Yves Bertrand fut l’un des hommes les plus puissants de France. Directeur Central des Renseignements Généraux de 1992 à 2004, il exerça ses fonctions sous l’autorité d’une dizaine de ministres. Cette longévité exceptionnelle à un poste aussi sensible fut longtemps considérée comme suspecte par ses détracteurs. En effet, la Direction des RG – véritable police politique au service du pouvoir en place – représente un poste hautement stratégique voué par définition à évoluer au rythme de l’alternance politique. Homme de l’ombre par excellence, et malgré sa réputation sulfureuse, Yves Bertrand sut très habilement gagner la confiance de François Mitterrand puis de Jacques Chirac.
Inconnu du grand public, l’ex locataire de la rue des Saussaies commença à faire parler de lui au début de l’année 2004. C’est en effet à cette date que le principal intéressé atteint l’âge de la retraite et est poussé vers la sortie par Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur. L’actuel Président souhaitait en effet que le Directeur adjoint des RG remplace Yves Bertrand en qui il n’avait aucune confiance. Bernard Squarcini avait toutes les qualités requises pour succéder à son patron : l’expérience du renseignement et surtout l’entière confiance de Nicolas Sarkozy. Mais c’est là où le bât blesse, puisqu’il faut se rappeler qu’en 2004, une guerre féroce opposait Jacques Chirac à son Ministre de l’Intérieur qui briguait la Présidence. La succession d’Yves Bertrand devient donc une affaire hautement politique et stratégique, où chaque camp avance ses pions. Bernard Squarcini jugé trop proche de Sarkozy se voit barrer la route par Jacques Chirac, qui propose alors un candidat qui sera lui même refusé par Sarkozy. Ambiance… Finalement, Chirac et Sarkozy trouveront un compromis en la personne de Pascal Mailhos, un préfet sans aucune expérience du renseignement.
Mais pour Nicolas Sarkozy, Yves Bertrand – même évincé – a conservé sa capacité de nuisance puisque le futur président le soupçonne de comploter pour lui barrer la route vers la Présidence. Yves Bertrand sortira de l’ombre dans le cadre de l’affaire Clearstream où il est mis en cause, confortant ainsi Nicolas Sarkozy dans son jugement. Puis la sortie de ses « Carnets secrets » alimenteront tous les fantasmes, à l’image de l’agenda d’Alfred Sirven. Yves Bertrand se défend bec et ongle et après un 1er ouvrage passé inaperçu, il vient définitivement sur le devant de la scène avec son ouvrage « Ce que je n’ai pas dit dans mes carnets », faisant fi du devoir de réserve que ses anciennes fonctions lui imposent. Ayant énormément de comptes à régler, notamment avec Nicolas Sarkozy, il sera bien sûr très difficile de trier le vrai du faux dans les affirmations de l’ancien patron des RG. La prochaine issue du procès Clearstream permettra peut être d’apporter des éléments de réponse sur la véritable personnalité de l’énigmatique Yves Bertrand. A l’image de son ami Marchiani, ex préfet du Var qui fit un séjour à la Santé, Yves Bertrand pourrait peut être repasser de la lumière à l’ombre.
La phrase de la semaine :
«Le seul problème quand on est Président, c’est qu’on ne peut pas être Ministre de l’Intérieur » de Nicolas Sarkozy
Jérôme Boué