Jean-Claude Trichet au RMI : Refi Minimum d’Insertion.

S’il y a une institution où le service minimum fonctionne, c’est bien la Banque Centrale Européenne. En effet, le PIB de la zone euro a beau s’écrouler, affichant des glissements annuels historiquement bas, le chômage a beau flamber dans l’ensemble de la zone, certains pays ont beau être au bord de la crise sociale et l’inflation eurolandaise a beau se stabiliser autour des 1 %, c’est-à-dire sur des plus bas historiques, rien n’y fait. Une baisse du taux refi a bien été décidée, mais dans une proportion normale de 50 points de base. Autrement dit, à situation exceptionnelle, mesure… ordinaire.

Certes, à désormais 1,5 %, le taux refi atteint un plus bas historique. Pour autant, la décroissance et la forte désinflation sont actuellement compatibles avec un taux directeur optimal de 0,15 %. C’est du moins ce que nous apprend la règle de Taylor. Le taux Taylor s’obtient effectivement selon le calcul suivant : T = taux d’intérêt neutre + 0,5(Inflation en 2009-Objectif d’inflation) + 0,5 (Croissance en 2009 – Croissance potentielle).

Et encore, comme il est possible de la constater dans le tableau ci-dessous, les hypothèses de décroissance et d’inflation sont optimistes puisqu’elles sont de respectivement – 0,5 % et 1,1 %. A titre de comparaison, les prévisions de la BCE font état d’une baisse du PIB comprise entre -2,2 % et – 3,2 % et d’une inflation comprise entre 0,1 % et 0,7 %.

En d’autres termes, même à 1,5 %, voire à 1 %, le taux refi est encore trop élevé par rapport à la réalité économique de la zone euro. Le pire c’est que la BCE en est tout à fait consciente…

De l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique, les banques centrales sont tout aussi conscientes de la gravité de la situation, mais réagissent en conséquence.

Ainsi, la Banque d’Angleterre a abaissé cette semaine son taux de base à 0,5 %, soit quasiment le niveau du taux Taylor qui atteint précisément 0,35 % au Royaume-Uni.

Aux Etats-Unis, la Fed a même été plus loin, puisqu’elle a réduit son taux objectif des federal funds entre 0 et 0,25 %, alors que le taux Taylor atteint 0,9 %.

Bien entendu, la baisse du taux refi et la baisse de l’euro qu’elle entraîne ne sont pas des mauvaises nouvelles. Elles vont progressivement apporter leur contribution à la reprise de l’activité. Néanmoins, compte tenu de leur ampleur limitée et de leur arrivée trop tardive, la croissance eurolandaise ne pourra pas redémarrer avant l’été prochain et surtout elle ne le fera que dans une proportion très limitée.

Autrement dit, alors que les Etats-Unis connaîtront une reprise en V à partir de l’été prochain, la zone euro redémarrera au mieux à partir de la fin de l’automne et au mieux selon une configuration en W, que l’on peut également appeler « tôle ondulée ».

Voici donc notre scénario eurolandais pour les mois à venir : début avril, l’inflation de la zone euro du mois de mars sera connue et elle devrait avoisiner les 0,5 %. La BCE devra donc abaisser son taux refi à 1 %, qui sera certainement le plancher en deçà duquel elle ne descendra pas. La récession se poursuivra jusqu’au deuxième trimestre et le PIB retrouvera le chemin de la petite hausse à partir du troisième trimestre, tandis que le chômage continuera d’augmenter jusqu’à l’hiver.

La question reste simplement de savoir si cela sera supportable pour certains pays de la zone euro, tels que la Grèce, l’Italie, l’Espagne, voire la France, qui n’ont plus forcément les moyens financiers et humains d’attendre aussi longtemps pour aussi peu de résultats.

Marc Touati