Récession, Or, BCE : sortir de la crise par le haut… (E&S n°75)

L’humeur :

Comment sortir de la crise par le haut ?

Baisse historique du PIB français et européen, hausse vertigineuse du chômage un peu partout dans le monde, résultats des entreprises globalement décevants, annonce de plans de licenciement, poursuite de la baisse des indices boursiers à travers le monde, écroulement des pays d’Europe de l’Est, guérilla urbaine en Guadeloupe… A l’évidence, les dernières nouvelles de la planète sont guère réjouissantes et risquent de donner envie à certains de baisser les bras, en sombrant dans un pessimisme démesuré. Si la tentation de noircir le tableau est évidemment forte voire pratique pour certains, elle constitue inévitablement la pire des solutions. En effet, après un an et demi de crise, nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit nous nous décourageons et nous sommes alors sûrs de perdre, car le pessimisme est, par définition, auto-réalisateur et par là même destructeur. Dans ce cadre, comme nous l’écrivions déjà en octobre dernier, il faut se barricader, s’acheter un lopin de terre pour cultiver ses légumes et élever ses chèvres, tout en se munissant d’un fusil pour défendre le tout…

En revanche, nous pouvons toujours opter pour la deuxième solution : celle de la sortie de crise par le haut. Pour ce faire, il suffit de se retrousser les manches et de retrouver une certaine dose d’espoir, voire d’optimisme. De la sorte, nous pourrons profiter à plein des plans de relance mis en place à travers le monde, de la baisse des taux d’intérêt et du repli des prix des matières premières. N’oublions pas que l’économie est une science humaine, sur laquelle les hommes et les femmes ont donc un véritable pouvoir et pour laquelle il n’y a donc pas de fatalité. Notre avenir est entre nos mains et si nous n’en sommes pas conscients, nous devenons alors la proie du doute et de la faillite.

Malheureusement pour nous, c’est-à-dire les Français et les Européens continentaux, cette réalité et cette conviction que tout devient possible grâce à la volonté ont du mal à être intégrées culturellement. De la sorte, nous devenons beaucoup plus vulnérables que nos partenaires anglo-saxons, sans parler des pays émergents et notamment de la Chine chez qui la vision d’avenir est une seconde nature. Soyons donc clairs : si nous continuons de broyer du noir, si la BCE refuse de baisser son taux refi à 1 %, si les gouvernements de la zone euro ne réussissent pas à se mettre d’accord pour unir leurs forces, si les partenaires sociaux refusent de s’entendre, alors l’Euroland sera la grande perdante de cette crise, avec certainement le Japon qui souffrira peut-être encore plus que nous, ce qui ne constitue néanmoins pas une consolation.

Les comptes nationaux du quatrième trimestre ont d’ailleurs déjà confirmé que la zone euro et le Japon sont déjà les plus affectés par la crise. Compte tenu d’une baisse du PIB de respectivement 1,5 % et 3,3 % au quatrième trimestre 2008, ces deux puissances économiques déclinantes affichent d’ores et déjà des acquis de « décroissance » pour 2009 de – 1,3 % et – 3 %. Il faut donc agir vite pour éviter la transformation de cette récession en dépression, cette dernière signifiant une baisse forte et durable du PIB de l’ordre de 10 %. Le Japon a déjà fait la moitié du chemin, puisque au cours des trois derniers trimestres, son PIB a reculé de 4,8 % en volume. Si bien que la richesse nipponne actuelle se situe à son niveau du troisième trimestre 2005.

Si la situation eurolandaise est certes moins catastrophique, elle n’en est pas moins calamiteuse. Par rapport à son niveau du premier trimestre 2008, le PIB de la zone euro affiche ainsi une baisse de 1,9 % et se situe désormais sur un plus bas depuis le quatrième trimestre 2006. A titre de comparaison, le PIB américain n’a reculé que de 0,4 % depuis le premier trimestre 2008 et se situe à un niveau similaire à celui du troisième trimestre 2007. Une fois encore, nous avons donc la preuve mathématique que les Etats-Unis souffrent beaucoup moins que nous. En outre, grâce à une réactivité structurelle et à une culture de la prise de risque et de l’investissement sur l’avenir, ils sauront relever les défis de cette crise et surprendre par la rapidité et la vigueur de leur reprise.

