Rebond boursier, PIB américain, Japon… (E&S n°92)

Humeur :

Bourse : Cachez ce rebond que je ne saurais voir…


Il y a quasiment un an (le 8 août 2008 pour être précis), nous écrivions dans ces mêmes colonnes, une chronique intitulée « Cachez cette récession que je ne saurais voir… ». A l’époque, nous soulignions le refus de la grande majorité des dirigeants politiques et monétaires européens (en particulier en France) de reconnaître l’avènement d’une récession dans la zone euro, notamment en France, depuis le printemps 2008. A les entendre, le mot « récession » n’avait pas de sens et il était donc tout à fait justifié d’augmenter le taux refi de la BCE, de maintenir l’euro à 1,60 dollar et de ne pas engager de soutien fiscal à l’activité. La suite des publications statistiques a pourtant montré qu’avant même la faillite de Lehman Brothers, le PIB a baissé au deuxième et au troisième trimestre, tant dans la zone euro qu’en France. La panique financière de l’automne n’a évidemment rien arrangé, engageant le monde dans une spirale de pessimisme et de défaitisme massif.

Cette spirale dévastatrice a tellement bien fonctionné qu’aujourd’hui nous vivons la réciproque de la situation de l’été 2008 dans la mesure où quasiment personne ne veut croire au rebond tant boursier qu’économique qui se dessine depuis le printemps dernier. Et pour cause : dans la mesure où 95 % des intervenants financiers, des prévisionnistes et autres observateurs de la chose économique n’ont pas anticipé ce rebond, ils ne veulent non seulement pas y croire, mais, au surplus, persistent à annoncer que la rechute forte et durable est inévitable.

Chacun y va de son argument ad hoc : spéculation, déclencheurs automatiques de mouvements d’achat, faiblesse des volumes, myopie des investisseurs… Bien entendu, tous ces éléments recèlent une part de vérité, mais qui reste limitée. Ce qui est amusant réside dans le fait que dans la phase de baisse excessive de l’hiver dernier, ces arguments tout aussi crédibles n’étaient absolument pas avancés. Cela confirme bien que les partisans du Bear Market sont toujours largement majoritaires et refusent d’admettre qu’ils ont eu tort. Car, ne l’oublions pas, le 9 mars dernier, lorsque le Cac 40 touchait les 2500 points, plus de 95 % des prévisionnistes, stratégistes et autres devins annonçaient que la messe était dite et que le Cac 40 plongerait rapidement vers sous les 2000 voire vers les 1500 !

A l’époque, nous étions parmi les très rares à anticiper l’imminence d’un rebond. Et ce non pas par divination ou autre magie noire, mais simplement en nous basant sur les fondamentaux économiques. Certes, ce type de stratégie ne nous permet pas d’avoir toujours raison. Il ne nous a par exemple pas permis de prévoir la faillite de Lehman Brothers dans les conditions dans lesquelles elle a été menée et qui ont généré un mouvement de panique mondiale inextinguible. C’est là que s’arrête le travail de l’économiste car ce dernier ne peut prévoir que ce qui est économiquement prévisible et ne doit donc pas baser ses prévisions sur des spéculations ou des catastrophes imprévisibles.

Ceux qui annoncent qu’ils avaient prévu la gravité de la crise qui a suivi la faillite sauvage de Lehman sont donc des usurpateurs. Le seul qui l’avait prévu reste évidemment Nouriel Roubini mais dans la mesure où celui-ci annonçait cette crise depuis plus de dix ans, il fallait bien qu’il ait raison un jour. De la même façon, celui qui aujourd’hui annonce un nouvel écroulement de la croissance mondiale et des bourses internationales en anticipant une grave pandémie mortelle de la grippe A ou un conflit au Moyen-Orient n’est pas sérieux et devrait vite prendre quelques semaines de vacances.

Autrement dit, si le pire est toujours possible, il n’est pas opportun de ne voir l’avenir que dans ce sens, de la même façon qu’il n’est pas convenable de nier les difficultés qui entourent l’actuel rebond économico-boursier. Mais, de grâce, que l’on arrête de dire que ce rebond n’existe pas, qu’il n’est qu’une illusion…

Les faits sont d’ailleurs clairs : entre le 9 mars et le 12 juin, le Dow Jones a gagné 33,9 %, pour reperdre ensuite 7,4 % jusqu’au 10 juillet et reprendre ensuite plus de 11 % en onze jours de bourse. Bien entendu, il faut souligner qu’en repassant au-dessus de la barre des 9 000, l’indice phare Wall Street n’a fait que revenir vers ses niveaux de novembre 2008. Néanmoins, comparativement à la bérézina majoritairement annoncée, le rebond demeure extrêmement appréciable. Et ce d’autant qu’il a résisté au mouvement de prises de bénéfices de juin. Et c’est peut-être là que réside le plus important : dans la mesure où 95 % des investisseurs ont raté le premier rebond, certains d’entre eux ont décidé de ne pas rater le deuxième et ont donc acheté massivement des actions après la correction baissière de juin.

