Les marchés boursiers enfin sur la bonne voie ?

Après dix huit mois de pessimisme et de bear market, les investisseurs boursiers n’osaient plus y croire. Si bien que la quasi-totalité d’entre eux n’a pas réussi à anticiper le rebond enregistré depuis huit semaines, non par manque de professionnalisme, mais tout simplement par aveuglement.

Cet aveuglement est d’ailleurs tellement fort que l’embellie observée depuis début mars reste majoritairement analysée comme un mouvement passager qui sera suivi par une forte correction baissière. Selon cette vision consensuelle, la reprise économique n’aura pas lieu, les résultats des banques sont truqués, de nouvelles faillites de grandes entreprises sont inévitables. Bref, cette reprise ne serait qu’un feu de paille. Il faut donc se hâter de prendre ses bénéfices…

D’ailleurs, en renfort de cette thèse, le FMI vient encore de réviser en baisse ses prévisions de croissance mondiale, ou plutôt de décroissance, car désormais, le Fonds dirigé par Dominique Strauss-Khan anticipe une baisse de 1,3 % du PIB mondial en 2009, ce qui constituerait une première historique, du moins depuis l’après-guerre. Mieux ou plutôt pis, tous les pays développés afficheraient des chutes de leur PIB tout aussi historiques : – 6,2 % pour le Japon, – 5,6 % pour l’Allemagne, – 4,2 % pour la zone euro, – 3 % pour la France et – 2,8 % pour les Etats-Unis. A croire que le FMI se complaît dans le pessimisme et cherche absolument à casser le petit rebond de confiance qui s’observe un peu partout dans le monde tant sur les marchés, que pour les entreprises et les ménages.

N’oublions cependant pas que les prévisions du FMI restent structurellement parmi les plus mauvaises de la planète. Souvenons-nous qu’il y a à peine un an, ce même Fonds annonçait pour 2008 une stagnation du PIB américain et une croissance de 2,5 % pour la zone euro, contre des résultats effectifs de respectivement 1,1 % et 0,7 %. De même, rappelons-nous qu’en 1999, ce même FMI annonçait l’engagement de la Russie dans une récession historiquement grave et l’avènement d’une phase de croissance soutenue pour l’Argentine. Nous savons que c’est exactement le contraire qui s’est produit.

Voilà pourquoi, il serait particulièrement vain de se baser sur les prévisions du FMI pour retrouver le chemin du pessimisme. A la rigueur, plus celui-ci est alarmiste, plus le retour d’une croissance soutenue devient probable.

C’est d’ailleurs le comportement qu’ont finalement adopté les marchés mercredi dernier, le jour de la publication de ces sombres perspectives, puisqu’après en avoir pris ombrage en début de journée, les principaux indices boursiers ont finalement clôturé en nette hausse.

Pour autant, la volatilité reste forte et les Ours (c’est-à-dire les « Bearish ») veillent et restent largement majoritaires. Il faut dire que chat échaudé craint l’eau froide. Dès lors, avant de retrouver un véritable mouvement haussier, fort et durable, les investisseurs veulent des garanties sur la véracité et la pérennité de la reprise économique et de l’amélioration des résultats des entreprises, en particulier dans le secteur bancaire.

Sur ce dernier point, il faut souligner qu’en dépit de difficultés tenaces, les banques de la planète sont bien en train de restaurer leur rentabilité. Certes, les artifices comptables et la fin du mark to market (c’est-à-dire la valorisation des actifs aux prix de marchés) contribuent à enjoliver les résultats bancaires. Néanmoins et plus fondamentalement, les banques s’emploient aujourd’hui à réduire leur risque, en se focaliser leurs métiers les plus classiques. Ainsi, profitant à plein de la baisse des taux directeurs, les banques retrouvent leur « vieux » métier de la transformation qui consiste tout simplement à se financer à court terme à moindre coûts pour prêter à moyen et long terme sur des rendements bien plus élevés.

Cette stratégie est d’autant plus facile et rentable que les banques n’ont généralement pas complètement répercuté la baisse des taux directeurs et de marchés sur le taux qu’elles pratiquent dans l’octroi de crédit. Ayant dans le même temps réduit leur coût du risque, elles peuvent donc retrouver le chemin de marges appréciables, ce qui leur permettra ensuite de redevenir plus arrangeantes dans la distribution du crédit, soutenant par là même la consommation et l’investissement et, avec eux, l’ensemble de la croissance des économies de la planète. D’abord aux Etats-Unis, puis en Europe et enfin au Japon, sachant que les pays émergents, à commencer par la Chine et à l’exclusion de ceux d’Europe de l’Est, n’ont pas quitté significativement le chemin de la croissance.

Ainsi, même si certaines publications statistiques laisseront encore à désirer, leur amélioration va progressivement s’imposer, faisant prendre conscience aux investisseurs que les marchés boursiers restent encore peu chers et constituent par là même d’excellentes opportunités. C’est d’ailleurs ce que nous observons depuis quelques semaines tant aux Etats-Unis qu’en Europe et notamment en France, où tant le moral des chefs d’entreprise que la consommation des ménages ont surpris positivement.

Voilà pourquoi, nous maintenons notre scénario d’un Dow Jones à 10 500 et d’un Cac 40 à 4 000 d’ici un an.

Si les Occidentaux n’en sont pas encore convaincus, il est instructifs de noter que les investisseurs des pays émergents, en particulier en Asie, ont déjà fait savoir qu’ils commençaient à revenir à l’achat tant sur les actions que sur les entreprises occidentales.

Il ne faudra pas ensuite se plaindre si nos actuels fleurons industriels, technologiques et tertiaires ont changé de nationalité. C’est aussi à cela que sert une crise : la redistribution des cartes…

  

Marc Touati