Quelques réflexions après la pause estivale

Tout d’abord un commentaire sur la crise actuelle : elle est profonde (c’est une « maxi- récession » ou une « mini-dépression »), elle est universelle (presque tous les pays sont touchés ; certains plus que d’autres : Islande, Lettonie etc ; certains moins que d’autres : Chine, Inde, etc). Par ailleurs, elle a touché pratiquement tous les secteurs industriels, à un moment ou à un autre (avec aussi des inégalités de traitement : les professions financières ou l’automobile ont été plus touchées que le luxe ou l’agro-alimentaire). On a  constaté, contrairement à certaines théories, que les différents marchés (Europe, Amérique, Asie) n’étaient pas du tout « découplés », mais très interdépendants, ce qui est compréhensible, compte tenu de la mondialisation croissante. De même, les classes d’actifs sont apparues relativement corrélées, les matières premières baissant en même temps que le cours des actions. Bref, cette crise est vraiment violente et plus proche de la crise de 1929 (bien que les actions rapides de gouvernements aient pu en atténuer les effets) que des mini-crises que nous avons connues depuis la Deuxième Guerre Mondiale.

 

Quelles sont les principales questions qui se posent aujourd’hui ? La première, essentielle, est la durée de la crise et les conditions de sa sortie. La plupart des observateurs ont évoqué les « lettres » de l’alphabet, pour illustrer les scénarios de reprise : u,v, w,etc.

En ce qui me concerne, je crois plutôt à une évolution de type « tôle ondulée » c’est-à-dire une « fausse sortie de crise », suivie d’une rechute, d’un redémarrage lent et probablement d’une nouvelle récession, dans la mesure où, contrairement aux précédentes crises, l’endettement généralisé (Etats, ménages, entreprises) et les systèmes bancaires apparaissent fragilisés, ce qui réduit la marge de manœuvre  des gouvernements pour relancer la croissance. En outre, divers obstacles peuvent se mettre en travers d’une reprise forte : la fragilité potentielle du dollar, le risque de la création d’une bulle « obligataire » (à la suite du recours excessif à ce marché) d’éventuels défauts de paiement de la dette « souveraine » ( pouvant créer un effet « domino » dans la sphère financière), un regain d’inflation à moyen terme (les Etats seront tentés de laisser filer les prix, pour alléger leurs charges financières résultant de leur excès d’endettement).

Deuxième question : va-t’on assister à une refondation du capitalisme, telle que le souhaitent à la fois l’opinion publique et certains dirigeants politiques ? Je ne le crois pas, car les pays leaders de ce système, à savoir les Etats-Unis et la Grande Bretagne, sont convaincus que le système libéral est le plus efficace et ne doit être réformé qu’ « à la marge ». On constate d’ailleurs que les établissements financiers, américains (cf. Goldman Sachs) mais aussi européens (cf.la BNP), retrouvent très rapidement les pratiques d’antan, en matière de bonus, par exemple.

Troisième question, pour terminer : Quelles leçons doit-on tirer de cette crise? Tout le monde reconnait que la régulation reste indispensable, puisque la  supervision « prudentielle » (c’est-à-dire par les acteurs du système financier eux -mêmes) est insuffisante. Mais pour qu’elle soit efficace, il faut qu’elle soit harmonisée au niveau mondial ou, du moins, « coordonnée ». C’est là, où une institution comme le « Groupe des 20 » (les Etats les plus importants de la planète) a un rôle essentiel à jouer.

 

Pour conclure, on peut s’interroger sur la meilleure façon d’infléchir le système, à moyen terme, sachant qu’à court terme il va de nouveau fonctionner comme avant la crise (« business as usual »). Comme je l’ai écrit précédemment, c’est vraisemblablement à travers la prise en compte du développement durable que le système pourra être réformé.

La prise en compte du « capital immatériel » d’une entreprise, que sont « la réputation » (cf. Hermès), le savoir- faire(cf. Essilor) , la compétence de son personnel (cf. Lafarge) ou la fidélité de ses actionnaires (cf .Air Liquide), et cette liste n’est pas exhaustive, implique que les préoccupations immédiates s’effacent devant les projets à plus long terme et une « gestion dans le temps », synonymes de meilleures performances, avec un effet d’entraînement pour l’ensemble des entreprises.

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite à HEC
   Président du Club Finance