glissement annuel du PIB devrait au mieux atteindre – 3 % au quatrième trimestre 2009. En d’autres termes, il n’y a vraiment pas de quoi sauter au plafond.

De plus, il ne faut pas oublier que la crise japonaise ne date pas de 2008 mais a commencé dans les années 90. Ainsi, de 1997 à début 2003, le PIB nippon a connu une croissance zéro. Ensuite, il a progressivement repris des couleurs jusqu’au début 2008 pour ensuite s’effondrer de presque 9 % en un an. Dès lors, en dépit du rebond des deux derniers trimestres et même si à l’avenir, le PIB japonais progresse de 0,5 % par trimestre, il ne retrouvera son niveau de début 2008 qu’en 2013.

De quoi rappeler que si le Nikkei dispose d’une marge de progression appréciable, il ne retrouvera pas de sitôt les 39 000 points atteints fin 1990.

Des perspectives toujours peu enthousiasmantes.

En outre, il faut également souligner que le Japon est l’un des très rares pays développés (avec l’Allemagne) qui enregistre une baisse de sa population. Autrement dit, en dépit d’un effort toujours conséquent en matière de R&D qui le sauve d’ailleurs du marasme, le Japon ne dispose d’une croissance structurelle que d’environ 0,8 % par an.