France, zone euro : la reprise molle se confirme.

Humeur :

Croissance française : pas de quoi être fier !


Après la bonne surprise du deuxième trimestre et le net rebond de la production industrielle au troisième, l’économie française paraissait capable de retrouver le chemin de la croissance forte dès le troisième trimestre. Il n’en est rien. En effet, même si le PIB a continué de progresser, son augmentation a été limitée à 0,3 %, maintenant le glissement annuel du PIB dans le rouge à – 2,4 %. Il n’y a donc pas de quoi être fier. Surtout lorsque l’on sait que le PIB allemand a augmenté de 0,7 % sur la même période, après une hausse de 0,4 % au deuxième trimestre.

Certes, ce rebond sur deux trimestres confirme que le scénario catastrophe tant annoncé il y a encore quelques mois n’a pas eu lieu. De même, grâce à cette progression, l’acquis de décroissance du PIB français au sortir du troisième trimestre n’est plus que de – 2,4 %. Autrement dit, la baisse annuelle moyenne du PIB sur 2009 ne devrait pas dépasser les 2,2 %. Ce qui là aussi ne permet pas de pavoiser.

Mais au-delà du chiffre global du PIB, la véritable déception des comptes nationaux du troisième trimestre réside dans ses éléments constitutifs. Ainsi, une fois n’est pas coutume, c’est le commerce extérieur qui a sauvé la croissance française. En effet, grâce notamment au rebond allemand, nos exportations ont augmenté de 2,4 %, alors que nos importations n’ont progressé que de 0,4 %. Cela recèle donc deux enseignements. D’une part, le commerce extérieur a contribué pour 0,4 point à la croissance du troisième trimestre. D’autre part et surtout, la demande intérieure a reculé de 0,1 % au troisième trimestre. En d’autres termes, après un trimestre de pause, la récession est déjà de retour sur le front de la demande nationale. C’est dire la fragilité qui continue de marquer l’économie française.

Le détail des chiffres est d’ailleurs sans appel, puisqu’en dépit de la vigueur des dépenses en produits manufacturés, la consommation totale des ménages (c’est-à-dire en biens et services) a stagné au troisième trimestre. Une contre-performance qui n’a été atteinte ou dépassée qu’à trois reprises depuis 1997 : au premier trimestre 1997 (- 0,1 %), ainsi qu’aux premier et deuxième trimestres 2008 (respectivement – 0,2 % et 0 %).

Pis, l’investissement a enregistré son sixième trimestre consécutif de baisse. Et non des moindres, puisque cette dernière a atteint 1,4 %. Cette dégringolade sur six trimestres s’observe tant en matière d’investissement des entreprises que d’investissement des ménages. Au cours de cette période, le premier a ainsi reculé de 9,7 % et le second de 13,6 %. En termes de niveau, l’investissement des entreprises se situe sur un plus bas depuis le troisième trimestre 2006 et l’investissement des ménages sur un plancher depuis le premier trimestre 2005 !

Cela signifie notamment que même si l’on suppose que l’investissement reprendra prochainement le chemin d’une croissance soutenue de l’ordre de 0,5 % par trimestre (hypothèse optimiste), il faudra attendre 2014 pour que l’investissement des entreprises retrouve son niveau du premier trimestre 2008 et le quatrième trimestre 2016 pour que l’investissement des ménages en fasse de même… Ces résultats bien inquiétants confirment que même si la France est sortie de la récession, elle reste convalescente et sujette à rechute à la moindre contrariété.

Il faut d’ailleurs noter qu’au troisième trimestre, la seule composante de la demande intérieure affichant une hausse est la consommation publique (+ 0,7 %). Dans la mesure où la consommation publique représente 23,6 % du PIB français, cela signifie que sans la perfusion publique, la demande intérieure française aurait baissé d’au moins 0,3 % et le PIB aurait stagné au troisième trimestre.

Et c’est bien là le principal problème de l’économie hexagonale. Car, si déjà avec une relance publique notable et un déficit public de quasiment 9 % du PIB, la croissance n’a été que de 0,3 % au deuxième et au troisième trimestre 2009, que va-t-elle devenir en 2010, lorsque la relance sera terminée ? Et ce d’autant que l’euro trop fort et la probable hausse des taux d’intérêt l’an prochain devrait encore grever une croissance déjà particulièrement molle.