En revanche, dans la mesure où tel n’est pas le cas chez nous et où, au contraire, c’est la culture de la fatalité, du pessimisme et du regard dans le rétroviseur qui persiste, nous sommes en danger. Pour éviter la dépression tant économique que psychologique, nous avons donc l’obligation de nous prendre en main sans trop compter sur les pouvoirs publics qui, de toutes façons, finiront par nous faire payer la facture en ré-augmentant les impôts.

Pour une entreprise, cette volonté de ne pas sombrer dans le défaitisme peut passer par trois voies stratégiques : des stratégies de niches, sur des produits et des services sur lesquels elles ont un savoir-faire et ne doivent donc pas hésiter à le faire savoir. Supprimer les dépenses de communication serait ainsi une erreur. Deuxième stratégie : l’innovation et les efforts de Recherche-développement, de manière à conserver en permanence un ou deux trains d’avance sur la concurrence, notamment en provenance des pays asiatiques. Et enfin, troisième stratégie : le développement à l’international, en particulier dans le monde émergent qui continue de réaliser, malgré la crise, les deux tiers de la croissance mondiale. Si une entreprise développe ces trois stratégies, elle est donc sûre de sortir gagnante de la crise. Si elle en dispose d’une ou deux, cela ira. Par contre, si elle n’en a aucune, il faut absolument qu’elle s’en trouve une.

Quant aux salariés, un comportement similaire doit être adopté : se retrousser les manches, se rendre indispensable, adhérer au projet de l’entreprise, améliorer ses compétences, ne pas hésiter à aller voir ailleurs et notamment à l’international. Quand on sait qu’actuellement de plus en plus de financiers occidentaux rendus malheureux par la crise retrouvent un job… en Asie, on se dit qu’il n’y a pas de quoi se décourager. A l’inverse, celui qui baisse les bras, qui ne se remet pas en question, qui joue contre son entreprise et compte sur l’Etat pour lui sauver la mise est sûr de perdre.

Espérons donc qu’à l’instar de nos partenaires américains, anglais, irlandais, chinois ou indiens, de plus en plus de Français et d’Européens continentaux, entreprises et ménages confondus, sauront retrouver une vision d’avenir et relever les défis de demain avec espoir, car, ne l’oublions pas, seul l’optimisme paie…

Marc Touati


L’analyse économique de la semaine :

Les consommateurs français et les industriels allemands résistent.


Nous ne le répéterons jamais assez : les ménages français sont formidables. En effet, après un « coup de pompe » en décembre, ils défient de nouveau le pessimisme ambiant en reprenant repris le chemin d’une consommation soutenue en janvier. Autrement dit, comme nous l’écrivions il y a environ un mois, les soldes de janvier ont bien été un succès.

Les chiffres sont même assez exceptionnels compte tenu de la morosité affichée un peu partout. Ainsi, sur le seul mois de janvier, la consommation a progressé de 4,7 % dans le textile-cuir, de 3 % pour l’équipement du logement et même de 2,8 % pour l’automobile. En glissement annuel, les performances sont tout aussi enjouées, avec respectivement + 3,3 %, + 5,2 % et + 7,8 %. Le glissement annuel de la consommation en produits manufacturés dans son ensemble repasse même en territoire positif avec un niveau de 1,8 %. A l’évidence, nous sommes très loin des résultats catastrophiques annoncés par l’ensemble de ces secteurs il y a encore quelques semaines.

Bien entendu, il ne faut pas s’emballer et imaginer que la « fièvre acheteuse » est repartie pour longtemps. En fait, la consommation devrait même connaître une traversée du désert jusqu’à l’été prochain, sans pour autant s’écrouler, retrouvant la voie d’une hausse plus vigoureuse pour les soldes d’été.

Les consommateurs français disent Non à la crise.

