Suède : Le modèle s’effrite

Le modèle social suédois s’effrite. Tantôt porté aux nues, tantôt pointé du doigt, ce compromis politico-social montre ses limites alors que la Suède s’enfonce dans la récession, d’une virulence jamais vue depuis 30 ans. Le défi pour le pays : « traverser la phase de ralentissement sans compromettre la stabilité macro-économique à plus long terme », résume l’OCDE.

Son fonctionnement a permis à la Suède de se constituer un joli matelas financier, adossé sur l’une des fiscalités les plus lourdes des pays de l’OCDE, derrière le Danemark : en 2007, les recettes fiscales ont représenté 48,2 % du PIB. La mutation d’un pays largement agricole vers une économie d’industries de spécialités, mondialement reconnues, ce que les experts ont qualifié de « miracle économique suédois », a également servi les finances publiques. La Suède a pu et eu les moyens de se concentrer sur ses points faibles : l’éducation, l’assouplissement des rigidités du marché du travail notamment envers les jeunes, la privatisation de son tissu économique, l’amélioration de la cohésion sociale…

Tout est encore loin d’être parfait et la crise économique est venue perturber ces politiques de rattrapage. Le taux de chômage pourrait s’envoler à 8 % cette année et dépasser la barre fatidique des 10 % en 2010, selon les chiffres de la Banque centrale suédoise. Le PIB national pourrait ressortir entre – 1,5 % et – 2 % cette année, soit le retournement le plus violent qu’ait connu le pays depuis la Deuxième Guerre Mondiale.

La Suède possède néanmoins, à la différence de certains de ses voisins, quelques marges de manœuvre, venues de sa politique monétaire mais aussi de ce fameux matelas fiscal. Mais, celles-ci s’épuisent. La Banque centrale suédoise a ainsi abaissé son taux directeur à 1 %, à son plus bas niveau depuis sa création en 1994, alors qu’il était encore à 3,75 % en décembre. Il ne lui reste plus que quelques cartouches.

La Suède ne doit guère compter sur ses fleurons industriels pour l’aider dans cette difficile mission. Certes, les ventes d’Ikea ont continué de grimper l’an dernier, à 21,2 milliards d’euros et la mode à petits prix de H&M continue de trouver preneuses. Mais, l’ambiance n’est pas au beau fixe chez l’équipementier Ericsson, les constructeurs Volvo ou Saab, au bord de la faillite après avoir été lâché par General Motors et dans lequel l’Etat ne semble pas décidé à prendre de participation (souvenir de la volonté de privatisation, sans doute).

Le gouvernement de centre-droit multiplie les mesures sociales, dans la digne tradition d’un modèle pourtant acculé, et annonce des prêts d’urgence pour secourir son économie. Ces efforts pour redresser la barre coûteront cher : le déficit budgétaire suédois atteindra 6 % du PIB en 2010, contre un excédent de 3,7 % en 2007 encore. De quoi faire enrager Bruxelles si la Suède avait été dans la zone euro. De quoi aussi alimenter les mauvais esprits de certaines de nos têtes dirigeantes qui pourraient – mais feraient mieux de ne pas – penser qu’ils ont, question déficit, de la marge.

 

Alexandra Voinchet