En ces temps de crise où tout paraît sombre, où les acteurs économiques perdent un à un tous leurs repères, la tentation de la capitulation est forte. Et bien oui : pourquoi se fatiguer à oser garder l’espoir, autant suivre le troupeau comme tout le monde, acheter de l’or ou des terres arables et attendre que la fin du monde arrive.
D’ailleurs, à en croire les meilleurs « experts », le monde dans lequel nous vivons depuis la naissance du capitalisme au XVIIème siècle est en train de disparaître. Dès lors, il ne sert à rien de suivre les indicateurs économiques, d’établir des prévisions sur la base de l’analyse économique ou encore d’essayer de véhiculer un message d’optimisme : tout le monde le dit, le système va s’écrouler, il est donc inutile de prêcher dans le désert, sauf à vouloir se faire tirer dessus et se faire passer pour un illuminé…
Bien loin de ce comportement mimétique très facile mais complètement absurde à nos yeux, il nous paraît plutôt indispensable de sortir du carcan du défaitisme et du fatalisme. Pour ce faire, il faut prendre un maximum de recul par rapport à l’instant et par exemple réfléchir sur des notions fondamentales telles que celle de la liberté. Liberté physique bien entendu, mais surtout liberté intellectuelle. Sans vouloir s’engager dans un débat philosophique ésotérique qui n’aurait d’ailleurs pas sa place dans cette publication, nous souhaitons simplement pointer du doigt les risques d’auto-aliénation qui menacent.
En effet, sommes-nous vraiment en liberté ? Sommes-nous vraiment libres de penser et de dire ce que nous pensons intrinsèquement en toute indépendance ? Ou alors, nos pensées et nos écrits ne sont-ils pas plutôt le produit d’un environnement et d’une mentalité que nous subissons ? Ou encore pire, ne faisons-nous pas simplement qu’écrire sous la dictée de nos actionnaires, de nos clients, de nos collègues, de nos pairs, voire les quatre à la fois ?
Selon nous, tel est l’enjeu principal de la liberté et par là même de l’honnêteté intellectuelle. Bien entendu, il ne faut pas pour autant se voiler la face et refuser les évidences pour prouver sa liberté et son indépendance. Nous savons malheureusement tous que cette stratégie jusqu’au-boutiste est structurellement menée par
Mais une chose est sûr, la véritable liberté de l’économiste réside dans l’indépendance intellectuelle de ses analyses et de ses prévisions qui doivent toujours se baser sur la réalité des fondamentaux économiques et ne surtout pas suivre bêtement le consensus. C’est la raison pour laquelle, en dépit du pessimisme ambiant, en dépit des évidences, mais qui ne sont qu’apparentes, en dépit enfin de la volonté généralisée de détruire le moindre souffle d’optimisme, nous continuons de garder l’espoir.
Certes, le PIB chutera encore au premier trimestre dans une grande partie des pays de la planète. Certes, le chômage augmentera encore dans les trois à six prochains mois. Certes, des ajustements massifs et souvent salutaires vont se produire sur le fonctionnement de nos économies. Pour autant, nous ne croyons aucunement à la théorie avancée par un peu tout le monde, non par conviction mais simplement par suivisme, selon laquelle le monde actuel s’écroulerait, ouvrant la voie à une révolution majeure.
Evidemment, cette vision du monde est très pratique. Elle réveille en nous nos instincts primitifs selon lesquels il faut tuer les coupables et créer un nouveau monde dans lequel l’Etat retrouverait un rôle central. Pourtant, ce choix est extrêmement dangereux. Primo, parce que la stratégie des boucs émissaires peut conduire l’Homme aux pires horreurs. Les années 30 et la seconde guerre mondiale nous en ont donné un dramatique exemple.
Secundo, parce qu’une révolution, on sait toujours lorsqu’elle commence, mais on ne sait jamais lorsque et comment elle se termine. Robespierre n’était-il pas l’un des plus modérés au début de
Quarto, imaginer que l’Etat et la dépense publique réussiront à créer un monde meilleur est une erreur profonde. Non seulement parce que la gestion publique est loin d’être un modèle d’efficacité. Mais surtout parce que cela ne reviendrait qu’à transférer le problème d’une sphère privée en difficulté mais combative vers une sphère publique sans moyens et inefficace.
Autrement dit, arrêtons de sombrer dans la démagogie et reprenons nos esprits. Oui, nous vivons une crise historique. Est-ce une raison pour arrêter de vivre ? Bien au contraire. C’est parce que cette crise est grave qu’elle appelle de notre part une grande réactivité et une forte combativité. Barack Obama l’a d’ailleurs bien compris. En effet, après avoir décrit le pire pour faire voter son plan de relance, il est en train de mobiliser son pays tout entier pour faire en sorte que cette relance soit un succès.
Car sans confiance, sans mobilisation et a fortiori sans espoir, le système ne pourra pas se relever. Il faut donc nous responsabiliser pour comprendre que notre avenir est entre nos mains. Nous devons donc retrouver notre liberté de penser et donc de choisir. A notre humble niveau, c’est ce que nous continuerons à faire coute que coute. Et tant pis pour les grincheux qui, assurément, seront forcément les grands perdants de cette crise.