Tout juste deux ans après l’éclatement de la crise des subprimes début août 2007 et alors que la planète économico-financier se prépare à « célébrer » le premier anniversaire de la faillite de Lehman Brothers, c’est vraisemblablement au tour de la grippe A de semer le trouble. Pis, selon certains Cassandres qui ont décidemment la dent dure, celle-ci pourrait casser l’actuelle reprise économico-boursière qui reste d’ailleurs très fragile. Autrement dit, ce que les « cupides » marchés financiers et les « méchants » traders n’ont pas réussi à faire, de simples microbes vont y parvenir. Ouf ! Les Bearish vont pouvoir se refaire une santé, à moins qu’ils n’attrapent la grippe…
Blague à part et aussi étonnant que cela puisse paraître, ces trois fléaux sont réunis par un point commun, à savoir la désinformation. En effet, la crise des subprimes étaient notamment due au fait que certains, et notamment les agences de notation, ont laissé croire que l’on pouvait augmenter le rendement sans accroître le risque. Dès lors, certains produits à risque et parfois même extrêmement dangereux, ont été accrédités des meilleures notes possibles, à savoir de A à AAA.
Cette « tromperie sur la marchandise » va néanmoins être dépassée par une erreur fatale, la faillite sèche, c’est-à-dire sans préparation et sans sécurisation du périmètre, de Lehman Brothers. L’incompréhension va alors atteindre un degré tel qu’elle va susciter un mouvement de panique international et historique. Et pour cause : plus un phénomène échappe à l’entendement et plus il est incompris, plus il fait peur et peut générer les conséquences les plus extrêmes. Ainsi, du jour au lendemain, de trop nombreux citoyens du monde vont se mettre à craindre l’écroulement du système bancaire, la disparition de leur épargne, alimentant une psychose qui va notamment se traduire par une raréfaction du crédit, un déstockage et un désinvestissement massif de la part des entreprises et in fine une augmentation excessive du chômage.
Ignorant les nombreux plans de sauvetage puis de relance menés un peu partout, 95 % des prévisionnistes de la planète vont alors annoncer que l’économie mondiale va s’enfoncer dans une crise au moins aussi grave que celle de 1929 et que le retour de la croissance n’aura pas lieu avant 2011… De quoi rappeler qu’il ne faut pas trop écouter les soi-disant spécialistes qui, finalement, ne font souvent que suivre le consensus et alimentent par là même la désinformation, si possible dans le sens du catastrophisme.
La grippe H1N1 est malheureusement porteuse des mêmes germes. Tout d’abord, à l’instar des dettes subprimes titrisées, elle se caractérise par un A, voire par un AAA si l’on en croit les plus alarmistes. Ensuite et surtout, elle est entourée d’un flou artistique d’incertitudes et d’incompréhension : d’où vient-elle ? Est-elle mortelle ? Est-elle fortement contagieuse ? Peut-on la soigner ?, Va-t-elle muter ? Autant de questions sans réponse claire qui alimentent la désinformation et par là même la peur. Enfin, et compte tenu de ces incertitudes, la grippe A a potentiellement la faculté de « gripper » le moteur économique en réduisant l’activité et bien entendu l’emploi qui n’est déjà pas très en forme.
Pour autant et fort heureusement, il existe également un quatrième point commun entre la grippe A et la crise financière, en l’occurrence l’évitement du scénario catastrophe tant annoncé. En effet, de la même façon que la réactivité et l’adaptabilité des économies, des entreprises et des citoyens face à la crise financière ont été minorées par l’écrasante majorité des prévisionnistes, la possibilité d’un impact limité de la grippe A est généralement occultée.
Bien entendu, nous ne sommes ni médecins, ni docteurs en épidémiologie. Il nous sera donc plus difficile d’être aussi affirmatifs avec la sortie de la grippe A que nous l’étions il y a quelques mois, un peu seuls contre tous, en matière de sortie de la crise financière. Pour autant, en faisant l’hypothèse que le consensus aura encore tort et que la pandémie de grippe A ne sera pas dramatiquement mortelle, il est fort probable que les impacts économiques de celle-ci seront limités.
Tout d’abord, à l’instar de ce qui a pu s’observer au Mexique, en Argentine ou dans certains Etats américains, il est clair que la chute d’activité qui serait liée à la fermeture partielle d’usines, d’entreprises, d’écoles et d’administrations serait ensuite compensée par un regain technique d’activité lors de la réouverture de ces dernières. Autrement dit, l’impact économique ne serait que temporaire. Ensuite, de par le niveau (excessif ?) de préparation actuelle et l’état plutôt appréciable de nos installations sanitaires, sans parler de l’arrivée prochaine d’une vaccination généralisée et gratuite, le risque d’une dérive incontrôlée et incontrôlable reste faible. Enfin, c’est un peu triste à dire, la menace de la grippe va accroitre mécaniquement la consommation de produits médicamenteux et pharmaceutiques en tous genres. Les activités paramédicales, des services de propreté en entreprises et lieux publics et bien sûr les services à la personne ne seront également pas en reste.
De là à laisser croire comme le font certains que les « méchants boursiers » vont profiter de la grippe A pour engranger des profits, il n’y a qu’un pas, que nous franchirons néanmoins pas. Et pour cause : depuis le début de l’année l’indice boursier des valeurs pharmaceutiques du S&P 600 n’a progressé que de 1,7 %, contre une augmentation de 15,7 % pour l’indice global. Encore une idée reçue à laquelle il fallait bien tordre le cou…
En conclusion, à l’instar du bug de l’an 2000, des couacs informatiques liés à l’introduction de l’euro, de la maladie de la vache folle, du SRAS de 2003, ou encore du krach de 1929 version 2009, la grippe A devrait finalement nous faire plus de peur que de mal. Sinon, nous ne serons peut-être plus là pour en parler, alors, comme nous l’écrivions début 2009 lorsque la crise laissait imaginer le pire : Carpe Diem.
Marc Touati