Les entreprises françaises face au développement durable

Lors du petit-déjeuner de présentation du rapport : « Développement Durable et Performance », réalisé par le Club Finance HEC en partenariat avec La Poste, un certain nombre de commentaires intéressants ont été émis concernant les stratégies élaborées par les entreprises, pour concilier les contraintes de rentabilité, d’une part et les objectifs de développement durable, d’autre part.

Une typologie des comportements adoptés par celles-ci peut être facilement dressée. Il y a d’abord les entreprises qui ont privilégié une stratégie défensive : le moins de développement durable possible, tout en respectant les règlementations en vigueur, de façon à ne pas perturber leur « business model » traditionnel. Ensuite, on peut identifier les entreprises qui utilisent le développement durable comme un alibi, profitant de cette opportunité pour optimiser leur communication extérieure (ce qu’on appelle le « greenwashing »).

Enfin, il existe des sociétés qui considèrent le développement durable comme un vecteur important dans la création de valeur  (par exemple, à travers des projets adossés à des « greentech » ou « des cleantechs », tels que la voiture électrique, l’éolien, le service à la personne ou le recyclage).

Les facteurs explicatifs du choix d’une politique de développement durable  sont au nombre de quatre : le secteur industriel (une entreprise appartenant à l’industrie lourde ne réagira pas de la même façon qu’une société de service) ; la cotation en bourse (qui implique de publier chaque année un rapport environnemental ) ; la taille (et donc les moyens financiers d’une véritable politique de Développement Durable) ; la culture d’entreprise (qui inclut également l’histoire passée de la société , ainsi que le profil de ses dirigeants).

En terme d’organisation interne, la plupart des firmes doivent arbitrer entre, d’un côté, les initiatives du Directeur du développement durable, qui raisonne globalement, surveillant un « tableau de bord » essentiellement qualitatif recouvrant les trois éléments constitutifs de ce Développement Durable, à savoir : environnement, capital humain (ou social) et gouvernance, et, de l’autre côté, le Directeur Financier, qui doit intégrer les contraintes du développement durable, en tant qu’externalités, dans des procédures d’évaluations de la rentabilité des divers projets d’investissement, traduites en termes qualitatifs. En général, la Direction Générale joue le rôle d’arbitre, en attendant que le Conseil d’Administration s’intéresse à son tour à ces problématiques (pour l’instant, les entreprises françaises qui ont créé un comité spécialisé sur le développement durable au sein du Conseil d’Administration, se comptent sur les doigts d’une seule main). Enfin, notons que l’on commence à voir les actionnaires poser des questions relatives au développement durable en assemblées générales, ce qui devrait accélérer le processus de généralisation de l’examen de ce sujet par les Conseils d’Administration.

En termes d’opérations, les entreprises comportent désormais trois domaines concernés par le développement durable. En premier lieu, il y a les activités dites « classiques », pour lesquelles le développement durable n’est qu’un facteur parmi d’autres (ainsi, par exemple, la construction d’une nouvelle cimenterie ne pourra se concevoir qu’en prenant en compte le problème des rejets et de la pollution y afférente, en tant qu’un des éléments de coût du projet). En second lieu, on mentionnera les activités « nouvelles » dont le développement durable est la « raison d’être » (ainsi les projets adossés à l’énergie solaire ou à l’immobilier « durable »). Enfin, beaucoup d’entreprises développent un secteur considéré comme non lucratif, tel que les activités de mécénat ou de philanthropie, qui ont souvent pour objet d’améliorer l’image ou  la réputation de l’entreprise, dans des proportions impossibles à quantifier précisément.

Avec beaucoup de pragmatisme, les entreprises françaises s’efforcent de concilier deux approches : d’une part, le modèle de croissance capitaliste néo-libéral  (qui préconise la maximisation des profits) et d’autre part, le modèle « écologiste » qui s’appuyant sur l’objectif de préservation des ressources naturelles, propose un développement plus équilibré de notre planète. Chacune à leur manière (car les stratégies pour y parvenir sont, comme nous l’avons indiqué précédemment, multiples et variées), les sociétés essayent de trouver le meilleur cheminement vers cet équilibre.

 

 

Bernard Marois

Professeur Emérite HEC

Président Club Finance