Source : INSEE

Cette résistance de la consommation s’explique par trois facteurs principaux. Primo, la baisse des cours énergétiques et des biens alimentaires qui, même si elle n’est pas complètement répercutée sur les prix à la consommation, permet de redonner du pouvoir d’achat aux ménages.

Secundo, compte tenu d’une épargne pléthorique et faiblement rémunérée, les Français commencent à se dire que cette dernière serait mieux utilisée pour profiter de l’instant présent, en deux mots : carpe diem… Dans la dernière enquête INSEE réalisée auprès des ménages et publiée aujourd’hui, ces derniers annoncent d’ailleurs leur intention de réduire leur épargne.

D’ailleurs, si la confiance des ménages a perdu un point en février, elle reste supérieure de 3 points à son niveau d’octobre dernier, confirmant que les Français ne cèdent plus à la panique.

Tertio, la baisse des prix des biens manufacturés constitue un avantage de poids pour soutenir la consommation. En effet, ces dernières années, les prix ont trop augmenté par rapport à la réalité des revenus. La baisse des prix est donc devenue indispensable pour reconstituer le pouvoir d’acheter des ménages.

C’est également ce mouvement qui prévaut sur le front de l’immobilier. En effet, comme vient de le confirmer le nouveau plongeon des mises en chantier, les prix des logements ont trop augmenté par rapport aux revenus. Dès lors, le dégonflement de la bulle immobilière était également devenu inévitable. De la sorte, les prix des logements anciens devraient baisser de l’ordre de 20 % d’ici 2010. Cela permettra alors de restaurer la demande de logements neufs qui reste aujourd’hui sur des plus bas historiques, mais a néanmoins commencé à se redresser au premier trimestre 2009.

La baisse des prix immobiliers permettra de restaurer la demande de logements neufs.

Source : INSEE

On l’oublie trop souvent, mais lorsqu’elle vient corriger des excès, la baisse des prix n’est pas forcément un handicap. Il faut simplement qu’elle ne dure pas trop longtemps. La France va donc vivre une année 2009 de reconnexion des prix par rapport aux revenus. Dès lors, bénéficiant également d’un coup de pouce budgétaire, les ménages continueront de répondre présents. Depuis 1998, la croissance française doit son salut à la consommation des ménages. Et cela va encore durer.

 

Outre-Rhin, si les consommateurs ont toujours du mal à retrouver le chemin de la dépense (et pour cause : leurs revenus réels ne cessent de baisser depuis 2003), les industriels commencent restent inquiets mais veulent continuer d’y croire.

Certes, après un léger sursaut en janvier, le climat des affaires de l’enquête IFO est malheureusement reparti à la baisse en février. Avec un niveau de 82,6, il atteint même un nouveau plancher historique, le précédent étant de 82,7 et datant de décembre 2008.

Autrement dit, en dépit de la baisse des taux d’intérêt, de la baisse de l’euro et des cours des matières premières, les industriels allemands continuent de broyer du noir.

Pour autant, ils ne paniquent plus. Ainsi, après avoir déjà augmenté de 2,6 points en janvier, l’indice des perspectives d’activité de cette même enquête IFO en a encore gagné 1,4 en février. Avec un niveau actuel de 80,9, il se rapproche ainsi de la situation d’octobre dernier.

Il n’y a donc évidemment pas de quoi sauter au plafond. Mais tout de même, l’industrie allemande est en train de toucher le fond à partir duquel elle va progressivement redémarrer. Et ce, non seulement via un traditionnel effet de rattrapage mais aussi grâce à l’ensemble des soutiens qui se mettent actuellement en place (baisse de l’euro, des taux d’intérêt, des cours pétroliers, plans de relance budgétaire).

L’année 2009 devrait donc être marquée par un premier semestre de récession (qui, ne l’oublions pas, a d’ailleurs commencé dès le deuxième trimestre 2008), puis par un rebond significatif au second semestre et surtout en fin d’année. Ce dernier sera néanmoins insuffisant pour permettre au PIB allemand d’enregistrer une variation positive sur l’ensemble de 2009.

 Les industriels allemands restent inquiets mais ne paniquent plus.

