La prose des agences de notation, vue après la crise

Mises à l’index pour le manque de professionnalisme, leurs partis pris, les agences de notation sont pourtant passées sans mal au travers des mailles du filet du G20. Le tant attendu communiqué du G20 n’y fait qu’une lointaine allusion, en énonçant le principe de « renforcement de la surveillance et de la régulation financière ».

Les agences de notation n’ont été au final que peu inquiétées sur leur cœur de métier, que ce soit pour noter des micmacs financiers, des entreprises ou des Etats. Ma lecture d’un document d’information d’une agence, mondialement célèbre, s’est muée en une séance de rires, au vu de l’étalage de poncifs. Petit florilège.

Premier critère pris en compte : l’environnement politique au motif que « l’expérience démontre par exemple qu’une démocratie établie depuis longtemps est un facteur de stabilité aussi bien politique qu’économique ». Le pendant étant que la dictature ou les périodes de conflit amènent plus d’instabilité sur le plan économique, je vous passe les exemples historiques.

Deuxième poncif sur la structure de l’économie : « plus une économie est diversifiée, plus elle est capable de s’adapter et de supporter les crises qui pourraient frapper un secteur ou un autre ». Version plus politiquement correcte du bon vieil adage : « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». Le Royaume-Uni, qui s’était recentré sur les services financiers, se mord aujourd’hui les doigts.

Concernant le critère de flexibilité budgétaire, l’agence note qu’ « un déficit budgétaire n’est pas forcément une mauvaise chose en soi, quand il permet de financer des investissements générateurs de recettes, lesquelles pourront couvrir le service de la dette correspondant aux emprunts réalisés pour financer ces mêmes investissement. » Pas sûr que Bruxelles partage cette définition. Quoique les grands Etats européens semblent avoir mis de côté les belles paroles du Pacte de Stabilité et de Croissance.

Toutefois, l’agence de notation a la solution : « l’autre possibilité pour un Etat pour réduire le niveau de son déficit et consécutivement de sa dette, est de réduire les dépenses publiques ».

Et la débâcle économique ne change rien dans le fond, car l’agence avait prévu le coup. Elle mentionne « les obligations de soutien des entreprises publiques ou du système bancaire en cas de crise sérieuse ». Elle remet le couvert quelques paragraphes plus loin : « les Etats peuvent être amenés pour des raisons économiques et politiques à prendre en charge, au moins en partie, les obligations de leurs établissements bancaires et de certaines sociétés industrielles et commerciales en cas de crise grave ».

Pas de quoi s’alarmer donc, la notation triple A de la France ne semble pas menacée. Quand bien même l’Etat signe des chèques à tout va pour aider là une banque qui s’est gavée les années précédentes, sauver ici un équipementier automobile de toute façon surdimensionné et non adapté à la nouvelle donne économique. Quand bien même son déficit explose et qu’elle fait un pied de nez à la Commission européenne.

Petit bémol toutefois, ce bricolage politico-financier commence à irriter les gouvernés. Or l’agence n’aime apparemment pas que l’on mette la rue sous pression.

 

Alexandra Voinchet