Tout d’abord, il est indispensable de rappeler les principes de base du libéralisme économique, au nombre de six :
– propriété privée des moyens de production ;
– liberté d’entreprendre ;
– libre échange, au niveau international ;
– libre concurrence et, donc, lutte contre les monopoles ;
– existence d’un cadre juridique clair et stable ;
– présence de règles du jeu identiques pour tout le monde.
Les détracteurs de ce système ont tendance à pointer du doigt les dérives du système : le libre-échange devenu « mondialisation » et prétexte à délocalisation industrielle et à « concurrence déloyale » ; la libre-concurrence assimilée au « droit du plus fort », donc la « jungle » ; et la liberté d’entreprendre qui aboutirait à accroître « les inégalités. Depuis la chûte du communisme, personne n’ose plus contester la propriété privée, comme source de création de richesse sauf en cas de mauvaise gestion avérée (cf. le secteur bancaire, où le terme de « nationalisation » a retrouvé de son lustre !).
Pourtant la crise financière actuelle n’est pas la conséquence du libéralisme, mais résulte plutôt d’une perversion des règles de ce système, dans la mesure où ce sont les Pouvoirs Publics américains qui sont intervenus pour modifier ces règles du jeu : le gouvernement fédéral a abrogé les règlementations bancaires prudentielles qui encadraient les banques d’affaires, autorisé le développement des crédits « subprimes » au lieu de construire des logements sociaux pour les ménages défavorisés (et donc insolvables) et favorisé l’oligopole bancaire mené par « les investment banks » (dont les membres les plus éminents fréquentent les hautes sphères gouvernementales, voire les agences de régulation !).
Par ailleurs, au niveau international, la libéralisation des échanges s’est accomplie, sans que les acteurs soient mis sur un pied d’égalité, du point de vue des contraintes juridiques et sociales : ainsi les produits chinois ne supportent pas les mêmes règles, en matière de droit du travail, de normes de qualité ou de « traçabilité environnementale » que des produits similaires européens, japonais ou américains : la présence de règles du jeu identiques pour tout le monde n’est donc pas respectée.
Si l’on dresse un rapide bilan de l‘émergence du libéralisme économique, après 1945 (et surtout après1980), on constate qu’il a permis de faire sortir plus d’un milliard d’individus de la misère (n’oublions pas que les famines en Chine ont fait plus de 10 millions de morts sous le gouvernement de Mao-Tsé-Toung). Des pays comme le Japon ou la Corée du Sud, qui étaient encore des économies « archaïques » en 1945 ont rejoint progressivement l’OCDE. L’Inde ou le Brésil sont en train de suivre ces exemples. Globalement, la croissance du PIB mondial a largement dépassé les taux en vigueur aux siècles précédents. Il en est de même du commerce international et des investissements étrangers.
Par conséquent, malgré toutes ses imperfections : existence de « cycles » séparés par des crises à répétition, difficultés à résorber les inégalités, le libéralisme économique a réussi à apporter la prospérité (calculée en PIB per capita) à un maximum d’individus, et à faciliter l’émergence d’économies représentant un tiers de l’humanité, depuis
Ce qui n’empêche pas d’examiner régulièrement les « règles du jeu » de ce système, afin de les améliorer, à l’occasion justement des crises périodiques qu’il est amené à subir.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC
Président du Club Finance