Mondialisation : la foire d’empoigne

Le monde est devenu une foire… d’empoigne. Bonus versus TARP. Subprime versus Livret A. « Bad bank » versus « good bank », si tant est que l’on puisse faire la différence. Des batailles d’euros et de dollars à coup de milliards, de « trilliards ». Des cohortes de devises prêtes à en découdre avec l’ennemi toxique. Quant à la confiance, elle termine ce round en lambeaux.

Les marchands de foire se retourneraient dans leur tombe. Il est loin le temps où l’argent se traitait avec confiance. Dans la Champagne du Moyen-Age, les marchands venaient commercer au carrefour des principales routes d’échange – bien avant que les experts es géographie n’inventent le terme de « banane bleue » pour rendre compte de l’attractivité économique de la zone centrale en Europe qui s’étend du Sud de l’Angleterre au nord de l’Italie. C’est dans ces immenses marchés médiévaux, du XIe au XIIIe siècle, qu’est apparu le principe de la monnaie fiduciaire, basée sur une confiance non dénuée de règles. Les changeurs vérifiaient les pièces de monnaies qui venaient de tous les horizons et attestaient de la monnaie « sonnante et trébuchante ». Les ancêtres des lettres de change ont ouvert ces rassemblements marchands à la mondialisation en permettant de payer sans se soucier des effets de change des différentes devises. A même été crée le poste de garde de foire pour veiller au respect des bons usages commerciaux.

Le fonctionnement même des foires prévoyait que les règlements se faisaient durant les derniers jours de ces manifestations, qui s’étalaient sur plusieurs semaines en général. Les négociants faisaient leurs emplettes « à crédit de confiance » et ne réglaient qu’en fin de foire. Cela n’empêchait personne d’acheter ou de vendre. Et pourtant, ce ne sont pas les gredins qui manquaient à l’époque.

Aujourd’hui, crédit, confiance sont des termes galvaudés. Quoi qu’elles en disent, les banques ne prêtent presque plus, se mordant les doigts de ne pouvoir ainsi faire rentrer des commissions. Quand bien même, peu de gens se bousculent aux guichets.

Qui s’aventurerait à estimer la « juste valeur », pour reprendre un terme bien à la mode, des multiples artifices que les financiers ont inventé ? Les subprime étaient l’arbre qui cache une forêt de magouilles en tous genres, nées d’un insatiable appât du gain et d’une ingénierie financière machiavélique.

Quant aux gardes de foire, ils ont lamentablement échoué à leur mission et tentent aujourd’hui de retrouver « crédit » en colmatant les brèches, en signant des chèques à tout va. Au mieux, ils ne parviennent qu’à remplir des barques percées.

Les marchands de rêves, qui ont, depuis longtemps, remplacé ceux de draps, ont fait foirer le système.

Alexandra Voinchet