Un mouvement similaire de yo-yo devrait s’observer pendant encore quelques mois, au gré des publications statistiques qui continueront de souffler le chaud et le froid, comme lors de chaque reprise économique. Cette dernière est effectivement rarement rectiligne et enregistre souvent des soubresauts à l’allumage.

Ainsi, le Cac 40 par exemple devrait osciller entre 3000 et 3500 jusqu’à l’automne prochain. Car ce n’est qu’à partir du troisième trimestre que le rebond économique américain et mondial sera confirmé. L’économie européenne devra certes attendre le début 2010 pour une telle confirmation mais dans la mesure où les Etats-Unis continuent de donner le « la » sur les marchés boursiers européens, ces derniers devraient connaître, à l’instar de leurs homologues américains, un rally de fin d’année.

Et ce d’autant, qu’après s’être livré à un cost cutting massif, les entreprises verront leurs marges flamber avec la moindre hausse de leurs chiffres d’affaires. Si les résultats des entreprises du deuxième trimestre sont donc encore moyens, ceux du troisième trimestre devraient donc être flamboyants. Les derniers réticents à accepter le rebond ne pourront alors plus jouer au tartuffe en refusant de voir la réalité et reviendront eux aussi à l’achat sur les actions.

D’ici là, la grippe A, la bombe iranienne ou l’augmentation du taux refi de la BCE auront peut-être fait sauter une nouvelle fois la planète économico-boursière internationale, mais là nous n’y pouvons rien.

Voilà pourquoi, dans des conditions géopolitiques et sanitaires normales, nous maintenons nos prévisions d’un Cac 40 à 4000 et d’un Dow Jones à 10 000 pour la fin 2009-début 2010, prévisions que nous annoncions en mars dernier…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Récession américaine : l’hémorragie est stoppée.


Et de quatre ! A l’instar de son homologue eurolandais mais dès le premier trimestre 2009, le PIB américain vient d’enregistrer son quatrième trimestre consécutif de baisse. C’est donc la première fois depuis l’après-guerre qu’une telle succession est observée aux Etats-Unis. Conséquence logique de ce funeste record, le glissement annuel du PIB atteint – 3,9 %, là aussi du jamais vu depuis l’après-guerre.

Mais au-delà de ces résultats tristement historiques, les comptes nationaux du deuxième trimestre montrent également que l’économie américaine a réussi à stopper l’hémorragie engendrée par la crise financière, préparant le terrain à une augmentation du PIB dès le troisième trimestre 2009.

Le fond a été touché.

En effet, après trois trimestres de forte baisse (- 2,7 % en rythme annualisé au troisième trimestre 2008, – 5,4 % au quatrième et – 6,4 % au premier de 2009), le PIB n’a reculé que de 1 % au deuxième trimestre, soit une baisse de 0,27 % en rythme trimestriel. Si la baisse est donc toujours présente, nous restons très loin de l’écroulement fort et durable tant annoncé ici ou là.

D’ailleurs, hors stocks, le PIB n’a reculé que de 0,1 % sur le trimestre, montrant que le potentiel de croissance qui sera apporté par la décélération puis l’arrêt du déstockage au cours des prochains trimestres reste conséquent.

De même, si la consommation des ménages a repris le chemin de la baisse (-1,2 % en rythme annualisé après une augmentation de 0,6 % au premier trimestre), ce n’est qu’à partir de juin et surtout des prochains mois qu’elle va bénéficier des impacts positifs des cadeaux fiscaux du plan Obama.

Plus globalement, ce dernier ne va commencer à agir sur l’activité américaine au sens large qu’à partir du troisième trimestre.

Le fort ralentissement de la baisse de l’investissement des entreprises observé au deuxième trimestre (- 8,9 % contre – 39 % au premier trimestre) montre d’ailleurs que le plus dur est passé sur le front du désinvestissement.

A présent que le plan Obama se met en place, que les carnets de commandes de biens d’équipement hors militaires se redressent et que les entreprises retrouvent une certaine dose d’optimisme, l’investissement productif devrait retrouver le chemin de la hausse à partir du troisième trimestre 2009.

En outre, si le commerce extérieur a continué de contribuer positivement à la croissance (lui apportant 1,6 point en rythme annualisé), le nouvel accès de faiblesse du dollar et le rebond des économies émergentes constituent des soutiens de poids pour permettre de maintenir une telle contribution positive.

Enfin, l’augmentation de 5,6 % des dépenses publiques au deuxième trimestre devrait être renforcée dans les prochains trimestres et jusqu’en 2010, puisque le gros du plan de relance sera mené au second semestre 2009 et l’an prochain.

Le rebond est déjà en marche.

Autrement dit, l’économie américaine a bien touché le fond au printemps dernier et commence à sortir de l’ornière progressivement pour retrouver une variation positive de son PIB dès le troisième trimestre 2009.