Autrement dit, dans la mesure où l’essentiel des cartouches du plan de relance a été utilisé cette année, permettant donc à la France de limiter la casse en 2009, que va-t-il rester pour prolonger le rêve en 2010 ? La réponse choisie par le gouvernement s’appelle « grand emprunt ». Encore faut-il que ce dernier soit efficace et ne se contente pas d’être, comme l’ont été la totalité des grands emprunts menés par l’Etat français depuis quarante ans, une source de coûts. La Commission Européenne a d’ailleurs annoncé la couleur la semaine dernière en lançant un premier avertissement à la France. Pour ce faire, elle a simplement rappeler que, si, grâce au grand emprunt, la France utilise un subterfuge pour augmenter la dépense publique sans aggraver le déficit public qui est déjà abyssal, elle ne doit pas oublier qu’elle devra néanmoins payer les intérêts du grand emprunt, qui, eux, viendront bien aggraver le déficit.

Dans ce cadre, avec déjà 60 milliards d’euros cette année, la charge de la dette risque de se rapprocher dangereusement des 70 milliards d’euros, stabilisant le déficit public au moins vers les 150 milliards d’euros, soit respectivement 3,6 % et 8 % du PIB français. Quant à la dette publique, elle devrait avoisiner les 85 % du PIB dès 2010. Ah ! Qu’ils paraissent loin les fameux critères du pacte de stabilité (à 3 % de déficit public et 60 % de dette)…

En conclusion, et même si la stagnation de l’emploi au troisième trimestre peut constituer un lot de consolation temporaire, il est clair que la croissance française restera lente et faible. Dans le meilleur des cas, elle atteindra 1,3 % l’an prochain. Ce qui se traduira par un taux de chômage stabilisé autour des 10 % et un déficit également stabilisé dans les abysses. Bref, 2010 ne sera pas une année de récession, mais restera une année de contrition.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Zone euro : la reprise molle se confirme.


Comme nous l’annoncions la semaine dernière dans nos prévisions hebdomadaires, le PIB de la zone euro a progressé de 0,4 % au troisième trimestre, contre 0,6 % prévu par le consensus.

Si, après cinq trimestres consécutifs de baisse du PIB, la zone euro est donc bien sortie de la récession, son rebond reste particulièrement mou. Et ce d’autant qu’après avoir baissé de 5,1 % entre le premier trimestre 2008 et le second de 2009, la hausse de 0,4 % du troisième trimestre fait figure de piètre rebond.

A titre de comparaison, après avoir reculé de 3,2 % pendant quatre trimestres consécutifs, le PIB américain a progressé de 0,9 % au troisième trimestre 2009. Comme cela s’était observé lors de la récession de 2001-2002, la crise vient des Etats-Unis mais c’est dans la zone euro qu’elle produit le plus de dégâts et c’est aux Etats-Unis que la reprise est la plus forte.

L’évolution comparée des glissements annuels le confirme d’ailleurs sans équivoque, puisque le glissement annuel du PIB américain est passé d’un plus bas de           – 3,8 % au deuxième trimestre à désormais – 2,3 %, contre un plancher de – 4,9 % pour le PIB de la zone euro au premier trimestre et un « rebond » à seulement – 4,1 % au troisième trimestre 2009.

Le PIB américain toujours devant celui de la zone euro.

Sources : BEA, Eurostat et Datastream

Comme cela s’était observé au deuxième trimestre, c’est l’Allemagne qui apporte la plus forte contribution à la croissance de la zone euro. Non seulement parce qu’elle représente un tiers du PIB de la zone, mais surtout parce qu’après avoir atteint 0,4 % au deuxième trimestre, la progression du PIB allemand a été de 0,7 % au troisième trimestre.

Cette remontée soutenue est néanmoins justifiée par le fait que l’Allemagne était aussi l’un des pays eurolandais les plus affectés par la récession. Il s’agit donc avant tout d’une croissance de rattrapage qui ne préfigure en rien l’instauration d’une phase de croissance forte et durable, ni outre-Rhin et ni pour l’ensemble de la zone euro. D’ailleurs, le glissement annuel du PIB allemand n’a fait que passer d’un point bas de – 6,7 % au premier trimestre 2009 à encore – 4,8 % au troisième. Et, selon l’indice du climat des affaires de l’enquête IFO, ce glissement annuel devrait au mieux atteindre – 2 % fin 2009. C’est dire la lenteur du rebond allemand.

