Edouard Balladur ou l’ivresse du pouvoir

La parution du livre d’Edouard Balladur « le pouvoir ne se partage pas » dans lequel l’ex premier ministre dévoile les dessous de la cohabitation est une première. En effet jamais un ex Premier Ministre n’avait levé le voile sur ses discussions avec un Président de la République. Cet ouvrage est aussi l’occasion de revenir sur la célèbre confrontation qui opposa Edouard Balladur et Jacques Chirac pour la présidence de la République en 1995.

 

L’interprétation des évènements de l’époque est bien évidement totalement différente selon les deux hommes. En effet, Jacques Chirac s’estimait être le candidat naturel de la droite et Edouard Balladur lui devait sa présence à Matignon puisqu’un pacte tacite aurait été établi entre les deux hommes au sujet de cette élection. Conscient de ce que l’on appelle communément « la malédiction de Matignon » après son échec aux Présidentielles de 1988, Jacques Chirac avait abandonné la rue de Varenne à Balladur en 1993 afin de mettre toutes les chances de son côté pour l’élection de 1995. Accréditant cette thèse, Philippe Seguin affirme que malgré ses mises en garde répétées, Chirac n’avait jamais envisagé – jusqu’à la déclaration officielle de ce dernier – une candidature de son « ami de trente ans ».

 

La version d’Edouard Balladur est quant à elle diamétralement opposée. Selon l’ex premier ministre, il n’y aurait jamais eu de pacte et il ne devrait absolument rien à Jacques Chirac. Porté par des sondages extrêmement favorables et soutenu par une forte majorité à droite, il se voyait légitimement comme le candidat naturel de son camp. A l’époque, Philippe Douste-Blazy avait d’ailleurs affirmé : «On n’a jamais vu un pilote de Formule 1 réaliser le meilleur temps aux essais d’un grand prix et ne pas prendre part à la course ». A l’exception de Juppé, Seguin et Madelin, les fidèles étaient convaincus que Chirac ne gagnerait jamais l’élection de 1995. Edouard Balladur était donc devenu LE candidat de la droite. Quant à son « amitié de 30 ans », elle aurait été très largement exagérée par les médias.

 

Balladur a en fait été atteint par l’ivresse du pouvoir. Comme de nombreux Premiers Ministres en exercice, il a vraisemblablement pensé à l’Elysée le jour où il a franchi le seuil de Matignon. Dopé par des sondages exceptionnels, autoproclamé vainqueur par la presse avant même d’avoir fait campagne, Balladur en apesanteur s’y voyait déjà… La suite est connue : une campagne bâclée, un fossé qui se creuse avec les Français, un Jacques Chirac devenu une véritable bête de campagne ont ramené Edouard Balladur sur terre. Ce dernier fut alors disgracié avec son plus fidèle lieutenant Nicolas Sarkozy. Pour l’anecdote, si Balladur ne revint jamais en politique, Dominique de Villepin rappelle volontiers qu’il est celui qui a remis Nicolas Sarkozy dans le jeu politique en 1997, alors que ce dernier était persona non grata au RPR…

 

La phrase de la semaine :

«Nous, on suit les Pinault. Ce sont des amis charmants. Et puis, ce n’est pas coûteux.» de Jacques Chirac, à qui l’on demandait où il allait passer ses vacances d’hiver.

 

rôme Boué