Comme vous le savez, il n’est pas dans nos habitudes de chercher des boucs émissaires ou de tirer sur les ambulances. C’est dans ce cadre que nous avons toujours soutenu que la crise dans laquelle nous vivons depuis bientôt deux ans n’a absolument pas été un crime organisé, mais la succession d’accidents, d’erreurs, de malchances ou encore de malversations qui, mis bout à bout, ont finalement entraîné la planète économico-financière dans sa crise la plus grave depuis 1929.
De la même façon, la sortie de crise et l’évitement d’une période comparable au marasme des années 1930 ne tomberont pas du ciel et ne seront que les produits des nombreuses décisions de politiques économiques (tant budgétaires que monétaires) prises à travers la planète, auxquelles s’ajouteront ou non les comportements positifs des différents acteurs privés, qu’il s’agisse des entreprises ou des ménages. Dans cette chaîne pour la reprise, pas un maillon ne doit manquer sous peine d’amoindrir l’amélioration de l’activité voire de transformer le rebond en un simple intermède entre deux tunnels. C’est pourquoi, en refusant d’abaisser au maximum son taux refi et en maintenant par là même un euro trop fort, la BCE fait courir un risque énorme à la zone euro qui pourrait donc bien être le parent pauvre de cette crise, c’est-à-dire l’une des zones les plus touchées du monde développé.
Autrement dit, après s’être fait remarquer négativement en augmentant son taux refi en juillet 2008 alors que la zone euro était déjà entrée dans la récession, la BCE ne s’est pas excusée et n’a pas modifié son comportement vers plus de réactivité et de pragmatisme. Mais dans le registre des erreurs à ne pas commettre, la BCE n’a pas le monopole et pourrait être rapidement rattrapée par les agences de notations. Même si elles ne sont évidemment pas les seules coupables, ces dernières ont effectivement joué un rôle important dans le développement de la crise financière, notamment en notant AAA des titres issus des dettes subprimes et en donnant un blanc seing à de nombreuses institutions financières qui avaient oublié la corrélation positive qui existe structurellement entre le rendement et le risque.
Non contentes de n’avoir pas vu l’évidence ou peut-être même pour essayer de se racheter de leurs erreurs du passé, ces mêmes agences de notation font aujourd’hui une erreur similaire, mais dans l’autre sens, c’est-à-dire en voulant dégrader excessivement les notes de certaines dettes publiques quitte à engager le monde dans une nouvelle crise, celle des Etats.
Bien entendu, des risques existent et on ne peut pas blâmer les agences de rating de les mettre en exergue. Pourtant, de la même façon qu’une certaine retenue aurait été souhaitable lors de l’engouement pour les titres basés sur des dettes subprimes et pour tous les produits complexes présentés comme sans risque, une retenue au moins aussi importante serait également souhaitable dans la dégradation de certaines notations. Et ce d’autant que la fragilité ou plutôt la convalescence dans laquelle se trouvent la sphère économico-financière requiert la plus grand prudence pour éviter de sombrer à nouveau dans un pessimisme destructeur.
Voilà pourquoi, nous estimons que la mise sous surveillance négative de la dette publique britannique, ainsi que les rumeurs d’un traitement identique de la dette publique américaine sont déplacées, déontologiquement discutables et finalement dangereuses.
En effet, comment peut-on annoncer que la dette publique britannique se dirige vers les 100 % du PIB alors qu’elle n’est actuellement que de 53 % ? Quand bien même le déficit public atteindrait-il 7 % du PIB cette année, voire l’an prochain, dans la mesure où cette relance suscitera un retour, même limité, de la croissance, la spirale de la dette sera forcément stoppée. Et ce, surtout lorsque l’on sait que les dépenses publiques ne représentent que 45 % du PIB britannique. De même, si les plans de relance américains Bush et Obama pourraient atteindre au total 10 % du PIB, la dépense publique et la dette publique ne représentant que respectivement 35 % et 60 % du PIB avant la crise, il n’y a pas de quoi s’alarmer. Et ce d’autant plus que cette relance devrait permettre de retrouver une croissance américaine d’environ 2,5 % dès 2010.
Mais le plus choquant réside dans le fait que l’agence de notation qui a fait courir ces bruits n’a absolument pas évoqué le cas des pays de la zone euro et en particulier de l’Allemagne et de
Autrement dit, s’il y a une dette publique à mettre sous surveillance négative, c’est plutôt celles de l’Allemagne et de la France qui paraissent bien mieux positionnées que leurs homologues britanniques et américaines. Pourtant, tel n’a pas été le cas, ce qui a entraîné une augmentation des taux d’intérêt à dix ans et une nouvelle dépréciation du dollar, notamment contre l’euro, dont la cherté va encore amoindrir et différer la reprise eurolandaise. De la sorte, après avoir joué un rôle clé dans la crise financière, les agences de notation risquent d’enfoncer le clou, en particulier dans la zone euro. A l’évidence, elles méritent donc un bon « triple D » : D comme Défaillant, Destructeur et Désuet.