Quels sont les nouveaux risques ?

Après plus de trois mois de fort rebond des marchés boursiers, il fallait bien que cela se calme un peu. Histoire de prendre ses bénéfices et de se préparer pour un nouveau rallye de fin d’année. D’ici là cependant, les marchés et plus globalement l’économie mondiale vont devoir, une fois de plus, affronter toute une série de risques qui empêcheront toute euphorie durable, sans pour autant inverser le rebond esquissé depuis mars dernier. A l’instar des péchés capitaux, ces risques sont, selon nous, au nombre de sept.

Le premier est évidemment dans tous les esprits puisqu’il s’agit de la situation en Iran. Après les espoirs d’ouverture du régime islamique, d’abord déçus, puis revigorés et enfin en suspend, la question reste de savoir si oui ou non l’Iran va revenir dans le concert des Nations, apportant son lot de pétrole et de croissance à l’économie mondiale ou bien si, au contraire, l’Iran va se lancer dans une surenchère d’obscurantisme dont l’issue pourrait être fatale tant à la paix qu’à la stabilité économique et politique de la région, voire du monde.

Le second risque est encore plus immaîtrisable puisqu’il s’agit d’un risque climatique, à savoir l’occurrence ou non de cyclones dévastateurs en Floride et dans le Golfe du Mexique lors de l’été prochain. Depuis Rita et Katrina, les marchés pétroliers et financiers se transforment chaque été en centre météo, tandis que les économistes et prévisionnistes en tous genres se rapprochent de leurs camarades d’infortune, à savoir les météorologues.

Dans le prolongement de ces deux premiers risques, le troisième réside dans l’avènement d’un nouveau mouvement spéculatif massif sur les prix pétroliers et des matières premières au sens large. Il va de soi que si le baril devait retrouver les 150 dollars et l’indice CRB des matières premières ses sommets de l’an passé, la reprise de l’économie mondiale qui se dessine depuis quelques mois en pâtirait fortement. Sauf cataclysme imprévu, ce risque est cependant faible. En effet, la remontée récente des prix pétroliers s’explique avant tout par la reprise progressive des économies américaines et chinoise qui restera modérée et donc ne permettra pas une flambée comme l’an passé. En outre, si la croissance redémarre, les marchés boursiers resteront bien orientés, ce qui limitera mécaniquement les mouvements spéculatifs vers les matières premières qui n’atteindront donc pas l’ampleur du printemps-été 2008.

Après l’Iran, le Golfe du Mexique et les marchés pétroliers, le spectre du risque se concentre également sur l’Europe qui, d’un point de vue économique et financier, constitue finalement l’une des zones les plus risquées de la planète. En effet, comme nous l’expliquions la semaine dernière, l’Europe de l’Est est sur le point de devenir le « subprime » de l’Europe occidentale, c’est-à-dire une bulle de dettes qui prendra des années à être résolues.

Parallèlement, si l’essentiel du « ménage » a été réalisé dans les banques américaines, qui commencent d’ailleurs à rembourser les avances accordées par l’Etat au plus fort de la crise, les banques européennes restent particulièrement fragiles et représentent par là même un quatrième risque. Tout d’abord, parce que toute la lumière n’a pas encore été faite sur l’état de leurs créances douteuses et que, ce faisant, certains cadavres pourraient sortir de leurs placards dans les prochaines semaines. Ensuite et surtout, si, après avoir déjà dû avaler les couleuvres du krach internet, de la crise des subprime et de la crise financière de la fin 2008-début 2009, les banques européennes doivent encore subir les affres d’une défaillance partielle de l’Europe de l’Est, il ne restera plus très cher de leur peau…

C’est dans ce cadre que s’insère le cinquième risque, à savoir la politique de la BCE. En effet, à l’image de son resserrement monétaire mené en juillet 2008 en pleine récession ou encore de son refus actuel de baisser son taux refi au niveau des taux de base des ses consœurs du monde développé, la BCE pourrait bien nous gratifier d’une de ses surprises de mauvais goût. A savoir, adopter un discours plus restrictif, voire augmenter son taux refi dans le sillage de l’inévitable reflation des prochains mois liée au rebond technique des cours des matières premières. Si tel est le cas, l’euro flambera de nouveau, étouffant dans l’œuf la petite reprise qui se dessine dans la zone euro pour la fin 2009.

C’est alors que pourra se matérialiser un sixième risque, en l’occurrence l’explosion de la zone euro. Car il est clair qu’étant déjà au bord de la crise sociale, des pays tels que la Grèce, l’Espagne, le Portugal, voire l’Italie ne pourront pas supporter une nouvelle appréciation de la devise eurolandaise et pourront alors être obligés de sortir de la zone euro pour éviter un marasme sociétal. Ils retrouveront alors une devise en phase avec leurs fondamentaux économiques, c’est-à-dire dépréciée d’environ 50 % et rembourseront leur dette publique en monnaie de singe.

C’est d’ailleurs là que réside le septième et dernier risque, à savoir l’augmentation insupportable des dettes publiques inefficaces, c’est-à-dire des dettes qui ne produiront pas assez de croissance économique pour combler leurs coûts. Or, cela est malheureusement le cas dans la grande majorité des pays de la zone euro qui sont, au surplus, confrontés à des difficultés croissantes pour assurer le financement de leur retraite par répartition, France et Allemagne en tête. Autrement dit, alors que les Etats-Unis, la Chine et l’Inde seront en train de se répartir le nouveau gâteau de la croissance mondiale, la zone euro risque de devoir recoller les morceaux d’un « modèle » économico-social extrêmement coûteux qui ne sait plus générer une croissance forte et durable.

Que les Cassandres et les Bearish soient donc rassurés, ils ont encore pas mal de grains à moudre, surtout s’ils sont européens. En revanche, ne l’oublions pas, à force de subir des crises à tout bout de champ, les acteurs économiques et financiers européens sont devenus aguerris. La preuve frappante de cette adaptation réside notamment dans la résistance des entreprises françaises face à la crise. Et pour cause : cela fait trente ans qu’elles doivent affronter au quotidien toute une série de rigidités fiscales et réglementaires, de contrariétés et de freins en tous genres, sans parler d’une croissance toujours plus molle. Même si nous ne sommes pas des adeptes de Nietzsche, ce dernier synthétisait parfaitement ce comportement en rappelant que « tout ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort ». Alors n’ayons pas peur des risques, sachons simplement les identifier pour mieux les affronter.

Marc Touati