En fait, tous les ingrédients du rebond sont en train de se mettre en place : relance budgétaire, consommation, investissement, restockage et réduction du déficit extérieur. Il suffit simplement de ne pas être trop pressé et de ne pas oublier que les relances budgétaires et monétaires mettent toujours au moins six mois avant d’agir sur l’activité. Tout vient à point à qui sait attendre…

Dans ce cadre, après avoir atteint un plus bas historique à – 3,9 % au deuxième trimestre 2009, le glissement annuel du PIB américain pourrait bien finir l’année à + 0,2 % et atteindre + 3 % dès le deuxième trimestre 2010. Ainsi, après avoir reculé de 2,3 % sur l’ensemble de l’année 2009, le PIB de l’Oncle Sam devrait progresse de 2,7 % en 2010.

Marc Touati



 

 

Les Marchés :

Les enseignements de la crise japonaise.


.


A maux similaires, remèdes similaires. La crise actuelle est souvent comparée à celle des années 30. Pourtant, elle a plus de points communs avec la crise japonaise des années 90. Elles débutent toutes deux par l’éclatement d’une bulle immobilière entraînant un credit crunch, une crise du secteur financier puis une contagion à l’économie réelle. En 12 ans le Nikkei chute de 40,000 à 7,500 points , l’immobilier perd près de 75%, le chômage explose, le système de retraite est en quasi faillite, c’est la fin de l’emploi à vie et du salaire à l’ancienneté… La société japonaise change fondamentalement. Bien qu’ayant à un instant menacé l’économie mondiale, la crise japonaise restera domestique. Mais la crise actuelle, par les engagements disproportionnés de titrisation des subprimes américains et leur propagation à l’échelle planétaire aurait quasiment détruit l’ensemble du système financier global à l’automne dernier sans l’aide des gouvernements des grandes puissances.

Dans les conditions macroéconomiques mondiales actuelles, comment l’Europe pourrait-elle s’inspirer des politiques japonaises incitatives sans répéter les mêmes erreurs ? La stratégie nipponne peut se résumer en sept mesures principales.

 

Première mesure :  Innonder le marché de liquidités pour faire face au credit crunch et à la fragilisation du système bancaire. Le Japon applique trop tardivement une politique monétaire de taux 0% car la croissance du pays était déjà atone. Dans la crise actuelle, les grandes puissances ont réagi beaucoup plus rapidement au choc provoqué par la faillite de Lehman Brothers.

 

Deuxième mesure : Sauver les banques et le système financier, racheter les créances douteuses et placer les établissements en péril sous tutelle de l’Etat. Un remède similaire est appliqué ces derniers mois dans de nombreux pays de manière plus réactive mais surtout coordonnée tant au niveau européen que mondial. Dans le cas du Japon, la crise est restée domestique car les obligations d’état à long terme avaient été achetées principalement par les institutions financières du pays. Ce modèle n’est pas répliquable dans les conditions actuelles et, à l’image du Japon, ces sauvegardes auront un coût qui devra probablement être supporté par une fiscalité plus lourde.

 

Troisième mesure : Initier une politique de grands travaux et de stimuli publics pour relancer l’économie. Si l’effet positif au Japon a été incertain (puisqu’ils visaient principalement à renforcer le réseau routier), ils pourraient s’avérer plus efficaces aujourd’hui, à l’image du plan américain qui vise à investir dans des secteurs de pointe et d’avenir.

 

Quatrième mesure : Adopter des mesures de politique monétaire non conventionnelle. Le quantitative easing peut être une solution efficace s’il vise le rachat de titres à long terme. Le Japon a malencontreusement développé une politique de quantitative easing (mars 2001-2006) en se concentrant sur la partie courte de la courbe des taux. L’effet pour les banques a été positif car elles ont pu se recapitaliser plus vite pourtant les liquidités n’arrivaient pas suffisamment dans le tissu des PME. Alors la BOJ a dû intervenir directement pour apporter un financement pérenne aux entreprises. Fort de cette observation, les Etats-Unis et le Royaume–Uni ont décidé en 2008 de faire du quantitative easing sur du long terme et doubler le total du bilan de la Fed en 6 mois là ou le Japon avait mis 3 ans.

 

Cinquième mesure : Faire évoluer les règles prudentielles et comptables. Par exemple les banques japonaises n’avaient pas l’obligation d’effectuer un mark-to-market de leurs portefeuilles immobiliers dans les années 90. Cela a conduit à une sous capitalisation structurelle des banques et à une augmentation du risque de faillite. Aujourd’hui c’est l’inverse qui se produit. Les règles comptables internationales et Bâle 2 accroissent à posteriori le besoin de liquidités pour renforcer les fonds propres. Une fois la crise financière débutée, il n’est en effet plus possible d’assurer un mark-to- market des actifs à risque, et il est trop tard pour augmenter les fonds propres compte-tenu du phénomène de credit crunch. Sans l’intervention des banques centrales il y a une maximisation du risque systémique. Par conséquent, le mark-to-market et la Value