Les rouages de la mondialisation sont grippés

« 2008 sera-t-elle l’année de la prise de conscience de la mondialisation ? Sans nul doute, a-t-on compris, au cours des derniers mois, que la dépendance entre les états était plus forte que ce que nous laissaient penser les discours des grands argentiers du monde », écrivions-nous en décembre dernier. Une dépendance pour le meilleur et, aujourd’hui, pour le pire.

L’analyse fait mouche chez les analystes et autres observateurs du monde économique. Dernier en date à proposer cette réflexion : une banque ibérique, la Caixa, dans sa note mensuelle. Son prologue commence ainsi : « une particularité de l’actuelle récession économique mondiale est son haut degré de synchronisation, c’est-à-dire le nombre élevé de pays qui souffrent d’un recul de leur activité pratiquement en même temps ». Une fois de plus, la tentante théorie du découplage tombe à l’eau.

La récession actuelle est l’enfant de la mondialisation : de l’accélération du commerce international, favorisée par la baisse du coût des transports et des communications, la libéralisation des échanges de biens et humains, la montée en puissance d’organismes multilatéraux tels que l’Organisation Mondiale du Commerce et de structures plus politiques telles que l’Union Européenne, la zone euro, l’espace Schengen… ; de la sophistication du système financier, qui a avidement tissé une véritable toile d’araignée et a débordé d’imagination ; de la gloutonnerie des pays de feu la Triade, qui, rassurés par leur passé économique glorieux, ont dépensé à foison, creusé leur déficit, accéléré leur mutation économique… sans assurer leurs arrières…

Bilan d’un demi-siècle de mondialisation galopante, laquelle est passée à la vitesse supérieure depuis les années 1980 : l’accumulation de déséquilibres mondiaux, tapis dans l’ombre de chiffres de croissance du PIB sécurisants. Il a pourtant suffi d’un grain de sable dans ces rouages complexes pour gripper la machine. Et il faudra beaucoup d’huile pour la remettre en marche.

A la racine du mal, ces mêmes « déséquilibres globaux ont exacerbé l’actuelle récession », explique l’étude de la Caixa. La tombée dans la spirale de la crise a stoppé net nombre de flux, à commencer par les flux financiers, puis commerciaux…, mettant ainsi à mal ce qu’on croyait être la raison même de la mondialisation.

Au-delà des constatations chiffrées que nous livre quotidiennement le lot d’indicateurs du pouls économique, la prise de conscience de ces déséquilibres a sérieusement écorné la définition, déjà mouvante et fuyante, de la mondialisation. Cette crise financiaro-économique, dont on soufflera en juillet la deuxième bougie, prouve que, davantage que multilatéral, le monde est multipolaire. De fait, il est resté multipolaire. Ce sont les blocs régionaux, voire régionalistes, qui ont revêtu un ou plusieurs nouveaux habits. Rupture dans la continuité ou continuité par la rupture ? Le débat intéresse désormais les philosophes.

 

Alexandra Voinchet