Jean Sarkozy : premiers pas dans la cour des grands ?

C’est officiel, Jean Sarkozy a renoncé à briguer la présidence de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Défense (EPAD). Il faut dire que la possible nomination du fils du Chef de l’Etat à la tête de l’EPAD a suscité à gauche comme à droite une levée de boucliers dont le chef de L’Etat n’avait manifestement pas mesuré l’ampleur à priori. Ainsi Arnaud Montebourg très en verve contre la progéniture présidentielle n’hésita pas à affirmer « est ce le privilège de la naissance, est ce parce qu’il s’appelle Sarkozy qu’on nommerait un étudiant en droit de deuxième année à la tête de l’EPAD ? » ou encore répondant sur la question de sa légitimité « une chèvre pourrait être élue avec l’investiture UMP dans les Hauts de Seine ». A droite, même si la garde rapprochée du Président affichait une solidarité sans faille au régent Sarkozy, le malaise était bien présent au sein de la majorité présidentielle.

 

Il est vrai qu’en France, le pays de la méritocratie, tous les privilèges n’ont pas été abolis en 1789. On ne compte plus en effet les nombreuses dynasties familiales qui peuplent les allées du pouvoir, qu’elles s’appellent Debré, Joxe ou encore Ferry. Quoi que l’on en dise, le privilège de la naissance demeure indéniable en France. Qu’il s’agisse de l’accès aux grandes écoles (Polytechnique ou l’ENA notamment) ou plus généralement de l’accès aux postes d’influence, la « noblesse d’Etat » comme l’appelait Bourdieu a encore de beaux jours devant elle. Ainsi le capital culturel ou l’environnement social dont dispose un fils de ministre ou d’ambassadeur multipliera très fortement ses chances d’accéder aux plus hautes fonctions comparativement à un fils d’ouvrier. Les statistiques sur les origines socio-professionnelles des élèves intégrant Polytechnique ou l’ENA sont d’ailleurs très éloquentes. S’il est heureusement possible d’accéder à des postes de haut niveau lorsque l’on est d’origine modeste, on peut véritablement parler d’auto reproduction des élites en France.

 

Dans un pays où la lutte des classes est toujours dominante et où le chômage reste très élevé, l’ascension fulgurante d’un jeune homme de vingt deux ans, sans diplôme mais disposant pour seul sésame de son nom de famille et d’une pseudo légitimité électorale était donc très symbolique. Surtout si l’on se rappelle les discours de Nicolas Sarkozy sur le travail, le mérite, le culte de la performance et la culture du résultat. Pour beaucoup, la mise sur orbite du régent Sarkozy s’apparentait donc à de la provocation.

 

Alors que l’hyper présidence de Nicolas Sarkozy montre ses limites à mi mandat, l’affaire Jean Sarkozy ne pouvait pas plus mal tomber et le chef de l’Etat en a visiblement tiré les conclusions. Car même si Jean Sarkozy a fortement insisté sur le caractère individuel de sa démarche, il ne fait aucun doute que cette manœuvre de repli été pensée, calculée et orchestrée par l’Elysée.

 

Au delà d’une décision que la gauche ne manquera pas de qualifier de recul majeur pour le chef de l’Etat, l’éloquence et l’envergure dont Jean Sarkozy a fait preuve lors de l’annonce de sa décision pourrait bien marquer son entrée dans la cour des grands.

 

 

La phrase de la semaine :

«Jean Sarkozy a un talent que personne n’étouffera. Voilà 20 ans qu’il est dans le sillage de son père. Cela vaut pas mal de stages de qualification.» d’Eric Besson dans Paris Match

 

rôme Boué