Sources : Bundesbank et IFO

En effet, compte tenu d’une baisse de 2,1 % au quatrième trimestre 2008, le PIB allemand a commencé cette année avec un acquis de « décroissance » de – 2 %. Dès lors, même si une remontée paraît inévitable pour le second semestre, le PIB allemand devrait reculer d’environ 1,5 % sur l’ensemble de 2009. Ce qui constituerait un record absolu depuis la réunification allemande.

Cela rappelle donc bien que la baisse du taux refi de la BCE à 1 % au plus vite, le recul de l’euro vers les 1,10 et un plan de relance budgétaire eurolandais restent indispensables pour sortir l’Allemagne et la zone euro de leur plus grave récession jamais enregistrée depuis l’après-guerre.

Marc Touati


Et les marchés dans tout ça ?

Pour tout l’or du monde…


250 dollars en 1999, 500 dollars fin 2005 et 992 dollars le 23 février 2009 ! Après avoir atteint 925 dollars en juin 2008, puis reculé à 720 dollars en octobre (en données mensuelles), l’or semble donc bien partie pour franchir la barre psychologique des 1000 dollars l’once dans les toutes prochaines semaines. D’ailleurs, nous diront les « experts » de l’or, mesurés à prix constants, le précédent sommet des 740 dollars atteints en 1980 correspond à environ 1800 dollars aujourd’hui. Dans ce cadre et en supposant que le marasme économique et boursier dure encore longtemps, les spéculateurs à la hausse sur le prix de l’or ont vraisemblablement de beaux jours devant eux.

L’or toujours plus haut, mais jusqu’à quand ?

Néanmoins, il faut également se souvenir que c’est ce même argument qui amenait de nombreux « experts » sur le pétrole, à annoncer en juillet dernier l’imminence d’un baril à 200 dollars, voire beaucoup plus. Pourtant, la réalité économique a fini par reprendre le dessus, en rappelant que, compte tenu d’une offre de pétrole supérieure à la demande et du ralentissement économique, le prix du baril ne pouvait que baisser.

Malheureusement, l’histoire se répète et la spéculation sur l’or-papier dépasse de loin la réalité économique de l’or-physique. Ainsi, au-delà de la morosité ambiante qui veut que l’or redevienne la seule véritable valeur refuge, la question essentielle reste de savoir si cette hausse des cours du métal jaune est justifiée sur la base des fondamentaux économiques et financiers internationaux. En effet, si la récession et le krach boursier peuvent justifier en partie que l’or retrouve la faveur des investisseurs, sa caractéristique de valeur refuge contre un risque de dérapage inflationniste est particulièrement caduque.

Et pour cause : dans la plupart des pays développés, l’inflation a rarement été aussi faible, si bien que le spectre de la déflation réapparait un peu partout.

De même, si se réfugier sur le métal jaune lors du dégonflement de la bulle Internet ou lors de la tempête financière actuelle paraît normal, il le sera moins lorsque la croissance américaine et les marchés boursiers reprendront des couleurs à partir de l’été prochain au plus tard.

L’or et les actions : je t’aime, moi non plus…

En d’autres termes, il ne faut pas croire qu’acheter de l’or aujourd’hui constitue forcément un refuge et encore moins une garantie contre la moins-value. A la limite, acheter aujourd’hui des actions au plus bas est presque moins risqué qu’acheter des lingots qui augmenteront peut-être encore pendant quelques semaines mais qui ne sont cependant pas très loin de leur plus haut.

Et ce d’autant que, compte tenu du ralentissement mondial, y compris dans les pays émergents, forts consommateurs d’or, la demande industrielle pour le métal jaune risque de faiblir durablement.

Quant aux banques centrales, elles n’ont a priori ni l’envie ni les moyens d’augmenter leurs réserves en or.

Autrement dit, si le métal jaune est actuellement à la mode, la reprise progressive de l’économie américaine et des marchés boursiers risque d’inverser brusquement la tendance. Il sera donc bientôt « l’or » de se réveiller et de retrouver une meilleure corrélation de son prix avec les fondamentaux économiques.…