Comment sortir de la crise par le haut ?

Baisse historique du PIB français et européen, hausse vertigineuse du chômage un peu partout dans le monde, résultats des entreprises globalement décevants, annonce de plans de licenciement, poursuite de la baisse des indices boursiers à travers le monde, écroulement des pays d’Europe de l’Est, guérilla urbaine en Guadeloupe… A l’évidence, les dernières nouvelles de la planète sont guère réjouissantes et risquent de donner envie à certains de baisser les bras, en sombrant dans un pessimisme démesuré. Si la tentation de noircir le tableau est évidemment forte voire pratique pour certains, elle constitue inévitablement la pire des solutions. En effet, après un an et demi de crise, nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit nous nous décourageons et nous sommes alors sûrs de perdre, car le pessimisme est, par définition, auto-réalisateur et par là même destructeur. Dans ce cadre, comme nous l’écrivions déjà en octobre dernier, il faut se barricader, s’acheter un lopin de terre pour cultiver ses légumes et élever ses chèvres, tout en se munissant d’un fusil pour défendre le tout…

En revanche, nous pouvons toujours opter pour la deuxième solution : celle de la sortie de crise par le haut. Pour ce faire, il suffit de se retrousser les manches et de retrouver une certaine dose d’espoir, voire d’optimisme. De la sorte, nous pourrons profiter à plein des plans de relance mis en place à travers le monde, de la baisse des taux d’intérêt et du repli des prix des matières premières. N’oublions pas que l’économie est une science humaine, sur laquelle les hommes et les femmes ont donc un véritable pouvoir et pour laquelle il n’y a donc pas de fatalité. Notre avenir est entre nos mains et si nous n’en sommes pas conscients, nous devenons alors la proie du doute et de la faillite.

Malheureusement pour nous, c’est-à-dire les Français et les Européens continentaux, cette réalité et cette conviction que tout devient possible grâce à la volonté ont du mal à être intégrées culturellement. De la sorte, nous devenons beaucoup plus vulnérables que nos partenaires anglo-saxons, sans parler des pays émergents et notamment de la Chine chez qui la vision d’avenir est une seconde nature. Soyons donc clairs : si nous continuons de broyer du noir, si la BCE refuse de baisser son taux refi à 1 %, si les gouvernements de la zone euro ne réussissent pas à se mettre d’accord pour unir leurs forces, si les partenaires sociaux refusent de s’entendre, alors l’Euroland sera la grande perdante de cette crise, avec certainement le Japon qui souffrira peut-être encore plus que nous, ce qui ne constitue néanmoins pas une consolation.

Les comptes nationaux du quatrième trimestre ont d’ailleurs déjà confirmé que la zone euro et le Japon sont déjà les plus affectés par la crise. Compte tenu d’une baisse du PIB de respectivement 1,5 % et 3,3 % au quatrième trimestre 2008, ces deux puissances économiques déclinantes affichent d’ores et déjà des acquis de « décroissance » pour 2009 de – 1,3 % et – 3 %. Il faut donc agir vite pour éviter la transformation de cette récession en dépression, cette dernière signifiant une baisse forte et durable du PIB de l’ordre de 10 %. Le Japon a déjà fait la moitié du chemin, puisque au cours des trois derniers trimestres, son PIB a reculé de 4,8 % en volume. Si bien que la richesse nipponne actuelle se situe à son niveau du troisième trimestre 2005.

Si la situation eurolandaise est certes moins catastrophique, elle n’en est pas moins calamiteuse. Par rapport à son niveau du premier trimestre 2008, le PIB de la zone euro affiche ainsi une baisse de 1,9 % et se situe désormais sur un plus bas depuis le quatrième trimestre 2006. A titre de comparaison, le PIB américain n’a reculé que de 0,4 % depuis le premier trimestre 2008 et se situe à un niveau similaire à celui du troisième trimestre 2007. Une fois encore, nous avons donc la preuve mathématique que les Etats-Unis souffrent beaucoup moins que nous. En outre, grâce à une réactivité structurelle et à une culture de la prise de risque et de l’investissement sur l’avenir, ils sauront relever les défis de cette crise et surprendre par la rapidité et la vigueur de leur reprise.

En revanche, dans la mesure où tel n’est pas le cas chez nous et où, au contraire, c’est la culture de la fatalité, du pessimisme et du regard dans le rétroviseur qui persiste, nous sommes en danger. Pour éviter la dépression tant économique que psychologique, nous avons donc l’obligation de nous prendre en main sans trop compter sur les pouvoirs publics qui, de toutes façons, finiront par nous faire payer la facture en ré-augmentant les impôts.

Pour une entreprise, cette volonté de ne pas sombrer dans le défaitisme peut passer par trois voies stratégiques : des stratégies de niches, sur des produits et des services sur lesquels elles ont un savoir-faire et ne doivent donc pas hésiter à le faire savoir. Supprimer les dépenses de communication serait ainsi une erreur. Deuxième stratégie : l’innovation et les efforts de Recherche-développement, de manière à conserver en permanence un ou deux trains d’avance sur la concurrence, notamment en provenance des pays asiatiques. Et enfin, troisième stratégie : le développement à l’international, en particulier dans le monde émergent qui continue de réaliser, malgré la crise, les deux tiers de la croissance mondiale. Si une entreprise développe ces trois stratégies, elle est donc sûre de sortir gagnante de la crise. Si elle en dispose d’une ou deux, cela ira. Par contre, si elle n’en a aucune, il faut absolument qu’elle s’en trouve une.

Quant aux salariés, un comportement similaire doit être adopté : se retrousser les manches, se rendre indispensable, adhérer au projet de l’entreprise, améliorer ses compétences, ne pas hésiter à aller voir ailleurs et notamment à l’international. Quand on sait qu’actuellement de plus en plus de financiers occidentaux rendus malheureux par la crise retrouvent un job… en Asie, on se dit qu’il n’y a pas de quoi se décourager. A l’inverse, celui qui baisse les bras, qui ne se remet pas en question, qui joue contre son entreprise et compte sur l’Etat pour lui sauver la mise est sûr de perdre.

Espérons donc qu’à l’instar de nos partenaires américains, anglais, irlandais, chinois ou indiens, de plus en plus de Français et d’Européens continentaux, entreprises et ménages confondus, sauront retrouver une vision d’avenir et relever les défis de demain avec espoir, car, ne l’oublions pas, seul l’optimisme paie…

Marc Touati