“Pouvoir d’achat” : les mots qui fâchent

Le Chef de l’Etat s’est engagé à être « le Président du Pouvoir d’Achat », ce qui est surprenant, dans la mesure où les décisions concernant les rémunérations des salariés ou la fixation des prix des biens et services ne sont pas de sa responsabilité, mais relèvent des décisions des chefs d’entreprise. On pourrait à la limite, évoquer les salaires de la fonction publique élargie (20% de l’emploi en France), bien que les contraintes de la dette extérieure et du déficit budgétaire limitent la marge de manœuvre des pouvoirs publics dans ce domaine.

     Au-delà de cette remarque liminaire, on notera que l’essentiel du problème provient de la dissonance entre l’évolution réelle du pouvoir d’achat et la façon dont elle est ressentie par l’opinion publique.

            Toutes les enquêtes d’opinion semblent montrer l’insatisfaction forte de la population, persuadée que le pouvoir d’achat diminue régulièrement, parce que les salaires augmentent moins vite que les prix. En fait, la réalité est tout autre. Le pouvoir d’achat a progressé de 29% entre 1998 et 2008 car les rémunérations ont crû plus rapidement, en moyenne, que l’inflation sous-jacente depuis 10 ans. Rien qu’en 2008, l’indice du salaire mensuel en France a progressé de 3%. D’ailleurs les chiffres ne mentent pas : tandis que le PIB reculait de 1.2% au quatrième trimestre 2008, la consommation des ménages continuait à croître de 0.5% en ligne, avec les statistiques des années précédentes, où l’essentiel de la croissance française a été fournie par la consommation.

            Par ailleurs, dans la mesure où l’endettement des ménages est relativement faible en France (moins de la moitié du PIB, près de deux fois moins que le ratio britannique, selon le Cabinet Xerfi), les Français devraient moins souffrir de la crise que certains de nos partenaires. En outre, il existe une possibilité substantielle d’amélioration, si on compare le panier de la  ménagère française à celui de l’allemande : celui-ci est inférieur de 20% à 30% au nôtre, grâce en grande partie à l’existence du discount, dans la distribution (beaucoup plus important que chez nous) et à une concurrence plus efficace. Sur ces points, la crise devrait améliorer les « termes de l’échange » pour les consommateurs français.

            En ce qui concerne les salaires et la répartition des profits, une seconde idée fausse doit être combattue : la part des salariés diminue dans la répartition de la valeur ajoutée des entreprises. Les statistiques montrent au contraire, qu’il n’y a pas eu de distorsion significative dans la répartition des fruits de la croissance entre les salariés (rémunération brute) et les actionnaires (dividendes) ; la part ayant tendance à baisser étant celles des investissements (ce qui en soi n’est pas une bonne nouvelle, puisque c’est l’avenir qui est en quelque sorte sacrifié).Si la rémunération nette a légèrement baissé, en pourcentage, c’est parce que la part des cotisations sociales a augmenté, ce qui n’est pas non plus une bonne nouvelle !

 

            La solution suppose d’abord de mettre un terme à la désinformation actuellement en vigueur. Ensuite, il sera utile de participer à une réflexion « d’après crise » sur les moyens d’aider les français à consommer « mieux » : favoriser les achats, véritablement utiles et les produits de demain (respectant le développement durable et éliminant les usages futiles), permettre l’essor du « discount »  dans tous les secteurs, grâce en partie à la commercialisation par internet.

 Quant aux prix, la crise actuelle facilitera leur baisse (essence, immobilier) ou leur modération (alors que le taux d’inflation avait atteint 3.6% en juin, en rythme annuel, il a été négatif,        -0.1% en octobre!).

Il est grand temps de rétablir la vérité des faits.

 

 

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite à HEC

Président du Club Finance