Allemagne : Une reprise de rattrapage à pas comptés.

Sources : IFO, Bundesbank et Datastream

Bien entendu, l’amélioration de la demande allemande augmente de facto les exportations des pays de la zone euro. A commencer par celle de la France. Comme nous l’expliquons dans l’Humeur, c’est même uniquement grâce aux exportations que la France a évité le retour en récession au troisième trimestre.

Croissance française : rien de très flamboyant.

Sources : INSEE et Datastream

Pourtant, il est clair que la croissance de la France, de l’Allemagne et de la zone euro ne pourra pas tenir éternellement sur une bonne santé des exportations intra-communautaires. Non seulement parce que les exportations des uns sont les importations des autres. Mais surtout parce que le cercle vertueux de croissance ne pourra s’instaurer sans reprise durable de la demande intérieure privée, c’est-à-dire de l’investissement des entreprises et de la consommation des ménages.

De plus, si l’euro reste cher et si la BCE s’amuse à augmenter son taux refi trop tôt, la reprise s’étiolera et ne permettra pas aux créations d’emplois de s’installer. Et ce d’autant que de très nombreux pays de la zone euro sont encore particulièrement fragiles (telle l’Italie) ou toujours en récession (par exemple l’Espagne).

– 4 % : point de ralliement pour l’Espagne, l’Italie et la zone euro.

Sources : Eurostat et Datastream

Dans ce cadre, il est clair que l’appréciation de l’euro apparaît particulièrement malvenue et surtout dangereuse pour la pérennisation de la croissance.

 

L’appréciation de l’euro apparaît vraiment disproportionnée.

Sources : Bloomberg, Eurostat et Datastream

En conséquence, la zone euro ne devrait certes pas retomber en récession mais restera néanmoins engluée dans une croissance durablement molle qui atteindra au mieux 1,3 % en 2010.

Marc Touati

 

 



 

La météo économique de la semaine écoulée :

 

 

Les Marchés :

Quid du « juste prix » du Dow Jones et de l’Eurostoxx ?


A la suite de notre article sur le « juste prix » du Cac 40, nous avons reçu de nombreux messages nous demandant s’il était possible d’appliquer cette démarche aux indices américains et européens. Ces demandes nous satisfont à double titre. D’une part, parce qu’elles montrent que nos papiers sont lus et suivis. D’autre part, parce qu’elles confirment que les investisseurs retrouvent le goût des fondamentaux économiques, indiquant par là même que le temps de la panique et du pessimisme irraisonné est bien révolu.

Conformément à notre démarche de répondre constamment aux demandes de nos clients et lecteurs, nous allons donc appliquer notre méthode du « juste prix » au Dow Jones, au Standard & Poor’s 500 et à l’Eurostoxx 50.

De plus, toujours pour répondre aux demandes qui nous ont été adressées, nous publierons désormais chaque semaine, les niveaux d’équilibre des grands indices boursiers en fonction de nos prévisions de croissance économique, de bénéfices et de taux d’intérêt.

Tout d’abord, pour le Dow Jones, il faut souligner que le Price Earning Ratio théorique reste tout à fait raisonnable avec un niveau actuel de 15, contre une moyenne de quasiment 24 (23,9 précisément) depuis 1993.

Un PER très raisonnable.

Quant à 2010 et 2011, si le Dow Jones venait à se stabiliser autour des 10 300 points, le PER retomberait sous les 10. Autrement dit, pour stabiliser le PER à 15 et en supposant que les bénéfices des entreprises du Dow Jones augmenteront de 15 % en moyenne sur les deux prochaines années (ce qui reviendrait tout juste à rattraper les pertes des deux dernières années), l’indice phare de la place de New York devrait atteindre les 13 500 points.

Bien entendu, il ne s’agit là que d’un niveau théorique qui devra notamment être « apaisé » par la remontée de l’ordre de 100 points de base des taux obligataires à dix ans. Ce qui devrait donc se traduire par un « juste prix » du Dow Jones de l’ordre de 11 500 en 2010 et 13 000 en 2011.

Autrement dit, si la reprise est bien durable, le sommet historique des 14 000 points franchi en 2007 ne sera pas atteint.