Fin du classement à l’ENA

Notre célèbre école d’administration ne laisse personne indifférent. Adulée par certains, décriée par d’autres, elle demeure le principal vivier de la haute administration et des grands commis de l’Etat. La liste des anciens élèves constitue l’un de plus beaux carnets d’adresses de France, comprenant notamment d’anciens Présidents de la République, des Premiers ministres, des ministres et de grands capitaines d’industrie. Mais le mode de fonctionnement de cette institution est la proie de toutes les critiques, notamment de la part d’anciens élèves qui considèrent que l’école est une formidable machine à classer dont seul le stage a un véritable intérêt.

Il est vrai qu’à l’ENA, le classement est roi et seuls les élèves sortis de la « botte » (les 15 premiers) pourront accéder aux grands corps de l’Etat (l’Inspection des Finances, le Conseil d’Etat ou la Cour des Comptes), les autres devant se satisfaire d’une plus « modeste » carrière. Autrement dit, c’est votre range de sortie à l’Etat à 23/24 ans qui va déterminer telle une partition écrite à l’avance la réussite de votre parcours dans la haute administration. Sans parler du réseau extrêmement puissant et probablement le plus efficace de France avec celui des polytechniciens.

Ce système de classement qui avait mis en place en 1945 permettait de mettre fin au système de réseau familial d’avant guerre qui faisait la part belle à la cooptation. Véritable symbole de la méritocratie républicaine puisque 100% anonyme, ce classement était le garant de l’équité devant les notes et donnait donc sa chance à tous quelle que soit son origine sociale.

Seulement voilà, Nicolas Sarkozy, notre super manager, souhaite moderniser l’ENA en lui appliquant les méthodes du privé. Désormais, ce n’est plus le fameux classement de sortie qui permettra aux élèves de choisir leur administration, mais ce sont les administrations qui choisiront les élèves. Comme dans le privé, l’accent sera mis sur le dossier des candidats et les facteurs psychologiques qui détermineront – sur la base d’entretiens – les réelles aptitudes de l’énarque à intégrer telle ou telle administration.

Néanmoins, si la suppression de la tyrannie du classement de sortie est louable, il est clair que le plus grand danger serait le retour au corporatisme ou au « réseautage » puisque l’anonymat est désormais levé. Il n’y a donc pas de système parfait, mais il faut avoir conscience des dérives possibles pour pouvoir mieux les endiguer. Cette réforme, voulue par Nicolas Sarkozy, représente donc une mini révolution auprès de cette inébranlable institution qu’est l’ENA.

Mais ne nous y trompons pas, le Président qui n’est pas issu du sérail et n’a pas fait de « grande «école » n’est pas l’énarquophobe que l’on décrit. En effet, bien que le gouvernement Fillon compte très peu d’énarques (Valérie Pécresse, Martin Hirsch), l’Elysée, où se trouve le vrai cœur du pouvoir, en est truffé : Claude Guéant, François Pérol (major)… Seul Henri Guaino, la plume de Nicolas Sarkozy, n’est finalement pas concerné par le classement de sortie de l’ENA, puisqu’il a échoué à 3 reprises au concours d’entrée… 

 

La phrase de la semaine :

«Le Parti socialiste fait le SMS» de Julien Dray qui estime que depuis ses ennuis judiciaires le Parti socialiste fait le Service Minimum Syndical..

 

rôme Boué